UN DOCUMENT SUR NAIT 1ER.
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époque, est dû à un écrivain qu’on a peu l’habitude de citer ici, à un auteur de
mémoires où le côte artistique ne prédomine guère, à Casanova, enfin, pour
l’appeler par son nom. Il raconte, quelque part, qu’il a connu Nattier en 1750.
« Ce grand artiste avait alors quatre-vingts ans R et malgré son âge avancé,
son beau talent semblait être dans toute sa fraîcheur. Il faisait le portrait d’une
femme laide, il la peignait avec une ressemblance parfaite, et malgré cela, ceux
qui ne voyaient que son portrait la trouvaient belle. Cependant l’examen le plus
minutieux ne laissait découvrir dans le portrait aucune infidélité ; mais quelque
chose d'imperceptible donnait à l’ensemble une beauté réelle et indéfinissable. D’où
lui venait cette magie ?... Un jour qu’il venait de peindre les laides Mesdames de
France, qui sur la toile avaient l’air de deux Aspasies, je lui fis cette question. Il me
répondit : « C’est une magie que le dieu du goût fait passer de mon esprit dans mes
pinceaux. C’est la divinité de la beauté que tout le monde adore et que personne
ne peut définir parce que nul ne sait en quoi,elle consiste. Cela démontre combien
est fugitive la nuance existant entre la laideur et la beauté. Cette nuance cependant
est immense et frappante pour ceux qui n’ont aucune connaissance de notre art »2.
N»s 16-17. — « Portrait de Madame la Dauphine en habit de cour, peint à
Fontainebleau en 1750, » tableau cle 4 pieds 1/2 de haut sur 3 pieds 1/2 de large,
payé en 1755 3. Nattier l’envoya au Salon de 1751. La date de 1750 est confirmée
par les Mémoires du duc de Luijnes 4 5. Ce tableau, vu ses dimensions, ne peut être
identifié, comme on l’a prétendu, avec le n° 3796 du Musée de Versailles. — Je ne
connais, de ou d'après Nattier, qu'un autre portrait de la Dauphine Marie-Josèphe
de Saxe : celui de la vente de B..., du 4 avril 1870 (n° 36).
N° 18. — Nulle trace non plus, que je sache, de ce portrait cle la Dauphine
en marmotte, donné à la duchesse de Brancas, belle-mère de la duchesse de Lau-
raguais, mentionnée ci-devant (n° 5.)
No J9. — Ce tableau fut exposé au Salon de 1753. La jeune princesse Marie-
Zéphirine avait alors trois ans.
No 20 s. — D'après le libellé des documents, il pourrait s’agir ici du portrait
de la fille aînée du roi, Madame Infante, qui est mentionné dans les Mémoires du
duc de Luynes à la date d’octobre 1750 6 ; mais il semble plus probable que c’est
le portrait de donaIsabelle, fille de l'infant don Philippe et de Mme Élisabeth, dont
parle Mme Tocqué7, et qui figura au Salon de 1753 sous le titre de « Portrait
1. Casanova vieillit Nattier de quinze ans.
2. J’emprunte cette citation à P. Bédouin, Mosaïque. Peintres, musiciens, littéra-
teurs... (Paris, 1836, in-8J), p. 137-138, note.
3. Arck. Nat., O1 1979, p. 45. — L. Courajod, ouvr. cité, p. cxci.
4. T. X, p. 357.
5. D’après le registre des A rch. Nat. O1 1979, p. 47, les articles 17-20, portant le
même énoncé qu'ici, appartenaient à l’exercice 1751 et furent payés en 1755-6.
6. Tome X, p. 357. « Nous avons vu aujourd’hui un tableau de Nattier pour l'in-
fant don Philippe, qui représente Madame Infante assise, avec l’infante Isabelle,
debout à cùté d’elle, qui lui présente une branche de lys. La mère est très ressem-
blante en agréable et en mignon, et la fille très llattée. »
7. « Il y a encore de lui un fort joli portrait en pied de la jeune infante
Isabelle. » Mémoires inédits, t. Il, p. 359.
