RUBENS.
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Hollande par une affaire diplomatique, n’ait pas profité de l'occasion pour
ouvrir les yeux sur les œuvres d’art qui l’entouraient? Tous les bio-
graphes parlent de cette excursion, mais ils n’en fixent pas correctement
l’époque, et ce point a de l’importance pour ceux qui voudraient ap-
prendre quels artistes Rubens a pu voir, quelles peintures il lui a été
permis d’étudier1. Les documents, beaucoup trop brefs, ne nous parlent
que d’un rapide séjour à Breda, à Delft et à Amsterdam. Le peintre ne
s’est-il pas arrêté ailleurs ? Quel chemin a-t-il pris au retour? La Hollande
était bien curieuse à visiter pendant l’été de 1627. Faut-il rappeler la
situation de l’école hollandaise à ce moment intermédiaire qui a l’intérêt
d’une préface? C’est l’heure où Rembrandt va prendre la parole. Lemaître
de Leyde avait alors vingt ans : Rubens a passé, sans le connaître, près
de ce génie en voie d’éclosion. Mais déjà il y a des peintres partout : le
succès est pour les patients comme Mierevelt, Moreelse et aussi pour
quelques pseudo-italiens qui ont si étrangement habillé l’antiquité, les
Abraham Blomaert et les Pierre Lastman. Sur tous ces maîtres Rubens
avait une forte avance : le moderne, c’était lui.
Harlem peut-être aurait pu lui apprendre quelque chose. 11 y avait
un ami, Pieter de Grebber, celui-là même qui était intervenu lors de
l’échange d’œuvres d’art avec sir Hudlev Carleton. Si Rubens est passé
par Harlem, il y a vu le vaillant Frans liais, qui peignait précisément,
en 1627, deux de ses victorieux tableaux : les Officiers des archers de
Saint-Georges et ceux des archers de Saint-Adrien. Nous ignorons mal-
heureusement si les deux maîtres se sont rencontrés.
Sandrart nous apprend que Rubens a fait une promenade à Ltrecht;
il y connaissait deux peintres plus jeunes que lui, mais fort célèbres,
Poelenburg et Gérard Ilonthorst. 11 aimait Honthorst, parce que le Hol-
landais avait communié avec lui dans le culte de Caravage et des ombres
fortes. Pourquoi Rubens aimait-il Poelenburg? C’est un insondable mys-
tère; mais l’imprévu est ici la vérité même2. Aux murailles de sa maison
d’Anvers il suspendait des tableaux de Poelenburg; sa force, indulgente,
ne détestait pas cette fadeur. D’autres villes ont pu être visitées en
courant; Sandrart ne les nomme pas. Mieux que tout autre, il était en
situation de le faire, car lorsque Rubens arriva à Utrecht, Honthorst,
Rubens retourna plus tard en Hollande; mais il n’v resta que deux jours. Au
point de vue de l’art, ce second voyage ne compte pas.
2. « Rubens, dit de Piles, fut si touché de sa manière en passant à Utreck qu’il
luy commanda quelques tableaux que Sandrart eut soin de luy faire tenir. » Dans
l’inventaire de 1640, nous retrouvons chez Rubens, sous les nos 291 et 292, deux
paysages de Poelenburg.
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Hollande par une affaire diplomatique, n’ait pas profité de l'occasion pour
ouvrir les yeux sur les œuvres d’art qui l’entouraient? Tous les bio-
graphes parlent de cette excursion, mais ils n’en fixent pas correctement
l’époque, et ce point a de l’importance pour ceux qui voudraient ap-
prendre quels artistes Rubens a pu voir, quelles peintures il lui a été
permis d’étudier1. Les documents, beaucoup trop brefs, ne nous parlent
que d’un rapide séjour à Breda, à Delft et à Amsterdam. Le peintre ne
s’est-il pas arrêté ailleurs ? Quel chemin a-t-il pris au retour? La Hollande
était bien curieuse à visiter pendant l’été de 1627. Faut-il rappeler la
situation de l’école hollandaise à ce moment intermédiaire qui a l’intérêt
d’une préface? C’est l’heure où Rembrandt va prendre la parole. Lemaître
de Leyde avait alors vingt ans : Rubens a passé, sans le connaître, près
de ce génie en voie d’éclosion. Mais déjà il y a des peintres partout : le
succès est pour les patients comme Mierevelt, Moreelse et aussi pour
quelques pseudo-italiens qui ont si étrangement habillé l’antiquité, les
Abraham Blomaert et les Pierre Lastman. Sur tous ces maîtres Rubens
avait une forte avance : le moderne, c’était lui.
Harlem peut-être aurait pu lui apprendre quelque chose. 11 y avait
un ami, Pieter de Grebber, celui-là même qui était intervenu lors de
l’échange d’œuvres d’art avec sir Hudlev Carleton. Si Rubens est passé
par Harlem, il y a vu le vaillant Frans liais, qui peignait précisément,
en 1627, deux de ses victorieux tableaux : les Officiers des archers de
Saint-Georges et ceux des archers de Saint-Adrien. Nous ignorons mal-
heureusement si les deux maîtres se sont rencontrés.
Sandrart nous apprend que Rubens a fait une promenade à Ltrecht;
il y connaissait deux peintres plus jeunes que lui, mais fort célèbres,
Poelenburg et Gérard Ilonthorst. 11 aimait Honthorst, parce que le Hol-
landais avait communié avec lui dans le culte de Caravage et des ombres
fortes. Pourquoi Rubens aimait-il Poelenburg? C’est un insondable mys-
tère; mais l’imprévu est ici la vérité même2. Aux murailles de sa maison
d’Anvers il suspendait des tableaux de Poelenburg; sa force, indulgente,
ne détestait pas cette fadeur. D’autres villes ont pu être visitées en
courant; Sandrart ne les nomme pas. Mieux que tout autre, il était en
situation de le faire, car lorsque Rubens arriva à Utrecht, Honthorst,
Rubens retourna plus tard en Hollande; mais il n’v resta que deux jours. Au
point de vue de l’art, ce second voyage ne compte pas.
2. « Rubens, dit de Piles, fut si touché de sa manière en passant à Utreck qu’il
luy commanda quelques tableaux que Sandrart eut soin de luy faire tenir. » Dans
l’inventaire de 1640, nous retrouvons chez Rubens, sous les nos 291 et 292, deux
paysages de Poelenburg.