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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 1
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Fourcaud, Louis de: Le salon de 1884, 3
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

originale, à un Irait piquant qu’il tient à mettre en saillie. Ceux qui ne
découvrent chez M. Degas que des bizarreries ont la vue courte. Ces
bizarreries sont le fait d’un homme qui ne prend plaisir à fixer que ce
qui est neuf, et qui ne s’adresse pas au vulgaire. Il n’est pas impossible
que les anciens albums japonais, si riches de vivants chefs-d’œuvre et si
suggestifs, lui aient ouvert les yeux. Mais, en tout cas, il a inauguré les
coupes les plus favorables à l’expression de ses idées et, comme tout
artiste qui s’appartient, il a fait de plein droit ce qu’il a voulu.

Le malheur est qu’une multitude d’imitateurs se sont abattus sur
lui et vivent de ses expériences mises à la portée des bourgeois. Ce n’est
que demi-mal lorsqu’ils n’emploient pas ses procédés tout à fait à contre-
sens, mais, les trois quarts du temps, ils reproduisent ses pratiques de com-
position par pure manie, et font une convention de ce qui est pour lui un
simple moyen de rendre sa pensée. C’est ainsi que les pasticheurs et
autres vulgarisateurs des trouvailles d’autrui finissent par corrompre ce
qu’ils ont touché de meilleur.

Certes, on ne doit pas condamner à priori les personnages et les
objets coupés par le cadre. Des artistes ingénieux savent, quand il y a
lieu, recourir à de pareilles ressources sans abdiquer leur personnalité
et sans sacrifier à l’excentricité inutile. Manet, M. de Nittis, M. Ralfaelli,
et d’autres que je pourrais nommer, l’ont prouvé souvent et de maintes
façons. Si votre sujet comporte donc une disposition tronquée, si telle ou
telle apparente singularité implique un sens, n’hésitez pas à peindre à
votre guise. N’avons-nous pas loué, en ce Salon même, la mise en scène
si caractéristique du portrait de général de M. de Lalaing, précédé et
suivi, en somme, de moitiés de lanciers et de moitiés de chevaux? Redou-
tez seulement de voir par les yeux et à travers les tableaux des cher-
cheurs.

Parfois on croit tirer de soi et l’on ne fait que se souvenir. C’est le
cas de presque tous ceux qui usent couramment des formules. La réalité
avait révélé des aspects nouveaux à des maîtres : les écoliers appliquent
vaille que vaille et déconsidèrent injustement les découvertes de ces ob-
servateurs. Ne nous lassons pas de faire toucher du doigt l’iniquité et le
ridicule. La règle est celle-ci : l’artiste se met à l’aise devant la nature,
et tout ce qui ne sert pas sa pensée intime la dessert. Il n’y a pas de
bizarrerie louable qui n’exprime rien. Le bizarre pour le bizarre est oi-
seux ; l’emploi répété des formules connues, vieilles ou neuves, est
insupportable.
 
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