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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
le premier statuaire ou peintre qui a le premier représenté les Charités
toutes nues, car dans toutes leurs représentations archaïques elles sont
drapées : telles sont, à Smyrne, les Charités d’or de Boupalos dans le
temple des Némeses et celle qu’Apelle a peinte dans l’Odéon. Il y a
aussi à Pergame des Charités de Boupalos, dans la chambre d’Attale, et
d’autres peintes par Pythagore de Paros, dans le temple d’Apollon
Pythien. Socrate, fds de Sophronisque, a sculpté les statues des Charités
à l’entrée de l’Acropole. Dans toutes ces représentations, les Charités sont
vêtues, mais plus tard je ne sais qui a changé cet usage, et aujourd’hui
les peintres et les sculpteurs les représentent nues. »
Cette nudité est en effet assez extraordinaire, car si les Dieux sont
souvent représentés nus, les Déesses sont toujours vêtues, excepté les
Déesses des eaux, les Nymphes, les Néréides et Aphroditè marine. Cor-
nutus explique la nudité des Charités comme un emblème de la sincérité
et de la promptitude qui conviennent à la bienfaisance ; c’est un peu
subtil, cependant c’est par une raison analogue qu’on a l’habitude de
peindre la Vérité toute nue. Quoi qu’il en soit, le type qui a prévalu
dans l’art pour les Charités est celui de trois jeunes filles se tenant mu-
tuellement embrassées dans une attitude pleine d’abandon. C’est ainsi
qu’elles sont représentées dans un grand nombre de monuments, parmi
lesquels il suffit de citer le groupe de Sienne et celui du Louvre1. Quel-
quefois, comme dans une peinture d’Herculanum 1 2, elles tiennent à la main
des fleurs et des épis, ce qui les rapproche des Heures, ou un pavot, allu-
sion aux bienfaits du Sommeil, dont la plus jeune était aimée selon Homère.
Quelquefois aussi l’une d’elles porte le bonnet rond d’Hèphaïstos, à qui
Homère la donne pour épouse, à cause de la joie intime qui accompagne
le travail3. Elles représentent aussi la gaieté et la bonne harmonie qui doit
régner entre les convives, et c’est à ce titre quelles sont représentées sur
un verre peint4, au milieu d’une inscription moitié grecque moitié latine,
qui signifie : buvez, vivez de longues années. Les noms qui leur sont
donnés dans cette inscription, Gélasia, Lecori (pour Decori?), Comasia,
font allusion à la joie et à l’amabilité qui sont le charme d’un festin.
Sur une gemme de Florence5, elles sont représentées au nombre de
deux seulement, occupées à la toilette d’Aphroditè, d’après un passage
d’Homère. Ce rapprochement des Charités et d’Aphroditè, très-fréquent
1. Bouillon, Musée des antiques, I, 26.
2. Piroli, Antich. di Ercolano, II, 40.
3. Wieseler, Denkmàler der alten Kunst.W, 724.
4. Guigniaut, Nouvelle Galerie mythologique, xci, 412.
5. Gori, Mus. Flor., I, tav. 82, ,fig. 3.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
le premier statuaire ou peintre qui a le premier représenté les Charités
toutes nues, car dans toutes leurs représentations archaïques elles sont
drapées : telles sont, à Smyrne, les Charités d’or de Boupalos dans le
temple des Némeses et celle qu’Apelle a peinte dans l’Odéon. Il y a
aussi à Pergame des Charités de Boupalos, dans la chambre d’Attale, et
d’autres peintes par Pythagore de Paros, dans le temple d’Apollon
Pythien. Socrate, fds de Sophronisque, a sculpté les statues des Charités
à l’entrée de l’Acropole. Dans toutes ces représentations, les Charités sont
vêtues, mais plus tard je ne sais qui a changé cet usage, et aujourd’hui
les peintres et les sculpteurs les représentent nues. »
Cette nudité est en effet assez extraordinaire, car si les Dieux sont
souvent représentés nus, les Déesses sont toujours vêtues, excepté les
Déesses des eaux, les Nymphes, les Néréides et Aphroditè marine. Cor-
nutus explique la nudité des Charités comme un emblème de la sincérité
et de la promptitude qui conviennent à la bienfaisance ; c’est un peu
subtil, cependant c’est par une raison analogue qu’on a l’habitude de
peindre la Vérité toute nue. Quoi qu’il en soit, le type qui a prévalu
dans l’art pour les Charités est celui de trois jeunes filles se tenant mu-
tuellement embrassées dans une attitude pleine d’abandon. C’est ainsi
qu’elles sont représentées dans un grand nombre de monuments, parmi
lesquels il suffit de citer le groupe de Sienne et celui du Louvre1. Quel-
quefois, comme dans une peinture d’Herculanum 1 2, elles tiennent à la main
des fleurs et des épis, ce qui les rapproche des Heures, ou un pavot, allu-
sion aux bienfaits du Sommeil, dont la plus jeune était aimée selon Homère.
Quelquefois aussi l’une d’elles porte le bonnet rond d’Hèphaïstos, à qui
Homère la donne pour épouse, à cause de la joie intime qui accompagne
le travail3. Elles représentent aussi la gaieté et la bonne harmonie qui doit
régner entre les convives, et c’est à ce titre quelles sont représentées sur
un verre peint4, au milieu d’une inscription moitié grecque moitié latine,
qui signifie : buvez, vivez de longues années. Les noms qui leur sont
donnés dans cette inscription, Gélasia, Lecori (pour Decori?), Comasia,
font allusion à la joie et à l’amabilité qui sont le charme d’un festin.
Sur une gemme de Florence5, elles sont représentées au nombre de
deux seulement, occupées à la toilette d’Aphroditè, d’après un passage
d’Homère. Ce rapprochement des Charités et d’Aphroditè, très-fréquent
1. Bouillon, Musée des antiques, I, 26.
2. Piroli, Antich. di Ercolano, II, 40.
3. Wieseler, Denkmàler der alten Kunst.W, 724.
4. Guigniaut, Nouvelle Galerie mythologique, xci, 412.
5. Gori, Mus. Flor., I, tav. 82, ,fig. 3.