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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 7.1873

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Nr. 3
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Ménard, René: Collection Laurent Richard, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21409#0212

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G'AZETTE DES BEAUX-ARTS.

194

La collection Laurent Richard nous offre à peu près tous les aspects
du talent de Rousseau. Cet artiste, en effet, a prodigieusement varié, et
son œuvre nous montre tantôt des impressions vivement senties et expri-
mées avec un rare bonheur, mais où l’exécution ne supporte pas l’exa-
men-attentif des amateurs qui cherchent l’analyse et le rendu du détail,
tantôt des tableaux traités avec un soin méticuleux, mais dont l’ensem-
ble n’a pas le charme et la naïveté que les artistes admirent dans les
premiers.

Si nous avions à faire un choix parmi les onze tableaux de Théodore
Rousseau qui figurent dans la collection Laurent Richard, nous n’aurions
pas un moment d’hésitation : c’est le Givre qui aurait nos préférences.
Nous connaissons cette peinture de vieille date, et nous nous rappelons
avec quel enthousiasme en parlait Troy.on qui s’en était rendu acquéreur,
et avec quelle complaisance il le montrait à ses amis. Il y a d’autres
tableaux de Théodore Rousseau dont l’ordonnance est mieux équilibrée,
dont la facture est plus soignée : il n’y en a pas dont l’impression soit
plus saisissante. Des terrains mamelonnés tout couverts de givre, au fond
un petit bois dépouillé dont la silhouette se perd sous la brume, dans
le ciel des teintes ardentes du soleil couchant qui brillent au travers des
nuages épais : voilà toute la composition. L’artiste ne s’est point mis en
frais d’imagination pour meubler son tableau avec des figures ou des
animaux, et la solitude même de la scène ajoute à sa grandeur. C’est
une émotion sentie devant la nature, pendant une soirée d’hiver, et
transcrite sur la toile un jour d’inspiration fiévreuse. Quant au mode
d’exécution, il est indéchiffrable; la facture disparaît absolument; la
palette et les procédés du peintre s’effacent derrière l’impression toute
personnelle de l’artiste.

C’est avec un sentiment analogue qu’ont été conçues les Landes, ad-
mirable petit paysage, d’une grandeur triste et sauvage, dont la facture
singulièrement neuve et hardie appelle quelques réflexions.

Théodore Rousseau a une manière de comprendre le paysage qui est à
l’antipode des méthodes classiques, et même des dispositions habituelles
à l’école hollandaise. Dans les tableaux de Ruvsdaeî, de Wynants ou de
Rerchem, aussi bien que dans les paysages historiques du Poussin, on
trouve presque toujours au premier plan une plante, un buisson, un tronc
d’arbre, ou un fragment d’architecture, dont le détail est très-étudié et
forme un accident destiné à être comme la clef de voûte de l’exécu-
tion, en ce sens que la touche est de moins en moins accentuée, à mesure
qu’elle se rapproche vers l’horizon. C’est un procédé employé par tous les
artistes du xvne siècle, pour exprimer la fuite et la profondeur de la
 
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