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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de l’habileté de l’imitateur inconnu et subissent le charme de l’œuvre
mystérieuse. Les visiteurs admis chez M. Rothan se livrent devant ce por-
trait à des discussions infinies : pour nous, nous constatons le sphinx, et
nous avouons n’avoir pu deviner son secret.
L’école de Rembrandt est représentée ici par un incontestable dis-
ciple, Nicolas Maas. On sait quelle est sur ce peintre la doctrine des bons
auteurs. Maas étant né en 1632 et mort en 1693, ils font deux parts de
sa vie. Dans la première phase, Maas, écolier fidèle de Rembrandt, est le
peintre vigoureux et plein d’accent à qui l'on doit les scènes familières,
les intérieurs à un ou deux personnages où l’on voit presque toujours
éclater une note rouge au milieu des chaudes transparences d’un brun
fauve. Cette note vibrante, vous la retrouvez dans le seul Maas
qui soit au Louvre, celui de la galerie La Caze. A cette époque, qui est la
bonne, Maas fait même des figures de grandeur naturelle, comme la
Rêveuse, du musée d’Amsterdam. L’autre partie de sa vie est consacrée
au portrait, et bientôt son talent s’égare. Sa touche devient moins pré-
cise, sa main s’amollit, et, s’il en faut croire les livres, son style se mo-
difie comme son système de coloration. Ce changement de manière
coïnciderait avec la mort de Rembrandt (1669) et avec le voyage de
Maas à Anvers, où il trouva l’école flamande en pleine décadence et
oublia tout à fait son maître. Telle est l’étrange histoire qu’on raconte :
nous y répondrons peut-être. Quoi qu’il en soit, nous avons chez
M. Rothan deux petits portraits de N. Maas. Us ne sont point signés ; mais
l’aspect rembranesque qu’ils conservent et le caractère de l’exécution
suffisent à les faire reconnaître. L’un est un portrait de femme qui n’était
pas belle et que le peintre n’a point flattée ; l’autre, que nous reprodui-
sons, nous montre l’intelligente physionomie d’un brave Hollandais qui,
par un hasard singulier, ressemble vaguement à Pierre Corneille. Dans
l’un comme dans l’autre de ces portraits, Maas a tenu à faire entrer la
note rouge qui lui était chère : ici, c’est un bout de manche ; là, c’est
l’étoffe du fauteuil qui rougeoie et illumine la pénombre. Je le répète, il
reste beaucoup du disciple de Rembrandt dans ces portraits où aucun
élément de déclin ne se mêle encore et qui gardent la chaleur et la vie.
Mais, indépendamment du Maas rembranesque, il y a un autre Maas
ou Maes que les livres confondent avec lui, mais qui, si les tableaux ont
quelque autorité, doit en être hardiment séparé. Il faisait des portraits,
et, au costume de ses modèles, au procédé, habile encore, mais déjà voi-
sin de la décadence, on devine qu’il a travaillé vers la fin du xvii® siècle.
Ici, je l’ai indiqué, c’est moins aux livres qu’aux œuvres elles-mêmes qu’il
faut demander des informations. Après de longues recherches, je ne
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de l’habileté de l’imitateur inconnu et subissent le charme de l’œuvre
mystérieuse. Les visiteurs admis chez M. Rothan se livrent devant ce por-
trait à des discussions infinies : pour nous, nous constatons le sphinx, et
nous avouons n’avoir pu deviner son secret.
L’école de Rembrandt est représentée ici par un incontestable dis-
ciple, Nicolas Maas. On sait quelle est sur ce peintre la doctrine des bons
auteurs. Maas étant né en 1632 et mort en 1693, ils font deux parts de
sa vie. Dans la première phase, Maas, écolier fidèle de Rembrandt, est le
peintre vigoureux et plein d’accent à qui l'on doit les scènes familières,
les intérieurs à un ou deux personnages où l’on voit presque toujours
éclater une note rouge au milieu des chaudes transparences d’un brun
fauve. Cette note vibrante, vous la retrouvez dans le seul Maas
qui soit au Louvre, celui de la galerie La Caze. A cette époque, qui est la
bonne, Maas fait même des figures de grandeur naturelle, comme la
Rêveuse, du musée d’Amsterdam. L’autre partie de sa vie est consacrée
au portrait, et bientôt son talent s’égare. Sa touche devient moins pré-
cise, sa main s’amollit, et, s’il en faut croire les livres, son style se mo-
difie comme son système de coloration. Ce changement de manière
coïnciderait avec la mort de Rembrandt (1669) et avec le voyage de
Maas à Anvers, où il trouva l’école flamande en pleine décadence et
oublia tout à fait son maître. Telle est l’étrange histoire qu’on raconte :
nous y répondrons peut-être. Quoi qu’il en soit, nous avons chez
M. Rothan deux petits portraits de N. Maas. Us ne sont point signés ; mais
l’aspect rembranesque qu’ils conservent et le caractère de l’exécution
suffisent à les faire reconnaître. L’un est un portrait de femme qui n’était
pas belle et que le peintre n’a point flattée ; l’autre, que nous reprodui-
sons, nous montre l’intelligente physionomie d’un brave Hollandais qui,
par un hasard singulier, ressemble vaguement à Pierre Corneille. Dans
l’un comme dans l’autre de ces portraits, Maas a tenu à faire entrer la
note rouge qui lui était chère : ici, c’est un bout de manche ; là, c’est
l’étoffe du fauteuil qui rougeoie et illumine la pénombre. Je le répète, il
reste beaucoup du disciple de Rembrandt dans ces portraits où aucun
élément de déclin ne se mêle encore et qui gardent la chaleur et la vie.
Mais, indépendamment du Maas rembranesque, il y a un autre Maas
ou Maes que les livres confondent avec lui, mais qui, si les tableaux ont
quelque autorité, doit en être hardiment séparé. Il faisait des portraits,
et, au costume de ses modèles, au procédé, habile encore, mais déjà voi-
sin de la décadence, on devine qu’il a travaillé vers la fin du xvii® siècle.
Ici, je l’ai indiqué, c’est moins aux livres qu’aux œuvres elles-mêmes qu’il
faut demander des informations. Après de longues recherches, je ne