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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 1
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0060

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52

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Un fait curieux, c’est que cette tendance à décolorer est dûe, en grande
partie, à l’influence des impressionnistes, lesquels ont abusé d’une obser-
vation juste : à savoir, que l’extrême intensité de la lumière, en plein
soleil, multiplie les reflets, apaise les tons vifs en les graduant et mate
les reliefs. De ces atténuations à une quasi monochromie il y a pourtant
une belle distance; mais l’horreur du bitume d’il y a trente ans pousse
à la franchir. Plusieurs, en même temps, se sont pris à étudier la palette
de M. Puvis de Chavannes, et ceux-là sont arrivés à la dilution des tons.
Par suite, si nous ne voyons plus guère de toiles roussies, nous en
voyons quantité de blafardes et de délavées. 11 y aurait là un danger
si l’on n’y prenait garde, car la peinture d’aujourd’hui se démoderait aussi
bien par l’abus des gris et des blancs que la peinture d’hier s’est usée par
l’abus des roux. La nature a beau être claire, elle ne cesse jamais d’être
énergique, et l’irradiation la plus aveuglante du ciel ne détruit pas les mo-
delés. Encore un coup, n’allons pas chercher l’harmonie dans la chlo-
rose. On ne décolore et l’on ne généralise les effets que par impuissance
d’en rendre l’immédiate vigueur.

XIV.

L’estime que je fais de la nouvelle école française ne me permet pas
d’être indulgent à ses excès plus qu’à ses faiblesses. On a tenté de lui
persuader qu’il y avait un moyen terme entre la tradition et l’observa-
tion, et elle a presque souffert qu’on transfigurât l’homme de la glèbe en
pâtre d’opéra. Par un oubli analogue de ses principes, elle se laisse aller
quelquefois à la séduction des tons affadis. Ce sont là ses faiblesses. Mais,
d’un autre côté, ayant conquis le droit de présenter les scènes modernes
à sa fantaisie, sous les angles les plus imprévus, il n’est pas rare qu’elle
mésuse de sa liberté, — et c’est ici un excès à combattre.

Autant les hardiesses motivées nous paraissent louables, autant nous
sont en horreur les singularités qui n’ont pas la qualité de l’expression
pour but. Jadis toute composition déplaisait qui n’était pas ramassée sur
elle-même, au centre de la toile : rien de plus absurde, et l’on a bien fait
d’en finir avec ce préjugé. Voilà, cependant, que les enfants perdus du
modernisme n’admettent plus, aujourd’hui, pour dignes d’eux, que les
compositions excentrées, brisées, divisées, paradoxales, offrant aux yeux,
sans aucune raison valable, des personnages ou des animaux coupés par
la bordure d’or. Cette manie devient aussi ridicule que la contraire et
non moins exaspérante.
 
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