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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

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Nr. 1
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Mantz, Paul: Henri Régnault
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https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0087

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HENRI RÉGNAULT.

81

Depuis lors, l'Exécution a reparu à Londres, et, au printemps dernier, elle
n’a pas été la moindre curiosité de l’exposition dont la Gazette a rendu
compte. Nous ne l’avons pas revue depuis sa première apparition à l’École
des beaux-arts; mais nous retrouvons dans un projet d’article donila
guerre, — intelligente ce jour-là seulement, — empêcha la publication,
quelques lignes qui résument notre impression du moment.

Debout à l’entrée d’un palais mauresque, un bourreau aux carnations
bronzées, à la longue tunique rose, vient d’accomplir sa sinistre besogne.
A ses pieds gît, dans cette attitude strapassée et gauche qui contracte,
dit-on, les membres des décapités, le cadavre d’un personnage somp-
tueusement vêtu. Sa tête a roulé, exsangue et livide, sur les premières
marches de l’escalier; une large flaque de sang vermeil s’étale sur les
dalles blanches. Le bourreau, infiniment sérieux et satisfait d’avoir rempli
son rôle selon les règles de l’art, essuie tranquillement au pan de sa
robe la lame de son yatagan.

Dans cette donnée que Delacroix aurait naturellement tournée au
tragique et qui, à vrai dire, n’est pas d’une gaieté folle, Régnault a vu
surtout une occasion d’essayer des combinaisons de couleurs, des har-
monies inédites. L’exécuteur, nous l’avons indiqué, a les chairs brunes
d’un Africain ; sa robe est d’un ton pareil à celui des roses à demi séchées,
un étroit linge blanc entoure son front. Ainsi conçue dans une gamme
dont la vigueur s’atténue par les reflets d’un jour intérieur, cette figure
se détache sur un fond scintillant et clair, le vestibule d’un alhambra
chimérique où l’arabesque étincelle aux murailles, où les mille reliefs des
stucs peints et dorés brillent dans une lumière fauve. Si donc on excepte
le bandeau blanc qui illumine le front du personnage, l’effet est cherché
dans la lutte mélodieuse des analogues, les roses éteints jouant avec les
jaunes roux et les orangés avec les dorures.

A la rigueur, Régnault aurait pu en rester là. Mais, intrépide jusqu’à
l’imprudence, il a adopté un autre système pour la partie inférieure de
son tableau. Les marches de l’escalier blanc, les taches pourprées du
sang répandu, la tête cadavéreuse et déjà verdissante, le corps du déca-
pité luxueusement habillé d’un vêtement de soie verte qu’avive une
ceinture cerise, constituent un ensemble de notes puissantes et gaies qui
s’exaltent par leur juxtaposition, mais qui, si l’on voulait examiner la
thèse au point de vue littéraire, sont peut-être un moyen singulier pour
exprimer l’émotion que devrait produire une scène aussi lugubre. Le
drame ne parle pas ici son langage naturel, et on pourrait voir dans
cette combinaison de tons une recherche hardie jusqu’au paradoxe.

Pourquoi ne nous a-t-il pas été permis d’interroger Régnault sur sa

V. — 2e PÉRIODE. \\
 
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