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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Lecoy de La Marche, Albert: La miniature en France, [1]: du XIIIe au XVIe siècle
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0080

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

lui, et non sans quelque raison : « Comme c’est beau ! » Tel est, en effet,
le goût général de son temps, et ce temps est celui du triomphe de la
convention dans les arts ; c’est la période que nous avons qualifiée d’hié-
ratique, parce que le symbolisme sacré domine alors absolument dans
l’enluminure et qu’elle est réservée en quelque sorte aux initiés. Le règne
de cette première manière a eu à peu près la même durée chez les divers
peuples d’Occident : il s’étend chez nous depuis l’époque mérovingienne
jusque vers le milieu du xm° siècle.

Au temps de saint Louis, et notamment à la fin de son règne, la
société tout entière commence à changer d’aspect. Les arts, les lettres
se sécularisent, et le livre aussi ; il est déjà dans les mains des nobles, des
bourgeois. Le peuple lui-même ne s’instruit plus seulement par la parole :
il y a des filles de paysans qui savent lire. En même temps, les laïques
apprennent à peindre, et l’on voit se réunir en corporation les calligraphes,
qui sont aussi des enlumineurs. Grâce à la protection de leurs nouveaux
Mécènes, les princes et les seigneurs, grâce aussi aux avantages que
procure l’exercice d’une profession unique et spéciale, avantages qui
manquaient aux moines, occupés de beaucoup d’autres soins, ils agran-
dissent presque aussitôt le domaine de la miniature : elle pénètre dans
les ouvrages profanes, d’abord dans les livres de droit, de science ou
d’histoire, puis dans les poèmes et les romans. Dès lors, elle s’adresse à
une classe toute différente, beaucoup plus nombreuse et beaucoup moins
raffinée. Il ne s’agit plus de se servir de la langue énigmatique des clercs :
bien qu’une partie des fidèles soit familiarisée avec les symboles, il faut
autre chose à ces esprits plus réalistes : le peintre est obligé de parler
avant tout aux yeux. Est-ce pour mieux se faire comprendre? Est-ce par
suite de sa propre ignorance? Il renonce aux types et aux costumes tra-
ditionnels; il représente tous les personnages sous les traits et l’habit de
ses contemporains; il place toutes les scènes dans le pays qu’il habite,
au milieu des monuments ou des meubles qui l’entourent. Ce n’est plus
la convention, et pourtant c’est toujours la même absence de couleur
locale. Ne nous en plaignons pas ; ce nouveau procédé servira à nous
initier mieux que tous les documents écrits à la vie intime de nos pères.
La transformation ne s’opère pas d’un seul coup, tant s’en faut. Le sym-
bolisme existe encore et ne cède la place que peu à peu. Néanmoins l’ar-
tiste a commencé à regarder autour de lui; il s’est mis à copier la na-
ture. Il ne dessine plus de ces figures majestueuses, mais figées dans
leur immobilité séculaire : il fait des portraits, grossiers d’abord, mais
bientôt extraordinairement fins. Le pas est décisif, et la rénovation com-
plète de l’art s’ensuivra. Le trait caractéristique de cette seconde phase
 
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