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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
elle est presque fermée aux observateurs. La Palestine et la Syrie
n’ont pas un seul trait de ressemblance avec les pays maures de
l’Afrique; l’une et l’autre vont bientôt être sillonnées de chemins de
fer, tandis que l’Asie Mineure, qu’on pourrait rattacher au même
groupe, est rarement explorée par les artistes. Là est l’Orient turc,
sensiblement différent de l’Orient arabe et moins facilement péné-
trable. Enfin, la Grèce et l’Archipel constituent en Europe une
annexe, une préparation aux spectacles du monde asiatique.
On peut même dire que les bords de l’Europe sont, en quelque
sorte frangés et illuminés d’un reflet oriental. J’ai dit ici même,
jadis, que l’ile d’ischia, dans le golfe de Naples, pressentait l’Orient;
il en est de même de la Sicile et de Corfou; et les confins de la Rus-
sie traversent des territoires soumis aux mœurs et à la civilisa-
tion orientales. Nos lecteurs ont vu dans le travail de M. Georges
Marye que l’Exposition rétrospective de l’Art musulman englobait
sous cette vaste rubrique des objets d’art et d’industrie fabriqués
du Turkestan au Sénégal et du golfe de P>engale à la mer Noire. Il
n’est pas juqu’au Soudan qu’on ne puisse citer comme un pays qui se
rattache, depuis les derniers événements politiques, au type oriental.
Nous sommes, nous les Occidentaux, limitrophes à Y Orient, par
d’insensibles gradations, comme YOrient est limitrophe aux races
jaunes et aux races noires.
Les organisateurs de la récente exposition ont pensé qu’il serait
instructif à un double point de vue de rapprocher du musée des
arts orientaux qu’ils réunissaient un choix de peintures de l’école
française se rapportant à l’Orient. Les salles du palais de 1 Industrie
n’auraient pas suffi si, remontant un peu haut dans le passé, et
dépassant l’art national, ils avaient voulu nous présenter une revue
des documents artistiques qui élucident l’Orient d’autrefois et
d’aujourd’hui. Les artistes de nos jours émigrent volontiers vers le
Levant, vers le désert et les oasis. Le goût de l’exactitude positive
qui domine chez l’amateur, interdit actuellement au peintre, à
quelque pays qu’il appartienne, de se figurer l’Orient tel qu’il doit
être, et le sollicite au contraire de l’étudier tel qu’il est, dans ses
moindres détails. L’exotisme est à la mode; les communications
sont faciles; les voyages sans danger... La peinture de paysages
inconnus et de mœurs insolites a pris partout un grand développe-
ment, peut-être au détriment de l’art créateur et concentré.
En réalité, les portes de l’Orient s’entre-bâillent de plus en plus;
elles ont été longtemps presque hermétiquement closes à la curiosité
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
elle est presque fermée aux observateurs. La Palestine et la Syrie
n’ont pas un seul trait de ressemblance avec les pays maures de
l’Afrique; l’une et l’autre vont bientôt être sillonnées de chemins de
fer, tandis que l’Asie Mineure, qu’on pourrait rattacher au même
groupe, est rarement explorée par les artistes. Là est l’Orient turc,
sensiblement différent de l’Orient arabe et moins facilement péné-
trable. Enfin, la Grèce et l’Archipel constituent en Europe une
annexe, une préparation aux spectacles du monde asiatique.
On peut même dire que les bords de l’Europe sont, en quelque
sorte frangés et illuminés d’un reflet oriental. J’ai dit ici même,
jadis, que l’ile d’ischia, dans le golfe de Naples, pressentait l’Orient;
il en est de même de la Sicile et de Corfou; et les confins de la Rus-
sie traversent des territoires soumis aux mœurs et à la civilisa-
tion orientales. Nos lecteurs ont vu dans le travail de M. Georges
Marye que l’Exposition rétrospective de l’Art musulman englobait
sous cette vaste rubrique des objets d’art et d’industrie fabriqués
du Turkestan au Sénégal et du golfe de P>engale à la mer Noire. Il
n’est pas juqu’au Soudan qu’on ne puisse citer comme un pays qui se
rattache, depuis les derniers événements politiques, au type oriental.
Nous sommes, nous les Occidentaux, limitrophes à Y Orient, par
d’insensibles gradations, comme YOrient est limitrophe aux races
jaunes et aux races noires.
Les organisateurs de la récente exposition ont pensé qu’il serait
instructif à un double point de vue de rapprocher du musée des
arts orientaux qu’ils réunissaient un choix de peintures de l’école
française se rapportant à l’Orient. Les salles du palais de 1 Industrie
n’auraient pas suffi si, remontant un peu haut dans le passé, et
dépassant l’art national, ils avaient voulu nous présenter une revue
des documents artistiques qui élucident l’Orient d’autrefois et
d’aujourd’hui. Les artistes de nos jours émigrent volontiers vers le
Levant, vers le désert et les oasis. Le goût de l’exactitude positive
qui domine chez l’amateur, interdit actuellement au peintre, à
quelque pays qu’il appartienne, de se figurer l’Orient tel qu’il doit
être, et le sollicite au contraire de l’étudier tel qu’il est, dans ses
moindres détails. L’exotisme est à la mode; les communications
sont faciles; les voyages sans danger... La peinture de paysages
inconnus et de mœurs insolites a pris partout un grand développe-
ment, peut-être au détriment de l’art créateur et concentré.
En réalité, les portes de l’Orient s’entre-bâillent de plus en plus;
elles ont été longtemps presque hermétiquement closes à la curiosité