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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
naissance et qui porte toutes les palmes du triomphe. C'est un signe qu'il
se forme des amateurs aimant l'art pour lui-même et pour eux-mêmes,
et que le goût général tend vers la couleur et vers les impressions direc-
tement traduites. Cela est, à notre sens, un excellent symptôme, et si
nous traversons une période de transition, il y a lieu d'espérer que nos
neveux marcheront sur un terrain plus sûr et mieux préparé. Déjà on
peut remarquer que, dans les expositions, les succès ne sont plus poul-
ies choses absolument médiocres, et je suis à même de constater dans
les ventes avec quelle sûreté les bons morceaux sont déterrés et avec
quelle ardeur ils sont disputés. Mais tout s'enchaîne : si l'éducation de la
foule se fait par en haut, c'est-à-dire par les journaux d'art, les discus-
sions passionnées, le haut prix accordé aux chefs-d'œuvre ou aux mor-
ceaux réputés tels, il ne faudrait pas qu'en même temps elle se défît par
en bas. Or la gravure sur bois est l'intermédiaire le plus constant entre
l'art familier et le public : l'affluence des journaux illustrés, le nombre
toujours croissant des livres à images, l'importance qu'on leur a
donnée en en exagérant le prix, tout cela a une action latente, mais cer-
taine sur le public, et il faut y veiller. L'Administration tient-elle suffi-
samment compte du talent et des efforts des graveurs sur bois? Aide-
t-elle par des médailles, puisque médaille il y a, ou par des décorations,
à relever une profession qui tourne malheureusement trop souvent au
métier? Les faits répondent. Je n'ai même jamais vu un graveur sur bois
appelé, soit par le choix de l'administration, soii par le vote de ses ca-
marades, à défendre dans un jury les intérêts des exposants.
Nous avons cependant en ce moment, en France, des graveurs sur
bois pleins de mérite. Assurément l'école a été énervée dans ces dernières
années par des dessins si peu déterminés qu'il fallait en inventer la cou-
leur, le modelé et le contour, mais, nous en avons fait l'expérience sur
une petite échelle pour le Paris-Guide, il n'est point aussi difficile que
l'on croit de rencontrer ou de former de bons graveurs de fac-similé,
c'est-à-dire sachant suivre le trait du dessinateur sans l'exagérer ni
l'appauvrir.
Tout l'art du graveur n'est pas dans le fac-similé littéral. Il y a, en
dehors du trait à suivre, un travail d'interprétation pour exprimer les
valeurs de tons, qui est tout entier livré au sentiment et à l'expérience du
graveur. Rarement le dessinateur, et je parle des plus habiles, donne un
dessin tracé trait pour trait. Parfois même tel travail de tailles creusées
de droite à gauche rendra-t-il mieux le gris qu'on voulait obtenir pour faire
valoir les blancs ou les noirs, que si elles étaient poussées de gauche à
droite. Il y a donc une large part laissée au graveur. C'est ce que les An-
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naissance et qui porte toutes les palmes du triomphe. C'est un signe qu'il
se forme des amateurs aimant l'art pour lui-même et pour eux-mêmes,
et que le goût général tend vers la couleur et vers les impressions direc-
tement traduites. Cela est, à notre sens, un excellent symptôme, et si
nous traversons une période de transition, il y a lieu d'espérer que nos
neveux marcheront sur un terrain plus sûr et mieux préparé. Déjà on
peut remarquer que, dans les expositions, les succès ne sont plus poul-
ies choses absolument médiocres, et je suis à même de constater dans
les ventes avec quelle sûreté les bons morceaux sont déterrés et avec
quelle ardeur ils sont disputés. Mais tout s'enchaîne : si l'éducation de la
foule se fait par en haut, c'est-à-dire par les journaux d'art, les discus-
sions passionnées, le haut prix accordé aux chefs-d'œuvre ou aux mor-
ceaux réputés tels, il ne faudrait pas qu'en même temps elle se défît par
en bas. Or la gravure sur bois est l'intermédiaire le plus constant entre
l'art familier et le public : l'affluence des journaux illustrés, le nombre
toujours croissant des livres à images, l'importance qu'on leur a
donnée en en exagérant le prix, tout cela a une action latente, mais cer-
taine sur le public, et il faut y veiller. L'Administration tient-elle suffi-
samment compte du talent et des efforts des graveurs sur bois? Aide-
t-elle par des médailles, puisque médaille il y a, ou par des décorations,
à relever une profession qui tourne malheureusement trop souvent au
métier? Les faits répondent. Je n'ai même jamais vu un graveur sur bois
appelé, soit par le choix de l'administration, soii par le vote de ses ca-
marades, à défendre dans un jury les intérêts des exposants.
Nous avons cependant en ce moment, en France, des graveurs sur
bois pleins de mérite. Assurément l'école a été énervée dans ces dernières
années par des dessins si peu déterminés qu'il fallait en inventer la cou-
leur, le modelé et le contour, mais, nous en avons fait l'expérience sur
une petite échelle pour le Paris-Guide, il n'est point aussi difficile que
l'on croit de rencontrer ou de former de bons graveurs de fac-similé,
c'est-à-dire sachant suivre le trait du dessinateur sans l'exagérer ni
l'appauvrir.
Tout l'art du graveur n'est pas dans le fac-similé littéral. Il y a, en
dehors du trait à suivre, un travail d'interprétation pour exprimer les
valeurs de tons, qui est tout entier livré au sentiment et à l'expérience du
graveur. Rarement le dessinateur, et je parle des plus habiles, donne un
dessin tracé trait pour trait. Parfois même tel travail de tailles creusées
de droite à gauche rendra-t-il mieux le gris qu'on voulait obtenir pour faire
valoir les blancs ou les noirs, que si elles étaient poussées de gauche à
droite. Il y a donc une large part laissée au graveur. C'est ce que les An-