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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
pas non plus un poids bien supérieur à celui des habits, du sac et des
armes d’un fantassin moderne; un homme de force très moyenne
pouvait donc porter ces harnois. La finesse de la taille étonne
davantage; bien peu d’hommes pourraient aujourd’hui se boucler
dans ces cuirasses dont le tour de taille n’excède pas souvent soixante-
cinq centimètres en son contour intérieur.
Une très jolie armure complète du xve siècle, de la fin du règne
de Charles VII ou du commencement du règne de Louis XI (G. 4j
nous donne un merveilleux exemple de cette sveltesse de formes,
on dirait une statue de femme ou d’éphèbe en acier. Les grèves très
fines, les solerets allongés sont pleins d’élégance; ceux-ci se termi-
nent en pointe arrondie, et, pour chevaucher, on y ajoutait de
longues poulaines mobiles, fixées par un bouton tournant. On
sait que cette mode de poulaines demeura en honneur jusque sous le
règne du Roy Charles VIII, qui publia une ordonnance pour en prohi-
ber le port. Au dire des contemporains, le fils de Louis XI n’aurait
pris cette mesure que pour cacher une difformité dont il était affecté.
Les chroniqueurs italiens nous le montrent, à son entrée à Florence,
chaussé d’escarpins de velours noir si ronds par le bout « qu’on
aurait dit le pied d’un bœuf ou d’un cheval », car, à les en croire, il
aurait eu six doigts aux pieds et la courtisanerie aurait fait adopter
la mode de ces chaussures démesurément élargies. Leur emploi
n’était même pas sans présenter d’inconvénients, car on voyait les
Français, allant par les rues de la ville, fort empêchés de rattraper
les prisonniers qui se sauvaient; « leurs chaussures rondes, imitées
de celles du Roy, sont peu propres à la course ». Cette mode peu élé-
gante devait encore durer longtemps, et aller en s’exagérant. Aux
solerets en pied de cheval succéderont ceux à pied d’ours carrément
coupés, démesurément élargis aussi et présentant à chaque extré-
mité du plus grand diamètre transversal des colimaçons repoussés.
On aura ensuite les solerets en bec-de-cane, d’autres encore, et les
étriers suivent les modifications des chaussures, s’ouvrant de plus
en plus, élargissant leurs soles, leurs branches, se fermant en avant
par un grillage bombé. Le Musée en possède de belles séries.
La belle armure de Milan que nous figurons ici date des premières
années du xvie siècle. Par l’élégance de son architecture, elle res-
semble aux beaux harnois gothiques de l’époque précédente, par les
fines cannelures dont elle se couvre elle rentre dans la tradition des
armures maximiliennes. Sur le haut du plastron est gravée la devise
ou mieux l’invocation si fréquente sur les armures de ce temps : O
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
pas non plus un poids bien supérieur à celui des habits, du sac et des
armes d’un fantassin moderne; un homme de force très moyenne
pouvait donc porter ces harnois. La finesse de la taille étonne
davantage; bien peu d’hommes pourraient aujourd’hui se boucler
dans ces cuirasses dont le tour de taille n’excède pas souvent soixante-
cinq centimètres en son contour intérieur.
Une très jolie armure complète du xve siècle, de la fin du règne
de Charles VII ou du commencement du règne de Louis XI (G. 4j
nous donne un merveilleux exemple de cette sveltesse de formes,
on dirait une statue de femme ou d’éphèbe en acier. Les grèves très
fines, les solerets allongés sont pleins d’élégance; ceux-ci se termi-
nent en pointe arrondie, et, pour chevaucher, on y ajoutait de
longues poulaines mobiles, fixées par un bouton tournant. On
sait que cette mode de poulaines demeura en honneur jusque sous le
règne du Roy Charles VIII, qui publia une ordonnance pour en prohi-
ber le port. Au dire des contemporains, le fils de Louis XI n’aurait
pris cette mesure que pour cacher une difformité dont il était affecté.
Les chroniqueurs italiens nous le montrent, à son entrée à Florence,
chaussé d’escarpins de velours noir si ronds par le bout « qu’on
aurait dit le pied d’un bœuf ou d’un cheval », car, à les en croire, il
aurait eu six doigts aux pieds et la courtisanerie aurait fait adopter
la mode de ces chaussures démesurément élargies. Leur emploi
n’était même pas sans présenter d’inconvénients, car on voyait les
Français, allant par les rues de la ville, fort empêchés de rattraper
les prisonniers qui se sauvaient; « leurs chaussures rondes, imitées
de celles du Roy, sont peu propres à la course ». Cette mode peu élé-
gante devait encore durer longtemps, et aller en s’exagérant. Aux
solerets en pied de cheval succéderont ceux à pied d’ours carrément
coupés, démesurément élargis aussi et présentant à chaque extré-
mité du plus grand diamètre transversal des colimaçons repoussés.
On aura ensuite les solerets en bec-de-cane, d’autres encore, et les
étriers suivent les modifications des chaussures, s’ouvrant de plus
en plus, élargissant leurs soles, leurs branches, se fermant en avant
par un grillage bombé. Le Musée en possède de belles séries.
La belle armure de Milan que nous figurons ici date des premières
années du xvie siècle. Par l’élégance de son architecture, elle res-
semble aux beaux harnois gothiques de l’époque précédente, par les
fines cannelures dont elle se couvre elle rentre dans la tradition des
armures maximiliennes. Sur le haut du plastron est gravée la devise
ou mieux l’invocation si fréquente sur les armures de ce temps : O