GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Pour le meuble, leur champ d’imitation est sans limites : ils passent
du moyen âge au xvme siècle, après avoir parcouru toute l’antiquité et
s’être chargés de dépouilles ornementales égyptiennes, étrusques ou
pompéiennes. La note moderne se retrouve un peu partout et le moyen
de la donner importe peu : un lit étrusque, par exemple, est décoré de
médaillons où se jouent des scènes enfantines empruntées à des photo-
graphies à la mode. Et quelles inventions bizarres! Ainsi, la chaise
longue d’une très riche chambre à coucher éyptienne (!) présente une
particularité charmante que nous avons cru devoir noter, dans la pensée
coupable d’en faire profiter nos ébénistes parisiens. Ce meuble figure
un sphinx allongé sur quatre pattes grêles qui forment les pieds; il
est recouvert d’une peau de tigre fixée aux traverses; la queue seule
de l’animal est libre; on a imaginé de la rouler en trompette pour
qu’elle serve à attirer à soi « cette commodité de la conversation » !
Quelque chose de délicat encore, et qui paraît fort à la mode, à en
juger parle nombre des répétitions : sur les montants du dossier d'une
chaise au bois nu on fixe négligemment une étoffe de velours, drapée en
châle ; le comble de l’habileté est d’arriver à faire croire qu’il a ôté jeté là
par une visiteuse. Nous recommandons enfin de grands prie-Dieu garnis
de glaces où l’on peut se voir de pied en cap, de face et de profil; c’est
là, il faut en convenir, une invention heureuse et qui portera les jolies
femmes à la prière.
Les industriels qui se rendent coupables de ces fautes de goût sont
d’autant moins excusables qu’ils montrent en même temps de très beaux
meubles, notamment dans le style Louis XV. L’adresse de leurs ouvriers
à travailler le bois ne connaît pas de limites, qu’il s’agisse de sculpture
ou de marqueterie ; ce qui manque, nous le répétons, c’est le sentiment
de la mesure, le goût de l’arrangement et le sens de l’appropriation à
l’usage.
Les plus beaux objets d’orfèvrerie sont dans les vitrines de M. Cas-
tellani : il y a là d’admirables bijoux copiés ou renouvelés de l’antique.
Autre part, même chez le joaillier de la reine, nous n’avons rien trouvé
qui mérite d’attirer l’attention, sauf certains travaux de filigrane, et c’est
bien peu de chose. Un service d’argenterie et des flambeaux Louis XV, exé-
cutés pour la duchesse de Gênes, ne se recommandent ni par la légèreté
du travail ni par l’élégance des profils.
Dans les travaux de mosaïque, les Italiens triomphent d’autant plus
facilement qu’ils sont à peu près seuls en Europe à s’en occuper. Quant
à la verrerie, on sait leur extraordinaire habileté ; elle semble avoir
encore progressé depuis notre Exposition universelle; ce n’a pas été,
Pour le meuble, leur champ d’imitation est sans limites : ils passent
du moyen âge au xvme siècle, après avoir parcouru toute l’antiquité et
s’être chargés de dépouilles ornementales égyptiennes, étrusques ou
pompéiennes. La note moderne se retrouve un peu partout et le moyen
de la donner importe peu : un lit étrusque, par exemple, est décoré de
médaillons où se jouent des scènes enfantines empruntées à des photo-
graphies à la mode. Et quelles inventions bizarres! Ainsi, la chaise
longue d’une très riche chambre à coucher éyptienne (!) présente une
particularité charmante que nous avons cru devoir noter, dans la pensée
coupable d’en faire profiter nos ébénistes parisiens. Ce meuble figure
un sphinx allongé sur quatre pattes grêles qui forment les pieds; il
est recouvert d’une peau de tigre fixée aux traverses; la queue seule
de l’animal est libre; on a imaginé de la rouler en trompette pour
qu’elle serve à attirer à soi « cette commodité de la conversation » !
Quelque chose de délicat encore, et qui paraît fort à la mode, à en
juger parle nombre des répétitions : sur les montants du dossier d'une
chaise au bois nu on fixe négligemment une étoffe de velours, drapée en
châle ; le comble de l’habileté est d’arriver à faire croire qu’il a ôté jeté là
par une visiteuse. Nous recommandons enfin de grands prie-Dieu garnis
de glaces où l’on peut se voir de pied en cap, de face et de profil; c’est
là, il faut en convenir, une invention heureuse et qui portera les jolies
femmes à la prière.
Les industriels qui se rendent coupables de ces fautes de goût sont
d’autant moins excusables qu’ils montrent en même temps de très beaux
meubles, notamment dans le style Louis XV. L’adresse de leurs ouvriers
à travailler le bois ne connaît pas de limites, qu’il s’agisse de sculpture
ou de marqueterie ; ce qui manque, nous le répétons, c’est le sentiment
de la mesure, le goût de l’arrangement et le sens de l’appropriation à
l’usage.
Les plus beaux objets d’orfèvrerie sont dans les vitrines de M. Cas-
tellani : il y a là d’admirables bijoux copiés ou renouvelés de l’antique.
Autre part, même chez le joaillier de la reine, nous n’avons rien trouvé
qui mérite d’attirer l’attention, sauf certains travaux de filigrane, et c’est
bien peu de chose. Un service d’argenterie et des flambeaux Louis XV, exé-
cutés pour la duchesse de Gênes, ne se recommandent ni par la légèreté
du travail ni par l’élégance des profils.
Dans les travaux de mosaïque, les Italiens triomphent d’autant plus
facilement qu’ils sont à peu près seuls en Europe à s’en occuper. Quant
à la verrerie, on sait leur extraordinaire habileté ; elle semble avoir
encore progressé depuis notre Exposition universelle; ce n’a pas été,