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— 74 —

judicieuse et plus artistique, en se préoc-
cupant du coup d'œil et de l'harmonie,
on crierait au succès et à la renaissance
de la Société.

En attendant, et pour commencer par
rang de taille, voici de Skarbina une
femme de pêcheur hollandais écrivant une
lettre, traitée à la hollandaise par cet
Allemand francisé, avec un talent remar-
quable, bien que le sujet soit plus étrange
qu'agréable.

Voici de Bisco une femme arabe abritée
sous un immense chapeau, objet princi-
pal de cette aquarelle qui prend des allures
huileuses peu attrayantes, mais qui est
d'un fort.

Le Gondolier de Cipriani a toutes les
qualités italiennes ; mais il gagnerait à la
suppression du vermillon qui fait arriver
son soleil couchant au premier plan.

Simoni a envoyé un intérieur moresque
très-habile et qui paraît vrai ; A. Seel,
un autre intérieur de palais fait sur toile
à l'aide d'un procédé qui ressemble plus
à l'essence qu'à la détrempe, mais pas du
tout à l'aquarelle : décoration très habile.

Il n'est pas le seul disposé à introduire
les matériaux étrangers dans le domaine
de l'aquarelle.

Sans compter H. Vos, un transfuge du
Cercle des aquarellistes qui a exposé des
pastels d'ailleurs très-réussis, surtout le
peintre au travail, dessin très aéré, il y a
un grand cuirassier tombant de cheval,
étude à l'huile sur papier qui fait songer
à Géricault, mais non pas à l'élément por-
teur du radeau de la Méduse.

L. Becker a élargi sa manière en même
temps que ses dimensions. Ses deux
chiens travestis sont à la fois larges,
francs et spirituels.

Roelofs expose un grand pâturage tou-
jours digne de lui, lumineux mais un peu
déteint.

C. Meunier réunit des mineurs inté-
ressants dans leur brutalité. Si l'homme
est avachi, la fémme a certain attrait
malgré son milieu ambiant qu'un indus-
triel apprécie, je l'avoue, plus que moi.

Il y a aussi une belle impression
d'orage de Roelofs, qui semble n'avoir
pas eu le temps de faire davantage, de
même que son compatriote Gabriel.

Des chiens, trop sensibles, d'Eerelman ;
un intérieur d'église de Louis Haghe,
datant de 1879, vrai miracle de justesse,
de touche et de détails ; un tableau d'his-
toire du même artiste : le jugement d'un
brigand dans la salle du Franc de Bruges
en i593, prétexte romantique à l'exécution
d'une admirable cheminée (car les figures
déparent un peu cette page posthume),
complètent à peu] près le contingent des
grandes pièces.

L'aquarelle me paraît plus gracieuse en
petit ; et cependant voici des exemples qui
prouvent qu'elle doit être plus difficile
ainsi pour certains tempéraments : Skar-
bina, dans son coin de Bruxelles, est
moins habile que Stacquet et que Titz, et
tout à fait malheureux dans sa plage de
Blankenberghe : les paysages de P. Oyens
ne sont pas heureux non plus ; Mainella

est mauvais dans sa bergerie, petit sujet
orné d'un parapluie rouge, et indigne de
cet artiste inimitable. Car on se rappelle
la gouache étonnante qu'il avait envoyée
à la dernière exposition triennale : on a
crié à la photographie, mais c'était tout
simplement stupéfiant. Eh bien, sa grande
aquarelle exposée ici est supérieure à
celle-là. C'est le clou de l'exposition. Cette
simple vue de Venise, d'une clarté extra-
ordinaire, d'une touche leste, franche et
détaillée, est pourtant d'un aspect juste et
vrai.

Un autre Vénitien, Bragnoli qui avait
autrefois des vues très dessinées et ex-
actes, envoie des pochades magnifiques,
qui, à distance, valent les travaux précé-
dents. Ses canaux sont admirables, mais
le trop de facilité le perdra peut-être : son
n° 27, vue du grand canal, est prestigieux.

De Dominicis, moins habile, est plus
consciencieux. Mais la rue encaissée (vue
de Rome extra muros, dans un temps de
pluie), par Joris, est une chose très vraie
qu'il faut avoir vue pour l'apprécier, car
la nature italienne n'est pas faite pour des
yeux flamands non encore dépaysés. Son
étude de Contadino est superbe.

Les Italiens semblent trop adroits à
côté de nos compatriotes et de nos voisins
du nord, ou, plutôt, ils ne varient pas
assez leur facture.

Martens pourtant a fait un effort dans
ce sens : il est très fin, frais et franc dans
ses seigneurs et dames Louis XV, couchés
suf un tertre. Cette franchise s'éloigne du
fini mécanique pour se rapprocher de la
tache d'eau colorée mise juste à sa place,
si bien représentée par Lanneau dans ses
fleurs, par Uytterschaut dans ses paysages.

