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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 1
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Hymans, Henri: Pierre Breughel le Vieux, 3
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0044

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36

GAZETTE DES BEAUX-AltTS.

mettre sous les. yeux du lecteur une excellente gravure de M. Sulpis
d’après l’original même du Musée de Naples

Combien d’artistes nous ont parlé avec enthousiasme de cette
inoubliable création 1 2 ! A l’époque où elle voyait le jour, Breughel
approchait du terme de sa carrière. Depuis deux ans déjà, nous en
avons la certitude, il avait arrêté la grande ligne de sa composition.
Un dessin faisant partie de la collection de M. Georges Salting, à
Londres, porte la date de 1566 3.

Le premier, à notre connaissance, Jérôme Bosch entreprit d’illus-
trer la parabole des Aveugles. S’inspirant de la seconde partie du
verset 14 du chapitre xv de l’Evangile selon saint Mathieu : « Que
si un aveugle conduit un autre aveugle, ils tombent tous deux dans
le fossé », Jérôme Bosch ne mit en scène que deux pèlerins. Nous ne
gagerions pas que le premier soit aveugle pour de vrai ; il y a dans
son œil une pointe de malice faite pour inspirer la méfiance. Pour
l’autre, atteint de cécité complète, il va droit au fossé où son conduc-
teur n’a de l’eau que jusqu’à mi-jambes.

Le texte de l’image est joli.

Voyez comment le pauvre aveugle enfin se porte,

Qui sur un autre aveugle ignoramment se fie.

Il va mal assuré, quoique fort il s’appuie
Et se tienne à son homme. Ainsi de male sorte
Tombent dans le fossé et lui et son escorte.

Breughel prend tout entier le verset précité. « Laissez-les, dit le
Christ parlant des Pharisiens, ce sont des aveugles qui conduisent
des aveugles », etc... Aussi la troupe se compose-t-elle de six person-
nages dont les deux premiers entraînent les autres.

Le tableau est peint à la détrempe, procédé magnifique sous le pin-
ceau d’un luministe comme Breughel. Il a tout ensemble la précision
et la sobriété d’une fresque. Les figures, de la grandeur dite acadé-
mique, se détachent en silhouettes claires sur un paysage dont les
fraîches végétations ne contrarient en rien l’unité du groupe, digne
d’être envisagé comme un modèle fie style.

1. Voir Gazette des Beaux-Arts, 3e pér., t. III, p. 374.

2. Il existe en effet de ce tableau des reproductions nombreuses. La meilleure est
au Musée de Parme. Une seconde se voit au Palais Liechtenstein, à Vienne, une
autre chez le baron Leys, fils de l’illustre peintre, à Anvers. Il y a encore, une
variante, de qualité inférieure, dans la galerie du palais de Schleissheim.

3. Nous devons ce renseignement à l’obligeance de notre savant ami, M. Émile
Michel.
 
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