GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
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son harnois d’une eaue qui le tenoit si bon que fer ne pouvait
prendre sus, et à la vérité il courrait en un léger harnois de guerre,
et n’étoit pas possible, sans artifice ou aide, que le harnois eust
pue soustenir les atteintes que fit dessus raessire Jacques. » Ailleurs,
le même chroniqueur nous montre le seigneur du Ternant commen-
çant « à charger et à quérir son compagnon de la pointe de l’espée,
par le dessous de l’armet, tirant à la gorge, sous les esselles, à l’en-
tour du croissant de la cuirasse, par dessous la ceignée du bras, à la
bride et jusque abouter son espée entre la main et la bride... et par-
tout le trouva si bien armé et pourvu, que nulle blessure n’en advint. »
Mais toutes les armures étaient loin d’être aussi bonnes, car
dans l’inventaire des armes conservées au château d’Amboise nous
trouvons : « Une espée d’armes, la poignée de fouet blanc; au pom-
meau d’un côté à Notre-Dame et de l’autre costé un saint Michel. Et
fut à Jehan de Brézé, lequel en couppa le poing à un homme d’armes
avecques le canon et le gantelet. » Cette prouesse se passa dans
la seconde moitié du xve siècle et le Musée possède quelques armures
assez bonnes de cette époque. La plus remarquable est ce harnois
complet de gendarme des compagnies d’ordonnance du règne de
Charles YII qui ouvre la marche des cavaliers composant la grande
chevauchée de la première salle des armures. On peut le prendre
pour un bon exemple de ces belles armures gothiques que fabri-
quaient les Allemands de Nuremberg, inférieures cependant comme
élégance architecturale aux armures de Milan. Celles-ci se recom-
mandent par leur légèreté et leur puissance de formes. Fines à
la taille jusqu’à avoir été longtemps confondues avec des armures de
femmes, larges de poitrine, serrées aux hanches, elles réalisent
l’enveloppe théorique la plus parfaite d’un corps d’homme admira-
blement constitué. Les défenses des jambes sont cependant un peu
grêles, mais nous avons déjà vu que ce caractère de finesse des
jambes se retrouve dans presque toutes les armures, les hommes de
cette époque semblent tous avoir possédé des mollets de coq.
C’est au reste une erreur universellement répandue dans le
public que de croire à la taille et à la force exceptionnelles des
hommes qui portaient les armures de fer. On se figure toujours
ces harnois comme des carapaces gigantesques devant écraser sous
leur poids les gens qui en étaient revêtus. Mais, quand on étudie les
choses de plus près, on voit que ces armures complètes ne dépassent
guère en poids cinquante livres. Ainsi le harnois complet du gen-
darme précité, tant de l’homme que du cheval, ne pèse en tout
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son harnois d’une eaue qui le tenoit si bon que fer ne pouvait
prendre sus, et à la vérité il courrait en un léger harnois de guerre,
et n’étoit pas possible, sans artifice ou aide, que le harnois eust
pue soustenir les atteintes que fit dessus raessire Jacques. » Ailleurs,
le même chroniqueur nous montre le seigneur du Ternant commen-
çant « à charger et à quérir son compagnon de la pointe de l’espée,
par le dessous de l’armet, tirant à la gorge, sous les esselles, à l’en-
tour du croissant de la cuirasse, par dessous la ceignée du bras, à la
bride et jusque abouter son espée entre la main et la bride... et par-
tout le trouva si bien armé et pourvu, que nulle blessure n’en advint. »
Mais toutes les armures étaient loin d’être aussi bonnes, car
dans l’inventaire des armes conservées au château d’Amboise nous
trouvons : « Une espée d’armes, la poignée de fouet blanc; au pom-
meau d’un côté à Notre-Dame et de l’autre costé un saint Michel. Et
fut à Jehan de Brézé, lequel en couppa le poing à un homme d’armes
avecques le canon et le gantelet. » Cette prouesse se passa dans
la seconde moitié du xve siècle et le Musée possède quelques armures
assez bonnes de cette époque. La plus remarquable est ce harnois
complet de gendarme des compagnies d’ordonnance du règne de
Charles YII qui ouvre la marche des cavaliers composant la grande
chevauchée de la première salle des armures. On peut le prendre
pour un bon exemple de ces belles armures gothiques que fabri-
quaient les Allemands de Nuremberg, inférieures cependant comme
élégance architecturale aux armures de Milan. Celles-ci se recom-
mandent par leur légèreté et leur puissance de formes. Fines à
la taille jusqu’à avoir été longtemps confondues avec des armures de
femmes, larges de poitrine, serrées aux hanches, elles réalisent
l’enveloppe théorique la plus parfaite d’un corps d’homme admira-
blement constitué. Les défenses des jambes sont cependant un peu
grêles, mais nous avons déjà vu que ce caractère de finesse des
jambes se retrouve dans presque toutes les armures, les hommes de
cette époque semblent tous avoir possédé des mollets de coq.
C’est au reste une erreur universellement répandue dans le
public que de croire à la taille et à la force exceptionnelles des
hommes qui portaient les armures de fer. On se figure toujours
ces harnois comme des carapaces gigantesques devant écraser sous
leur poids les gens qui en étaient revêtus. Mais, quand on étudie les
choses de plus près, on voit que ces armures complètes ne dépassent
guère en poids cinquante livres. Ainsi le harnois complet du gen-
darme précité, tant de l’homme que du cheval, ne pèse en tout