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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 1
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Bonnaffé, Edmond: Sabba da Castiglione, [1]: notes sur la curiosité italienne a la renaissance
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0039

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S A B B A. DA CASTIGL10NE.

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le tiennent en nulle estime, ont laissé tomber en ruines le cheval de
Milan », assertion confirmée d’ailleurs par le duc de Ferrare, écrivant que
« ledit modèle se délabre tous les jours, faute de soins ». Par ces mots
«de certaines gens, de alcuni », Sabba veut-il désigner les Français?
Sans aucun doute; dans un autre Ricordo1, parlant du sac de Pavie par
nos troupes, il se sert d’expressions à peu près identiques. Au fond et
malgré ses réticences, Sabba ne nous aime guère1 2; il est trop bon pa-
triote pour nous pardonner nos conquêtes; nous sommes donc à l’aise
pour discuter, sans lui faire injure, l’impartialité de ses souvenirs poli-
tiques. Dans cette période de vingt-cinq ans où le Milanais passe de mains
en mains, tour à tour repris et perdu par les Français, par le More, par
l’Empereur et par les Italiens, comment déterminer à coup sûr les respon-
sabilités de chacun ? En ce qui nous concerne, le cardinal de Rouen gou-
verneur de Milan, dont parlait tout à l’heure le duc de Ferrare, était alors
Georges d’Amboise, et le nom seul de cet illustre amateur, de ce pro-
tecteur intelligent et passionné des arts, suffit pour nous défendre contre
les rancunes patriotiques de Castiglione et ses accusations « d’ignorance
et d’incurie ».

Mais à quoi bon chercher si loin la vérité quand on l’a sous la main?
Nous savons que le cheval était « de dimension colossale », qu’il repré-
sentait l’animal dans une allure véhémente et haletant, veliementer inci-
tati et anhelantis 3, qu’il était modelé en terre et dressé sur une place
publique. Or un groupe de terre fragile, de cette dimension et dans
cette attitude, exposé aux ravages de la pluie et du soleil, n’en a pas pour
bien longtemps quand il commence à se dégrader. Le chef-d’œuvre de
Léonard, déjà bien compromis en 1501, était donc perdu sans retour.
Alors peut-être quelques soldats avinés ont pu tirer sur ce colosse en
ruines et l’achever. Quels étaient ces soldats? Français, Allemands, Espa-
gnols, Suisses ou même Italiens, qu’importe? En cas pareil, chaque parti
a bien soin de se renvoyer la balle. Nos ennemis n’ont pas manqué de
nous imputer cet outrage in extremis, de l’exploiter contre nous, de le
grossir outre mesure et, trente ou quarante ans plus tard, Sabba se rap-
pelant ce que lui-même avait entendu dire lorsqu’il était encore à Rhodes,
ou à Rome, en tout cas fort loin de Milan, le répète à son neveu comme
un souvenir douloureux des mauvais jours.

EDMOND BONNAFFÉ.

(La suite prochainement.)

1. N°113.

2. Voir notamment le Ricordo, n° 74.

3. Paul Jove.

xxx. — 2° PÉRIODE.

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