Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 11.1894

DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:
Bonnaffé, Edmond: Voyages et voyageurs, 2: études sur la Renaissance
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24664#0522

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
502

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ou corps qu’elles appellent corps piqué, qui avantage la taille; elles attachent
ce corps par derrière, ce qui donne plus d’élégance à la tournure. Elles se chaus-
sent bien, avec la pantoufle basse et l’escarpin. Elles portent des perruques
(des faux cheveux) et des arcelels (petits arceaux métalliques) pour donner plus de
largeur au front. A l’église les grandes dames, chacune à leur tour, quêtent pour les
pauvres avec une coupe d’or ou d’argent.

Très dévote en apparence, la Française est très avenante et très libre en réa-
lité. Elle s'arrête pour parler aux passants et va seule à l’église ou au marché1.
Elle est fort gracieuse dans sa manière de recevoir et de causer, et n'a qu’un
défaut saillant, l’avarice. Dans la rue, la jeune fille sort avec sa mère qui Ja
précède; les servantes viennent ensuite. Quand elle va à la campagne, elle monte
à cheval en croupe d’un serviteur, en se tenant à la selle.

Paris renferme quelques édifices magnifiques, mais les maisons, pour la
plupart, sont faites de bois et de mortier. Toutefois on commence à bâtir avec
une certaine pierre très tendre qui durcit à l'air. On garnit l’intérieur des maisons
avec des nattes de paille qui défendent du froid en hiver et de la chaleur en clé.
Les maisons se louent presque toujours garnies, au jour ou au mois, les concierges
(conserghi), qui sont les fermiers des maisons et des palais, ne pouvant pas
en disposer autrement dans la crainte que les maîtres ne reviennent à la Cour;

car alors il faut déguerpir sans retard, ce qui est arrivé au nonce du pape.

On peut aussi louer non meublé, et en moins de deux heures, on trouve tout
ce qu'il faut pour garnir entièrement un palais magnifique, vaisselle, tapisseries,
linge, etc. En outre on a la ressource des ventes publiques qui se tiennent souvent
en divers endroits de la ville.

Dans file de la Cité, le Palais renferme quantité de boutiques; on y rencontre
une foule de cavaliers et de dames, le roi même et la cour. Le Palais est un lieu
de rendez-vous et, pour tout dire, l’entremetteur des amoureux, il ruffiano délit
nmanti.

On compte à Paris plus de 1,800 jeux de paume, et la seule dépense
des paumes s’élève à mille écus au moins par jour. Les Français se plaisent

beaucoup à ce jeu, et s’y exercent avec une grâce et une légèreté merveil-

leuses.

Le Français mange quatre ou cinq fois par jour, sans règle ni heure fixe. Peu
de pain et de fruit, beaucoup de viande et de pâtisserie. Bouchers, rôtisseurs,
revendeurs, pâtissiers, cabaretiers, taverniers pullulent dans la ville. En moins
d'une heure, on vous accommode un dîner, un souper pour dix, pour vingt, pour
cent personnes. Il y a des cabaretiers qui vous donnent à manger chez eux à tout
prix, depuis un feston jusqu’à vingt écus par tête.

1. La liberté des Françaises devait d’autant plus étonner Lippomano, que les
Italiennes, et particulièrement les Vénitiennes, étaient tenues avec une extrême
rigueur. Misson, qui visita l’Italie un siècle plus tard, parle encore de « la prison
perpétuelle des pauvres Italiennes. Les Vénitiennes sont tellement resserrées qu’à
peine peut-on les voir, même à l’église ; elles sortent rarement, toujours en gon-
dole et accompagnées de deux ou trois vieilles qui ne les abandonnent jamais ».
Brantôme (Vie de M. de Bourbon) parle également « des Romaines à qui leurs
maris font tenir chambre serrée ».
 
Annotationen