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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
les progrès de l’impression des estampes. Dans les républiques ita-
liennes du moyen âge où la vie était un peu de place publique, la grande
affaire était une église à bâtir, une statue équestre à couler, le chœur
d’une église ou les murs cl’un cloître à couvrir de peintures. Une ten-
dance diamétralement opposée se manifestait en Allemagne; le génie de
la nation porté par nature aux choses de détail, le climat moins géné-
reux, un état politique plus morcelé et une plus grande opulence due au
commerce y avaient fait naître le goût d’un intérieur plus confortable,
plus orné, et encouragé un art secondaire plus approprié aux besoins
de l’individu. » —- Piien de mieux, si les choses s’étaient toujours passées
de la sorte ; si ce dédain des Italiens pour les produits d’un art dont les
Allemands devaient s’accommoder avait subsisté au delà des premières
années et ne s’était pas au contraire démenti vers la fin du siècle. Puis-
que, à ce moment, les estampes italiennes apparaissent en bon nombre
déjà pour se multiplier ensuite de plus en plus, puisque, même à Flo-
rence, la gravure a obtenu alors sa place légale et son droit de cité, il
faut bien reconnaître qu’elle n’avait rencontré dans l’opinion publique
ni des résistances fort sérieuses, ni une indifférence durable.
Pourquoi d’ailleurs les titres du nouvel art auraient-ils été méconnus?
pourquoi l’admiration qu’il méritait lui aurait-elle été marchandée là où,
quarante ou cinquante ans auparavant, le goût pour les grandes entre-
prises de la peinture avait pu si aisément se concilier avec les succès
faits aux modestes travaux des miniaturistes et aux petits tableaux de
Jean de Fiesole? Les nielles que nous ont laissés Finiguerra et les orfè-
vres contemporains d’une part, les pièces qui passent pour avoir été
gravées par Baccio Baldini de l’autre, marquent le point de départ de •
la gravure florentine et, après un semblant d’interruption, la reprise des
efforts, la confirmation des progrès primitifs. Il ne s’agit donc en réalité
que d’une lacune de quelques années entre les deux termes de cette
période; il s’agit de rechercher si parmi les estampes, assez dissem-
blables d’ailleurs, auxquelles le nom de Baldini a servi traditionnelle-
ment d’étiquette, plusieurs n’autorisent pas le doute sur l’origine com-
mune ou sur la date un peu tardive qu’on est convenu de leur assigner.
Sans prétendre, tant s’en faut, tout retrouver et tout dire, nous essaye-
rons de choisir quelques spécimens significatifs et d’éclaircir la question
par quelques exemples.
HENRI DELABORDE.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
les progrès de l’impression des estampes. Dans les républiques ita-
liennes du moyen âge où la vie était un peu de place publique, la grande
affaire était une église à bâtir, une statue équestre à couler, le chœur
d’une église ou les murs cl’un cloître à couvrir de peintures. Une ten-
dance diamétralement opposée se manifestait en Allemagne; le génie de
la nation porté par nature aux choses de détail, le climat moins géné-
reux, un état politique plus morcelé et une plus grande opulence due au
commerce y avaient fait naître le goût d’un intérieur plus confortable,
plus orné, et encouragé un art secondaire plus approprié aux besoins
de l’individu. » —- Piien de mieux, si les choses s’étaient toujours passées
de la sorte ; si ce dédain des Italiens pour les produits d’un art dont les
Allemands devaient s’accommoder avait subsisté au delà des premières
années et ne s’était pas au contraire démenti vers la fin du siècle. Puis-
que, à ce moment, les estampes italiennes apparaissent en bon nombre
déjà pour se multiplier ensuite de plus en plus, puisque, même à Flo-
rence, la gravure a obtenu alors sa place légale et son droit de cité, il
faut bien reconnaître qu’elle n’avait rencontré dans l’opinion publique
ni des résistances fort sérieuses, ni une indifférence durable.
Pourquoi d’ailleurs les titres du nouvel art auraient-ils été méconnus?
pourquoi l’admiration qu’il méritait lui aurait-elle été marchandée là où,
quarante ou cinquante ans auparavant, le goût pour les grandes entre-
prises de la peinture avait pu si aisément se concilier avec les succès
faits aux modestes travaux des miniaturistes et aux petits tableaux de
Jean de Fiesole? Les nielles que nous ont laissés Finiguerra et les orfè-
vres contemporains d’une part, les pièces qui passent pour avoir été
gravées par Baccio Baldini de l’autre, marquent le point de départ de •
la gravure florentine et, après un semblant d’interruption, la reprise des
efforts, la confirmation des progrès primitifs. Il ne s’agit donc en réalité
que d’une lacune de quelques années entre les deux termes de cette
période; il s’agit de rechercher si parmi les estampes, assez dissem-
blables d’ailleurs, auxquelles le nom de Baldini a servi traditionnelle-
ment d’étiquette, plusieurs n’autorisent pas le doute sur l’origine com-
mune ou sur la date un peu tardive qu’on est convenu de leur assigner.
Sans prétendre, tant s’en faut, tout retrouver et tout dire, nous essaye-
rons de choisir quelques spécimens significatifs et d’éclaircir la question
par quelques exemples.
HENRI DELABORDE.