21.6
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
avant d'en avoir en France. Exposé en 1865 à la galerie de Pall-Mall, il
mérita à Fauteur un prix de cent livres sterling ; aujourd'hui, il lui vaut
une des rares médailles accordées à la peinture anglaise. Le Chrisloforo
Sly paraît aussi devoir réussir. C'est la scène bien connue de Taming of
the shrew. Le pauvre chaudronnier, subitement transformé en grand
seigneur, est assis sur le lit où il vient de s'éveiller : devant lui appa-
raissent les valets, qui lui offrent sur des* plats d'argent les friandises que,
du fond de sa misère, il n'aurait jamais osé rêver; à côté d'eux sont les
intendants qui, dans l'attitude du respect, viennent lui demander ses
ordres. Un peu de caricature, et trop peut-être, se mêle à la composition
spirituelle de M. Orchardson ; mais l'artiste a la gaieté, il a le trait qui
fait sourire; de plus, il aime les tons clairs, il a le sentiment du gris, il a
trouvé, dans le Défi, par exemple, un certain jaune qui brille au regard,
comme le bouton d'or dans les prés. Mais il nous est impossible de prendre
M. Orchardson pour un coloriste, car les tons qu'il emjjloie ne s'enchaî-
nent pas les uns aux autres clans un ordre bien musical. Son procédé
de travail est d'ailleurs des plus singuliers. Cette méthode égratignée,
qui juxtapose patiemment les petites touches, ressemble plus à de la bro-
derie qu'à de la peinture. Metsu s'étonnerait de ce système ; Van Ostade
en serait profondément révolté.
Les portraitistes anglais ont gardé quelque chose des anciennes tra-
ditions, mais il ont beaucoup faibli ; la couleur se délaye et se fait plus
pâle, la forme flotte incertaine et veule. Nous voyons ici finir l'école de
Lawrence. A ces maîtres, qui ont eu des jours meilleurs et dont le passé
nous est cher, il reste encore une sorte de charme attendri, et l'attitude
élégante, et le sentiment des arrangements luxueux ou familiers. Ce que
nous disons là, nous le disons surtout pour sir Francis Grant, aujourd'hui
président de l'Académie royale de Londres. M. Grant a été un peintre
excellent : en regardant le tableau où mistress Brassey se tient debout en-
tourée de ses deux chiens favoris et de son cheval ; en étudiant les portraits
du maréchal Hardinge, de ses fils et du colonel Wood revenant ensemble
d'une bataille dont les fumées rougeâtres incendient encore l'horizon, on
reconnaît, malgré les défaillances du dessin et l'à-peu-près des effigies,
l'artiste heureux qui a si bien compris le caractère des types anglais et
dont les portraits furent si souvent des tableaux. Et M. Boxall aussi a
vieilli ; de ses qualités passées, il ne lui reste plus que la douceur.
M. Henry Weigall appartient à une génération plus nouvelle ; mais l'ori-
ginalité et la force manquent à son portrait de la princesse de Galles.
M. H. Wells nous était connu comme miniaturiste : il aborde aujourd'hui
la peinture de grande dimension dans ses Volontaires au tir, réunion
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
avant d'en avoir en France. Exposé en 1865 à la galerie de Pall-Mall, il
mérita à Fauteur un prix de cent livres sterling ; aujourd'hui, il lui vaut
une des rares médailles accordées à la peinture anglaise. Le Chrisloforo
Sly paraît aussi devoir réussir. C'est la scène bien connue de Taming of
the shrew. Le pauvre chaudronnier, subitement transformé en grand
seigneur, est assis sur le lit où il vient de s'éveiller : devant lui appa-
raissent les valets, qui lui offrent sur des* plats d'argent les friandises que,
du fond de sa misère, il n'aurait jamais osé rêver; à côté d'eux sont les
intendants qui, dans l'attitude du respect, viennent lui demander ses
ordres. Un peu de caricature, et trop peut-être, se mêle à la composition
spirituelle de M. Orchardson ; mais l'artiste a la gaieté, il a le trait qui
fait sourire; de plus, il aime les tons clairs, il a le sentiment du gris, il a
trouvé, dans le Défi, par exemple, un certain jaune qui brille au regard,
comme le bouton d'or dans les prés. Mais il nous est impossible de prendre
M. Orchardson pour un coloriste, car les tons qu'il emjjloie ne s'enchaî-
nent pas les uns aux autres clans un ordre bien musical. Son procédé
de travail est d'ailleurs des plus singuliers. Cette méthode égratignée,
qui juxtapose patiemment les petites touches, ressemble plus à de la bro-
derie qu'à de la peinture. Metsu s'étonnerait de ce système ; Van Ostade
en serait profondément révolté.
Les portraitistes anglais ont gardé quelque chose des anciennes tra-
ditions, mais il ont beaucoup faibli ; la couleur se délaye et se fait plus
pâle, la forme flotte incertaine et veule. Nous voyons ici finir l'école de
Lawrence. A ces maîtres, qui ont eu des jours meilleurs et dont le passé
nous est cher, il reste encore une sorte de charme attendri, et l'attitude
élégante, et le sentiment des arrangements luxueux ou familiers. Ce que
nous disons là, nous le disons surtout pour sir Francis Grant, aujourd'hui
président de l'Académie royale de Londres. M. Grant a été un peintre
excellent : en regardant le tableau où mistress Brassey se tient debout en-
tourée de ses deux chiens favoris et de son cheval ; en étudiant les portraits
du maréchal Hardinge, de ses fils et du colonel Wood revenant ensemble
d'une bataille dont les fumées rougeâtres incendient encore l'horizon, on
reconnaît, malgré les défaillances du dessin et l'à-peu-près des effigies,
l'artiste heureux qui a si bien compris le caractère des types anglais et
dont les portraits furent si souvent des tableaux. Et M. Boxall aussi a
vieilli ; de ses qualités passées, il ne lui reste plus que la douceur.
M. Henry Weigall appartient à une génération plus nouvelle ; mais l'ori-
ginalité et la force manquent à son portrait de la princesse de Galles.
M. H. Wells nous était connu comme miniaturiste : il aborde aujourd'hui
la peinture de grande dimension dans ses Volontaires au tir, réunion