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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 30.1884

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Nr. 4
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Yriarte, Charles: Les portraits de Lucrèce Borgia, [2]: à propos d'un portrait récemment découvert
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https://doi.org/10.11588/diglit.24584#0368

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

chargé de dire à sa belle-fille qu’il tenait à ce qu’elle portât ses joyaux
avec elle et se gardât bien de les aliéner. « Je me réserve de lui en-
voyer une riche parure. Lucrèce est le plus précieux des joyaux et mérite
d avoir des pierres précieuses plus riches et en plus grand nombre que
moi-même et que ma femme ». 11 faut croire que le duc de Savoie était
alors un prince fort opulent, car Hercule d’Este ajoute : « Je ne suis sans
doute pas un homme aussi puissant que le duc de Savoie, mais cependant
je suis en pouvoir de lui envoyer des joyaux non moins beaux que ceux
qu’il possède. » Cette promesse fut exécutée, et voilà pourquoi la Gon-
zague était jalouse. Un envoyé spécial, un ecclésiastique quelle avait
chargé, comme un reporter mondain d’aujourd’hui, de la renseigner
sur tout ce que portait la fiancée, vêtements et bijoux, avait encore ren-
chéri sur les lettres privées du cardinal d’Este à sa sœur Isabelle. Dans
une relation manuscrite qu’on conserve aux archives de Mantoue, signée
El prête, cet envoyé spécial montre Alexandre VI recevant, des
mains mêmes de l’ambassadeur d’Hercule, les cadeaux pour la fiancée :
il les fait miroiter à la lumière, appelle les cardinaux et les femmes,
essaye les parures, les met sur fond d’étoffes sombres pour les faire
valoir : il se figure déjà voir scintiller sur les belles épaules de sa fille
« Catene, anelli, orechini, pietre bellamente legate, e magnifico in parti-
colar modo, un monde di perle. »

Le même envoyé la vit, un autre jour, dans un costume tout blanc
tissé d’or, avec des manches ouvertes de brocard blanc relevé d’or,
serrées à l’avant-bras, avec des crevés à l’espagnole; et au cou, comme
toujours, un rang de grosses perles : elle faisait peut-être comme cette
grande dame russe de Paris qui ne quittait même pas ses perles la nuit :
« Al nostro cardinale Ippolito scintillavano gli occhi : ella e donna sedu-
cente et veramente grazioza. » On voit que le cardinal est sensible.

« Séduisante et vraiment gracieuse », c’est quelque chose déjà; mais
était-elle vraiment belle? Les témoignages ne manquent pas, mais on
s’en tient si bien à des généralités qu’on ne la voit pas nettement. Ber-
nardo Zambotto, le jour même du mariage, dit d’elle : « Elle a vingt-
quatre ans. — (Elle n’en a que vingt, et il faut signaler en passant ces
erreurs de témoins oculaires qui nous expliquent les différences de date
dans les peintures.) — Elle est très belle de visage, elle a de beaux yeux
éveillés, elle est droite dans toute sa personne et sa stature est ave-
nante, etc., etc. » Cagnolo (qui représente Parme au mariage) la peint
mieux : a Elle est de taille moyenne, svelte; la face est plutôt longue,
le nez est beau et bien profilé, les cheveux sont dorés, les yeux sont
blancs (?), la bouche un peu grande, les dents étincelantes, la gorge
 
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