Mais Navone, Cipriani, Cabianca,
Brucciarelli, Pennacchini, Da, Rios, Si-
moni même, dans sa cérémonie marocaine
restent les mêmes habiles ouvriers italiens
que nous connaissons, sans avoir ajouté
un sentiment nouveau, une tentative quel-
conque à leur technique pour ainsi dire
parfaite.

D'où vient que l'on se trouve plus ému
devant une œuvre incomplète qu'en pré-
sence de ces travaux qu'on ne saurait
critiquer ?

Pourquoi la scène sommaire de Ra-
pelli, vague et peu arrêtée mais vivante,
nous plaît-elle dans son exécution rapide,
avec ce chien attentif et jaloux qui voit en
frémissant sa maîtresse embrassée par un
paysan égrillard ? Parce que des person-
nages trop jolis, trop propres, des habits
trop neufs nous écartent du souvenir de
la nature vue et observée ; c'est ainsi que
les belles vues de la campagne romaine de
Roesler, si distinguées de choix et d'exé-
cution , sont trop soignées pour nous
donner l'impression mordante de la vérité.
On y voudrait un peu de négligence, et
pourtant les cyprès de la villa d'Esté sont
une aquarelle magistrale.

Le Cardinal goûtant son vin, de Cole-
man, est, il faut le dire, d'une exécution
parfaite. Les stalles en bois sculpté, le
moine buvant le vin des Castelli romani,
par Tarenghi, méritent presque le même

éloge.

Madame Clara Montalba, très-appré-
ciée à bon droit en Belgique, se complaît
toujours dans les ports et les lagunes où
elle déploie ses qualités si originales d'effet
et de forme dans les masses lumineuses.

Ce qui semble manquer aux Italiens,
c'est la qualité dominante des Hollandais,
un sentiment recueilli, grave et contenu
qui devient aisément de la poésie. Ce qui
chez les Belges est de la palette, au service
de la nature, se traduit en Hollande par
une scène émue, simple, interprétée qui
éloigne les idées du procédé matériel, et
c'est heureux pour celui-ci, car il est pé-
nible, lourd, fatigué.

Seulement, le résultat rachète tout cela.

M. Van der Waay semble avoir voulu
essayer de greffer son talent septentrional
sur l'arbre vivace de l'Italie et la chose lui
a réussi. Quoique un peu sombre, son
Lazzarone [nu, servant de fiascheggiàre,
et son petit Juif sont très vrais et sa rue
montante, au Pincio, a la même qualité.

C'est neuf ; cela sort des sites déjà un
peu trop connus que nous montrent avec
largeur et talent du reste MM. Stortenbe-
ker, Weissenbruch et plusieurs autres qui
semblent rivés à un même site.

Pourtant M. Vrolijk nous prouve que
l'on peut exécuter des variations sur un
thème fort simple et pour ainsi dire sur
une seule corde : ses impressions de soleil
couchant sont pleines de charme poétique
et d'harmonie dans les tons. Deux marines
de Vogel sont aussi fort distinguées de cou-
leur et sortent de la banalité trop ordi-
naire dans les vues de fleuves.

Mais c'est surtout dans les Intérieurs,
que les Hollandais peuvent à l'aise dé-
ployer leurs qualités. Une Fileuse au rouet
par Van Essen est admirable de vigueur
et de sincérité, une scène de famille très-
simple, presque insignifiante, par Kever,
traitée dans le style de Mauve et dans une
tonalité grise est pleine de sentiment re-
cueilli.

Les frères Oyens ont conservé le mo-
nopole de l'esprit franc, large et sympa-
thique. Le Monsieur en costume de soirée
de David est digne du convalescent plan-
tureux de Pierre. Ce malade pour rire ne
peut souffrir que d'un excès de santé ; la
bière qui lui sert de tisane et la Pot-Bouille
de Zola qui charme ses ennuis, dénotent
un tempérament qui ne tend point vers
l'anémie.

Il est à regretter seulement que MM.
Oyens, ainsi que bien d'autres artistes, tels
que MM. Smits, Hagemans, etc., ne se
montrent pas plus sévères sur le choix de
leurs envois. Autrefois on gardait dans ses
cartons les essais, les pochades, les études
manquées ; aujourd'hui tout est bon pour
le public : il faut produire beaucoup, que
ce soit bien ou mal.

Et voilà ce qui fait réclamer un jury sé-
vère, remède parfois plus dangereux en-
core que l'affection en question. Si l'artiste
se jugeait lui-même avec sévérité, cela ne
vaudrait-il pas beaucoup mieux ?

Ce que j'en dis est aussi applicable à
nos anciens qui paraissent entraînés dans
 
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