JEAN GOUJON.
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retraite et en y dressant au centre une vasque pyramidale d’où l’eau
s’échappe pour tomber en cascade sur une suite de bassins. A l’origine, le
parti était bien différent, et l’eau n’v entrait que pour bien peu de chose.
C’était un bâtiment voisin des Halles et formant, à gauche en montant de
la Seine, l’angle de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers, dont le nom
est une corruption moderne, puisqu’au xvie siècle elle s’appelait encore
la rue au Feurre, ou au Fouarre, comme celle de la rive gauche. D’un
côté, il y avait une arcade et de l’autre deux, surmontées toutes trois
d’un petit fronton ; chacune était composée d’un bas-relief dans la
frise, d’une arcade ouverte, accostée de deux pilastres cannelés et fermée
en bas par une balustrade au-dessus d’un autre bas-relief. Ces trois
arcades donnant sept pilastres, à cause du pilastre doublé qui était à
l'angle, Goujon, dont le nom est prononcé par Corrozet dès le xvr siècle,
n'avait eu à sculpter dans leurs intervalles que cinq figures de Nymphes
debout, deux sur le petit côté et trois sur le grand. Il a donc fallu ajouter,
au xvnr siècle, les sculptures d’une face tout entière avec deux bas-reliefs
et deux Nymphes, plus une troisième Nymphe pour compléter les huit
nécessaires aux quatre pans de la reconstruction ;et ces additions, quoique
un peu rondes et molles, ont été conçues dans un sentiment d’imitation
assez heureux pour que la masse du public et des passants ne s’aper-
çoive plus qu’il y a là non seulement deux mains, mais deux époques.
On voit combien l’aspect actuel diffère de l’ancien, qui ôtait moins une
fontaine qu’un monument, et l’ancien soubassement se présentait avec un
tout autre aspect. L’eau, qui, sur la rive droite, ne venait que des hau-
teurs de Belleville, était alors fort rare et ne coulait, quand elle coulait,
que des muiïles des lions plaqués sur le bas d’un grand mur plein et uni,
qui formait l’étage inférieur, et les lèvres de ces mascarons devaient être
bien souvent sèches et muettes.
En réalité, comme la rue Saint-Denis était alors le chemin officiel de
tous les cortèges solennels, Goujon et Lescot, à qui la Ville s’était adressée,
ont eu la pensée, très intelligente et très voulue, d’édifier et de mettre à
sa disposition une véritable loggia, derrière les balcons de laquelle on
pouvait s’asseoir pour regarder défiler soit la pompe joyeuse des entrées,
soit les tristesses luxueuses de la procession funèbre qui emmenait le
corps des rois au caveau de Saint-Denis. On a toujours, depuis Corrozet,
donné à la fontaine des Innocents la date de 1550 ; ce n’est qu’une légère
erreur, mais elle fut certainement reconstruite de 1547 à 1549 et com-
mandée par la Ville en vue de l’entrée de Henri II, qui ne se fit que le
16 juin 1549 ; car la fontaine ôtait alors terminée, puisqu’elle était garnie
de spectateurs. La description de cette entrée, publiée la même année
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retraite et en y dressant au centre une vasque pyramidale d’où l’eau
s’échappe pour tomber en cascade sur une suite de bassins. A l’origine, le
parti était bien différent, et l’eau n’v entrait que pour bien peu de chose.
C’était un bâtiment voisin des Halles et formant, à gauche en montant de
la Seine, l’angle de la rue Saint-Denis et de la rue aux Fers, dont le nom
est une corruption moderne, puisqu’au xvie siècle elle s’appelait encore
la rue au Feurre, ou au Fouarre, comme celle de la rive gauche. D’un
côté, il y avait une arcade et de l’autre deux, surmontées toutes trois
d’un petit fronton ; chacune était composée d’un bas-relief dans la
frise, d’une arcade ouverte, accostée de deux pilastres cannelés et fermée
en bas par une balustrade au-dessus d’un autre bas-relief. Ces trois
arcades donnant sept pilastres, à cause du pilastre doublé qui était à
l'angle, Goujon, dont le nom est prononcé par Corrozet dès le xvr siècle,
n'avait eu à sculpter dans leurs intervalles que cinq figures de Nymphes
debout, deux sur le petit côté et trois sur le grand. Il a donc fallu ajouter,
au xvnr siècle, les sculptures d’une face tout entière avec deux bas-reliefs
et deux Nymphes, plus une troisième Nymphe pour compléter les huit
nécessaires aux quatre pans de la reconstruction ;et ces additions, quoique
un peu rondes et molles, ont été conçues dans un sentiment d’imitation
assez heureux pour que la masse du public et des passants ne s’aper-
çoive plus qu’il y a là non seulement deux mains, mais deux époques.
On voit combien l’aspect actuel diffère de l’ancien, qui ôtait moins une
fontaine qu’un monument, et l’ancien soubassement se présentait avec un
tout autre aspect. L’eau, qui, sur la rive droite, ne venait que des hau-
teurs de Belleville, était alors fort rare et ne coulait, quand elle coulait,
que des muiïles des lions plaqués sur le bas d’un grand mur plein et uni,
qui formait l’étage inférieur, et les lèvres de ces mascarons devaient être
bien souvent sèches et muettes.
En réalité, comme la rue Saint-Denis était alors le chemin officiel de
tous les cortèges solennels, Goujon et Lescot, à qui la Ville s’était adressée,
ont eu la pensée, très intelligente et très voulue, d’édifier et de mettre à
sa disposition une véritable loggia, derrière les balcons de laquelle on
pouvait s’asseoir pour regarder défiler soit la pompe joyeuse des entrées,
soit les tristesses luxueuses de la procession funèbre qui emmenait le
corps des rois au caveau de Saint-Denis. On a toujours, depuis Corrozet,
donné à la fontaine des Innocents la date de 1550 ; ce n’est qu’une légère
erreur, mais elle fut certainement reconstruite de 1547 à 1549 et com-
mandée par la Ville en vue de l’entrée de Henri II, qui ne se fit que le
16 juin 1549 ; car la fontaine ôtait alors terminée, puisqu’elle était garnie
de spectateurs. La description de cette entrée, publiée la même année