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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Hymans, Henri: Pierre Breughel le Vieux, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0039

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32

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

Le spectacle de la douleur des mères est absolument déchirant.
Une pauvre femme, couchée dans la neige, a dépouillé de ses vête-
ments son jeune fils et cherche à le ranimer sous ses étreintes.
D’autres cherchent à se sauver, traitreuseinent poursuivis par les
bourreaux, d’autres sont là qui se lamentent au milieu de groupes
d’amis consternés. Un épisode dramatique entre tous est celui d’un
père accourant vers le soldat prêt à transpercer son fils, et lui offrant
en échange une fillette en âge de marcher.

Notons que toutes les avenues sont gardées; pas un enfant
n’échappera!

On voit avec quelle volonté puissante, Breughel s’étant proposé
un sujet, le pousse jusqu’en ses extrêmes conséquences.

Il est pourtant dans l’œuvre du maître un ensemble de productions
où va s’affirmer avec un éclat tout nouveau la puissance de son savoir.,
On dirait que renonçant à la subtilité de sa recherche, il songe à
reporter la précision de son étude exclusivement sur la chose vue
sans autre préoccupation que de donner au spectateur l’illusion de
la:réalité. Les figures s’agrandissent. Elles iront parfois jusqu’à la
moitié, jusqu’aux.trois quarts de la grandeur naturelle, traduisant
avec une précision irréprochable et une connaissance absolue des
conditions picturales les milieux nouveaux où entend nous conduire
l’artiste. Deux pages marquent surtout dans cette série de produc-
tions : le Repas de noces, au Musée du Belvédère, et les Aveugles au
Musée de Naples.

Rassemblés dans une grange, visiblement la plus spacieuse des
dépendances de la ferme, une vingtaine de convives 1 sont alignés des
deux côtés de la longue table que nous voyons sous un angle assez
obtus. Ils occupent des sièges réquisitionnés au hasard : bancs rus-
tiques, hachoirs, tonneaux renversés. La mariée, médiocrement
avenante sous la chevelure dénouée et la couronne des vierges, trône
à la place d’honneur, appuyée à une tenture, un simulacre de dais
supporté par une fourche. A ses côtés, de respectables matrones dont
la coiffe des dimanches fait ressortir par sa blancheur le hâle de leurs
visages épanouis. Le marié, lui, ne semble occupé que de vider son
assiette. De sa chaise à haut dossier, l’aïeul, rasé de frais, promène
sur l’assistance le regard scrutateur des vieillards à l’ouïe dure.

C’est fête, évidemment. Non seulement les brocs s’emplissent et

1. Une ordonnance impériale en date du 22 mai 1546 limite à vingt le nombre
des convives qu’il est permis d'inviter aux repas de noces à la campagne.
 
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