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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 5.1891

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Nr. 5
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Seidel, Paul: Antoine Pesne, 2: premier peintre de Frédéric le Grand
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https://doi.org/10.11588/diglit.24449#0469

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ANTOINE PESNE.

435

Quoi ! de viles couleurs ont-elles tant de charmes,
Que, par l’illusion de ton art si vanté,

D’un regard passager l’esprit soit enchanté?

Pesne, si la vertu chère jusqu’en peinture,

De tes portraits fameux ne faisait la parure,

De ton original maudissant les défauts,

Je loûrais froidement tes grands coups de pinceaux.
C’est dans les beaux sujets que ton crayon excelle;
Pour peindre un Alexandre, il faut être un Apelle.
Qu’un statuaire habile ait épuisé son art
Pour immortaliser l’image d’un César,

Tibère à peine expire, on vient briser son buste;
L’amour et la vertu gardent celui d’Auguste.

Ainsi de ces morceaux, l’art exquis, la beauté,

Hors des bons empereurs, n'était point respeclé.
Ainsi dans leur fureur, pleins du fiel des écoles,

Les chrétiens triomphants abattaient les idoles,

Et, sans avoir égard au nom de Phidias,

Tout buste fut détruit, qui s’offrait sur leurs pas,

Et de l’antiquité les plus fameux ouvrages
Périrent pour jamais dans ces affreux ravages.

C’est du choix du sujet que dépend ton succès;

Non pas qu’à tes talents je fasse le procès,

Qu’agité des accès de quelque vapeur noire
Je veuille de ton art diminuer la gloire;

Mais si Lancret peignait les horreurs de l’enfer,
Penses-tu que chez moi son goût serait souffert,

Que du sombre Tartare, entr’ouvrant les abîmes,

Je visse avec plaisir tous les tourments des crimes?
L’architecte est à sec sans bons matériaux,

Et le peintre est sifflé sans bons originaux.

Toi, qui reçus du Ciel les grâces en partage,

D’un plaisir séducteur suis la riante image;

Et que du spectateur le regard attaché,

En voyant tes tableaux, sente un plaisir caché.

C’est par de tels sujets que plaisent tes ouvrages,

Et non pas sur l’autel où leur rendent hommages,

Le faux zèle aveuglé, la superstition,

Le préjugé, l’erreur et la prévention.

Ton pinceau, je l’avoue, est digne qu’on l’admire,
Mais, pour l’adorer, non, je ne ferais que rire.
Abandonne tes saints entourés de rayons,

Sur des sujets brillants exerce tes crayons ;
 
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