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époque, est dû à un écrivain qu’on a peu l’habitude de citer ici, à un auteur de
mémoires où le côte artistique ne prédomine guère, à Casanova, enfin, pour
l’appeler par son nom. Il raconte, quelque part, qu’il a connu Nattier en 1750.
« Ce grand artiste avait alors quatre-vingts ans R et malgré son âge avancé,
son beau talent semblait être dans toute sa fraîcheur. Il faisait le portrait d’une
femme laide, il la peignait avec une ressemblance parfaite, et malgré cela, ceux
qui ne voyaient que son portrait la trouvaient belle. Cependant l’examen le plus
minutieux ne laissait découvrir dans le portrait aucune infidélité ; mais quelque
chose d'imperceptible donnait à l’ensemble une beauté réelle et indéfinissable. D’où
lui venait cette magie ?... Un jour qu’il venait de peindre les laides Mesdames de
France, qui sur la toile avaient l’air de deux Aspasies, je lui fis cette question. Il me
répondit : « C’est une magie que le dieu du goût fait passer de mon esprit dans mes
pinceaux. C’est la divinité de la beauté que tout le monde adore et que personne
ne peut définir parce que nul ne sait en quoi,elle consiste. Cela démontre combien
est fugitive la nuance existant entre la laideur et la beauté. Cette nuance cependant
est immense et frappante pour ceux qui n’ont aucune connaissance de notre art »2.
N»s 16-17. — « Portrait de Madame la Dauphine en habit de cour, peint à
Fontainebleau en 1750, » tableau cle 4 pieds 1/2 de haut sur 3 pieds 1/2 de large,
payé en 1755 3. Nattier l’envoya au Salon de 1751. La date de 1750 est confirmée
par les Mémoires du duc de Luijnes 4 5. Ce tableau, vu ses dimensions, ne peut être
identifié, comme on l’a prétendu, avec le n° 3796 du Musée de Versailles. — Je ne
connais, de ou d'après Nattier, qu'un autre portrait de la Dauphine Marie-Josèphe
de Saxe : celui de la vente de B..., du 4 avril 1870 (n° 36).
N° 18. — Nulle trace non plus, que je sache, de ce portrait cle la Dauphine
en marmotte, donné à la duchesse de Brancas, belle-mère de la duchesse de Lau-
raguais, mentionnée ci-devant (n° 5.)
No J9. — Ce tableau fut exposé au Salon de 1753. La jeune princesse Marie-
Zéphirine avait alors trois ans.
No 20 s. — D'après le libellé des documents, il pourrait s’agir ici du portrait
de la fille aînée du roi, Madame Infante, qui est mentionné dans les Mémoires du
duc de Luynes à la date d’octobre 1750 6 ; mais il semble plus probable que c’est
le portrait de donaIsabelle, fille de l'infant don Philippe et de Mme Élisabeth, dont
parle Mme Tocqué7, et qui figura au Salon de 1753 sous le titre de « Portrait
1. Casanova vieillit Nattier de quinze ans.
2. J’emprunte cette citation à P. Bédouin, Mosaïque. Peintres, musiciens, littéra-
teurs... (Paris, 1836, in-8J), p. 137-138, note.
3. Arck. Nat., O1 1979, p. 45. — L. Courajod, ouvr. cité, p. cxci.
4. T. X, p. 357.
5. D’après le registre des A rch. Nat. O1 1979, p. 47, les articles 17-20, portant le
même énoncé qu'ici, appartenaient à l’exercice 1751 et furent payés en 1755-6.
6. Tome X, p. 357. « Nous avons vu aujourd’hui un tableau de Nattier pour l'in-
fant don Philippe, qui représente Madame Infante assise, avec l’infante Isabelle,
debout à cùté d’elle, qui lui présente une branche de lys. La mère est très ressem-
blante en agréable et en mignon, et la fille très llattée. »
7. « Il y a encore de lui un fort joli portrait en pied de la jeune infante
Isabelle. » Mémoires inédits, t. Il, p. 359.