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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 1
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Lostalot, Alfred de: L' exposition de Turin
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0099

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EXPOSITION DE TURIN.

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de vue l’illusion des choses et de leur époque. On passe une heure char-
mante à parcourir la rue unique du bourg et les salles du château, au
milieu de leurs habitants, si exactement costumés qu’on les croirait déta-
chés des peintures du temps. Les organisateurs de ce beau spectacle
ont recruté avec soin leur personnel : les hommes sont de type approprié
à leurs fonctions ; quant aux femmes, on ne les a pas choisies parmi les
plus laides de Turin, cela va sans dire. Un pareil spectacle suffirait à la
fortune de l’Exposition, si elle n’avait d’autres attraits plus sérieux et
tout aussi recommandables.

II.

Les industries d’art fleurissent en Italie avec une vigueur incontes-
table. La production est multiple, variée, de bonne qualité et de prix
modestes. Les Italiens peuvent faire et font tout ce que font les nations
dont l'unité politique et la puissance industrielle sont de plus vieille date.
Il leur manque, à un degré plus marqué, ce qui manque autre part et
ce qu’ils devraient avoir plus que d’autres, s’ils étaient à la hauteur de
leur passé : l’invention et le goût. D’une dextérité sans pareille, sachant
manier et assouplir la matière à leur volonté, ils ont des doigts que rien
ne lasse; ils exécutent les œuvres les plus ardues; ils ne savent ni en
concevoir de personnelles ni respecter le sentiment de celles qu’ils em-
pruntent à l’étranger; insuffisants comme créateurs, ils ne veulent pas,
sauf dans certains cas, se résigner au rôle de copistes que, à défaut de
mieux, leur adresse manuelle les rendrait particulièrement aptes à rem-
plir.

En parcourant les salles du mobilier, de l’orfèvrerie, de la céramique
et des bronzes, on est à la fois surpris et affligé de voir le méchant emploi
qu’ils font de leur habileté d’artisans. C’est la tour de Babel de l’art; tous
les temps tous les styles s’y heurtent dans une confusion inexprimable;
une sorte de folie semble s’être emparée de la matière elle-même ; toutes
les lois physiques sont renversées ; les substances apparaissent comme
déguisées dans ce carnaval universel : ici, le marbre ou le bronze se
dérobent sous des soieries et des dentelles ; là, le verre est costumé en
bronze. Dans ce désordre, on distingue, de temps à autre, quelque bel
objet dont la physionomie ne trompe personne ; on le reconnaît tout de
suite pour l'avoir vu autre part, ici ou ailleurs, plus souvent ailleurs, car
il y a ceci de remarquable que les Italiens, si riches de leur propre
fonds, préfèrent emprunter des modèles à l’étranger.
 
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