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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
et pendant nombre d’années au peintre Jean Poyet, cette œuvre
remarquable a été, grâce à la découverte d’un fragment de comptes
de la reine Anne, définitivement restituée à son véritable auteur
Jean Bourdichon : il y a lieu d’espérer qu’une nouvelle trouvaille ne
viendra pas déposséder le grand artiste de la glorieuse auréole qui
entoure aujourd’hui son nom. »
Dans ces lignes, que tous les esprits scientifiques se plairont à
méditer, la véritable trouvaille n’est-elle pas « le grand artiste,
auteur définitif, qui pourrait bien un jour en être dépossédé » ?
❖
❖ ❖
Le nom de Jean Poyet, si illustre dans son temps que Francesco
Florio dans sa Description de la Touraine, le citait comme plus
célèbre que Fouquet lui-même, est plusieurs fois revenu sous notre
plume, sans effort ; il nous faut, dès lors, rappeler comment Laborde,
comment Barbet de Jouy, en étaient arrivés à lui attribuer les
Heures d'Anne de Bretagne. Us leur appliquaient doux articles d’un
compte de l’Argenterie de la reine Anne, constatant :
1°) « Le 3 septembre 1497, le payement d’une somme de 14 1. t. à Jean
Riveron, escripvain, demourant à Tours, pour avoir escript unes petites
heures que la dite dame a faict faire à l’usaige de Romme et pour avoir
fourny le vélin » ;
2° « Le 29 août 1497, le payement d’une somme de sept vingt treize
livres trois sols tournoys à Jehan Poyet, enlumineur et historieur, demou-
rant au dict Tours, pour avoir faiot es dites heures, vingt-trois histoires
riches, deux cent soixante et unze vignettes et quinze cens versées ».
M. Barbet de Jouy, qui distinguait deux parties dans ce livre,
compte dans la première, du f" 2 au f° loi, 2i grandes miniatures,
271 vignettes et 1 500 versets; d’où il a conclu que le compte cité
par Laborde s’appliquait incontestablement à la première partie
des Heures d’Anne de Bretagne, ainsi achevée en 1497. De plus, il
croit que la deuxième partie a été exécutée par les mêmes artistes
(car, comme Leroux de Lincy, il trouve là une collaboration mani-
feste), mais n’a pas été achevée avant le mariage d’Anne de Bretagne
avec Louis XII, après 1499, par conséquent.
Comme, dans la deuxième partie, il remarque l’absence d’une
miniature, il juge qu’elle a été déplacée et reportée à la première
partie — probablement le portrait de la reine; — par suite, actuel-
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et pendant nombre d’années au peintre Jean Poyet, cette œuvre
remarquable a été, grâce à la découverte d’un fragment de comptes
de la reine Anne, définitivement restituée à son véritable auteur
Jean Bourdichon : il y a lieu d’espérer qu’une nouvelle trouvaille ne
viendra pas déposséder le grand artiste de la glorieuse auréole qui
entoure aujourd’hui son nom. »
Dans ces lignes, que tous les esprits scientifiques se plairont à
méditer, la véritable trouvaille n’est-elle pas « le grand artiste,
auteur définitif, qui pourrait bien un jour en être dépossédé » ?
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Le nom de Jean Poyet, si illustre dans son temps que Francesco
Florio dans sa Description de la Touraine, le citait comme plus
célèbre que Fouquet lui-même, est plusieurs fois revenu sous notre
plume, sans effort ; il nous faut, dès lors, rappeler comment Laborde,
comment Barbet de Jouy, en étaient arrivés à lui attribuer les
Heures d'Anne de Bretagne. Us leur appliquaient doux articles d’un
compte de l’Argenterie de la reine Anne, constatant :
1°) « Le 3 septembre 1497, le payement d’une somme de 14 1. t. à Jean
Riveron, escripvain, demourant à Tours, pour avoir escript unes petites
heures que la dite dame a faict faire à l’usaige de Romme et pour avoir
fourny le vélin » ;
2° « Le 29 août 1497, le payement d’une somme de sept vingt treize
livres trois sols tournoys à Jehan Poyet, enlumineur et historieur, demou-
rant au dict Tours, pour avoir faiot es dites heures, vingt-trois histoires
riches, deux cent soixante et unze vignettes et quinze cens versées ».
M. Barbet de Jouy, qui distinguait deux parties dans ce livre,
compte dans la première, du f" 2 au f° loi, 2i grandes miniatures,
271 vignettes et 1 500 versets; d’où il a conclu que le compte cité
par Laborde s’appliquait incontestablement à la première partie
des Heures d’Anne de Bretagne, ainsi achevée en 1497. De plus, il
croit que la deuxième partie a été exécutée par les mêmes artistes
(car, comme Leroux de Lincy, il trouve là une collaboration mani-
feste), mais n’a pas été achevée avant le mariage d’Anne de Bretagne
avec Louis XII, après 1499, par conséquent.
Comme, dans la deuxième partie, il remarque l’absence d’une
miniature, il juge qu’elle a été déplacée et reportée à la première
partie — probablement le portrait de la reine; — par suite, actuel-