LES MONUMENTS DE L'AGE DE PIERRE. 523
ait habité les régions les plus différentes de notre Occident, la Gaule,
l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la Scandinavie. Ces divers pays ayant
posé de nombreux échantillons de leur âge du bronze, il a été facile de
vérifier le caractère d'unité que nous y signalons.
Le métal ne s'étant, comme on vient de le voir, substitué que graduel-
lement, et non par une révolution brusque aux instruments de pierre, il
y eut un temps où les deux matières furent concurremment employées.
Nous avons déjà remarqué qu'une partie des dolmens de la France datent
de cette époque de transition. 11 en est de même de certaines palafittes de
la Suisse où le bronze est associé à la pierre, et de quelques terramare de
l'Emilie, celles de Campeggine et de Castelnovo, par exemple, où les silex
et les os taillés se montrent avec des armes et des ustensiles de bronze.
Diverses sépultures de l'Italie septentrionale ont offert pareille associa-
tion. Il s'est même rencontré en Allemagne, à Minsleben, un tumulus où
étaient réunies des armes de pierre et des armes de fer, ce qui montre
que l'usage de la pierre taillée subsista chez quelques populations par
delà l'âge du bronze. Le grand prix du métal faisait que les plus pauvres
se contentaient d'armer leurs flèches et leurs lances de pointes de silex.
Sur le champ de bataille de Marathon l'on ramasse à la fois des bouts de
flèches en bronze et en silex noir taillé par éclats; il'en est de même au
Camp de César, près de Périgueux, et un fait semblable s'observe dans les
civilisations, développées tout à fait isolément, du Mexique et du Pérou.
La haute antiquité des instruments de pierre leur fit même prêter
plus tard, chez un grand nombre de peuples, un caractère religieux;
aussi l'usage s'en conserva-t-il souvent dans le culte. Chez les Égyptiens,
c'était avec un instrument de pierre que le paraschiste ouvrait le flanc
de la momie avant de la soumettre aux opérations de l'embaumement.
Chez les Juifs, la circoncision se pratiquait avec un couteau de silex. En
Asie Mineure, une pierre tranchante ou un tesson de poterie, était l'outil
avec lequel les Galles ou prêtres de Cybèle pratiquaient leur éviration.
Chez les Romains on se servait, dans le culte de Jupiter Latialis, d'une
hache de pierre [scena pontificalis), et il en était de même dans les rites
des féciaux. En Chine, où les métaux sont connus depuis un temps immé-
morial, les armes en pierre, et surtout les couteaux de silex, se sont
religieusement conservés. Encore de nos jours, chez les pallikares de
l'Albanie, comme j'ai eu l'occasion de l'observer moi-môme, c'est avec
un caillou tranchant, et non avec un couteau de métal, que doit être dé-
pouillé de ses chairs l'os de l'omoplate de mouton, dans les libres duquel
ils croient lire les secrets de l'avenir.
FRANÇOIS LENORJIANT.
ait habité les régions les plus différentes de notre Occident, la Gaule,
l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la Scandinavie. Ces divers pays ayant
posé de nombreux échantillons de leur âge du bronze, il a été facile de
vérifier le caractère d'unité que nous y signalons.
Le métal ne s'étant, comme on vient de le voir, substitué que graduel-
lement, et non par une révolution brusque aux instruments de pierre, il
y eut un temps où les deux matières furent concurremment employées.
Nous avons déjà remarqué qu'une partie des dolmens de la France datent
de cette époque de transition. 11 en est de même de certaines palafittes de
la Suisse où le bronze est associé à la pierre, et de quelques terramare de
l'Emilie, celles de Campeggine et de Castelnovo, par exemple, où les silex
et les os taillés se montrent avec des armes et des ustensiles de bronze.
Diverses sépultures de l'Italie septentrionale ont offert pareille associa-
tion. Il s'est même rencontré en Allemagne, à Minsleben, un tumulus où
étaient réunies des armes de pierre et des armes de fer, ce qui montre
que l'usage de la pierre taillée subsista chez quelques populations par
delà l'âge du bronze. Le grand prix du métal faisait que les plus pauvres
se contentaient d'armer leurs flèches et leurs lances de pointes de silex.
Sur le champ de bataille de Marathon l'on ramasse à la fois des bouts de
flèches en bronze et en silex noir taillé par éclats; il'en est de même au
Camp de César, près de Périgueux, et un fait semblable s'observe dans les
civilisations, développées tout à fait isolément, du Mexique et du Pérou.
La haute antiquité des instruments de pierre leur fit même prêter
plus tard, chez un grand nombre de peuples, un caractère religieux;
aussi l'usage s'en conserva-t-il souvent dans le culte. Chez les Égyptiens,
c'était avec un instrument de pierre que le paraschiste ouvrait le flanc
de la momie avant de la soumettre aux opérations de l'embaumement.
Chez les Juifs, la circoncision se pratiquait avec un couteau de silex. En
Asie Mineure, une pierre tranchante ou un tesson de poterie, était l'outil
avec lequel les Galles ou prêtres de Cybèle pratiquaient leur éviration.
Chez les Romains on se servait, dans le culte de Jupiter Latialis, d'une
hache de pierre [scena pontificalis), et il en était de même dans les rites
des féciaux. En Chine, où les métaux sont connus depuis un temps immé-
morial, les armes en pierre, et surtout les couteaux de silex, se sont
religieusement conservés. Encore de nos jours, chez les pallikares de
l'Albanie, comme j'ai eu l'occasion de l'observer moi-môme, c'est avec
un caillou tranchant, et non avec un couteau de métal, que doit être dé-
pouillé de ses chairs l'os de l'omoplate de mouton, dans les libres duquel
ils croient lire les secrets de l'avenir.
FRANÇOIS LENORJIANT.