MAÎTRES NÉERLANDAIS ET ALLEMANDS A BRUXELLES 59
larmes perlées, rappellent Andrea Solario1; la tête du donateur,
avec ses formes accusées, Antonello de Messine. L'émotion appa-
raît comme figée. Il semble qu’une couche de glace transparente
entoure les visages, nettement modelés.
Abordons maintenant la question de savoir qui peut être l’auteur
de toutes ces peintures.
Est-ce Jan Mostaert?
Cette hypothèse, autant que j’ai pu le savoir, a été émise d’abord
par M. G. Glück, puis plus tard, motivée plus longuement par
AL Camille Benoît, et elle rencontra grande faveur les premiers
temps. Elle est, en effet, séduisante; bien des choses la rendent
plausible, et l’on n’y renoncera que difficilement.
Il faut cependant remarquer que l’hypothèse de M. Glück ne se
soutient qu'en considération de ce qui suit : Nous ne possédons pas
line seule œuvre authentique du peintre Jan Mostaert, lequel, de
son temps, jouissait d’une grande estime. Cherchons donc, parmi
les anonymes, des œuvres qui peuvent lui être attribuées (car il est
improbable que tout ce qu’il avait créé ait péri'2); nous trouvons
alors dans plusieurs collections publiques et privées un certain
nombre de portraits et de tableaux religieux de style analogue, qui,
au point de vue de la qualité, sont loin d’être indignes du célèbre
artiste.
Dans ces tableaux, on rencontre plusieurs indices qui indique-
raient la paternité de quelque artiste hollandais; or, Jan Mostaert
naquit à Haarlem. Les œuvres que cite M. Glück consistent
principalement en portraits, et les rares tableaux religieux se dis-
tinguent par les excellents paysages qu’ils renferment. Karel van
Mander l’appelle un éminent portraitiste et paysagiste.
Dans van Mander, on lit encore le passage que voici : « Son
propre portrait, fort ressemblant, est une de ses dernières œuvres,
il est vu presque de face, les mains jointes, tenant un chapelet ; le
fond représente un beau paysage. Dans le ciel, le Christ assis comme
au jour du Jugement, et le peintre, tout nu, prosterné devant le
Sauveur, entre le démon tenant un registre où sont inscrits ses
péchés, et un ange qui intercède pour lui. » M. Glück ne reconnaît
pas le propre portrait de Mostaert dans le n° 538 de la galerie de
Bruxelles, mais il trouve, dans les apparitions célestes qui se voient
1. Déjà remarqué par M. Benoît.
2. Van Mander dit, cependant, que dans le grand incendie de Haarlem en 1576
beaucoup d’œuvres de Mostaert furent détruites.
larmes perlées, rappellent Andrea Solario1; la tête du donateur,
avec ses formes accusées, Antonello de Messine. L'émotion appa-
raît comme figée. Il semble qu’une couche de glace transparente
entoure les visages, nettement modelés.
Abordons maintenant la question de savoir qui peut être l’auteur
de toutes ces peintures.
Est-ce Jan Mostaert?
Cette hypothèse, autant que j’ai pu le savoir, a été émise d’abord
par M. G. Glück, puis plus tard, motivée plus longuement par
AL Camille Benoît, et elle rencontra grande faveur les premiers
temps. Elle est, en effet, séduisante; bien des choses la rendent
plausible, et l’on n’y renoncera que difficilement.
Il faut cependant remarquer que l’hypothèse de M. Glück ne se
soutient qu'en considération de ce qui suit : Nous ne possédons pas
line seule œuvre authentique du peintre Jan Mostaert, lequel, de
son temps, jouissait d’une grande estime. Cherchons donc, parmi
les anonymes, des œuvres qui peuvent lui être attribuées (car il est
improbable que tout ce qu’il avait créé ait péri'2); nous trouvons
alors dans plusieurs collections publiques et privées un certain
nombre de portraits et de tableaux religieux de style analogue, qui,
au point de vue de la qualité, sont loin d’être indignes du célèbre
artiste.
Dans ces tableaux, on rencontre plusieurs indices qui indique-
raient la paternité de quelque artiste hollandais; or, Jan Mostaert
naquit à Haarlem. Les œuvres que cite M. Glück consistent
principalement en portraits, et les rares tableaux religieux se dis-
tinguent par les excellents paysages qu’ils renferment. Karel van
Mander l’appelle un éminent portraitiste et paysagiste.
Dans van Mander, on lit encore le passage que voici : « Son
propre portrait, fort ressemblant, est une de ses dernières œuvres,
il est vu presque de face, les mains jointes, tenant un chapelet ; le
fond représente un beau paysage. Dans le ciel, le Christ assis comme
au jour du Jugement, et le peintre, tout nu, prosterné devant le
Sauveur, entre le démon tenant un registre où sont inscrits ses
péchés, et un ange qui intercède pour lui. » M. Glück ne reconnaît
pas le propre portrait de Mostaert dans le n° 538 de la galerie de
Bruxelles, mais il trouve, dans les apparitions célestes qui se voient
1. Déjà remarqué par M. Benoît.
2. Van Mander dit, cependant, que dans le grand incendie de Haarlem en 1576
beaucoup d’œuvres de Mostaert furent détruites.