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— i£5 —

Ce qui devait arriver arriva. Au com-
mencement de l'année, pendant une som-
bre nuit où la pluie et le vent s'étaient fu-
rieusement déchaînés sur la vallée de la
Thyl, les deux murailles, qui étaient en-
core attachées au portail et aux transepts,
se sont effondrées engloutissant, au nord,
les chapelles si curieuses du XVe siècle, au
sud la voûte du bas-côté. Les colonnes
du temple, si curieuses dans leur disposi-
tion, gisent renversées, disloquées. La
porte de la façade est obstruée par des
pierres; la porte du cloître, près de la
crypte, est odieusement ensevelie sous les
décombres. Quel gâchis! Quel boulever-
sement! Quelle douleur pour ceux qui
aiment Villers !

Heureusement, le haut de l'église est
intact. Les transepts conservent leur belle
voûte qu'il serait encore facile et peu coû-
teux de consolider ; l'abside est entière et
c'est une des plus belles que l'on puisse
imaginer.

Qu'on ait pitié de tout cela ! Que l'on
sauve d'une destruction qui arrive à
grands pas, la partie du cloître encore de-
bout. L'eau y a causé déjà des dégâts pro-
fonds, mais le mal n'est pas complet.

Si l'on nous oppose des idées plus ou
moins réfléchies, une immobilité et une
indifférence plus ou moins coupables,
nous répondrons que Villers est aussi une
école d'architecture. Que l'on étudie les
constructions de Ch. Licot, et l'on verra
que l'élève de Violet-le-Duc n'a rien trouvé
de mieux que de faire revivre les moyens
employés par les maîtres de Villers et les
belles lignes trouvées par eux. La nou-
velle station d'Ottignies est curieuse à ce
point de vue.

Les Anglais sont nos maîtres sous ce
rapport. S'ils ont détruit les monastères,
lors de la réformation, afin de rendre le
séjour de lAngleterre impossible aux
communautés religieuses, ils ont su, le
désastre accompli, juger la profondeur du
mal causé à l'art et sauver de la destruc-
tion, avec un soin pieux, ce qui restait
des abbayes. Tout le Yorkshire est rempli
de ruines admirablement soignées : Bolton,
près de Bradford, Kirkstall, près de Leeds
en sont la preuve. Plus haut, c'est Fur-
ness dont la ressemblance avec Villers est
si complète. En Ecosse, c'est Melrose,
chanté par Walter Scott. Partout ces
ruines disent le respect des vivants pour
l'art du moyen-âge duquel nous avons
encore tant à apprendre.

N'est-il donc pas possible que l'on fasse
pour Villers quelque chose de semblable?
C'est si simple! c'est si pratique!

Devons-nous espérer encore ou nous
résigner? On nous dit que le propriétaire
actuel ne veut pas même entendre parler
du déblai des ruines! Pauvre abbaye!
Laterrade, son premier acquéreur, en fit
arracher le plomb, le fer, le bois, les
pierres pour en tirer quelque argent ; le
dernier laissera tout périr par dédain
Pour le profit qu'il peut en tirer.

Emile Lefèvre.

Notre honorable correspondant vient

de se faire l'éloquent écho de tous ceux
qui, en Belgique, s'occupent d'art et d'ar-
chéologie. Dans ce même Journal que de
fois n'avons-nous pas traité cette question
sans le moindre succès !

A la décharge du gouvernement disons
que celui-ci n'a rien négligé pour arriver
à un résultat qui satisfasse non pas tout
le monde, car c'est difficile, mais au moins
le monde raisonnable. Efforts infructueux!
Il a fallu s'incliner devant les lois protec-
trices des propriétaires plus que des ar-
chéologues. Aussi les ruines de Villers s'ef-
fritteront peu à peu après avoir servi les
intérêts de ceux qui en ont fait une guin-
guette dont l'exploitation est d'autant plus
fructueuse qu'elle est... mais arrêtons-nous
afin de ne pas donner trop de champ au
droit de réponse. S.

MÉDAILLON DE JEAN CLOUET.

Dans la Biographie Nationale nous
avons consacré à ce peintre une notice
raisonnée. Nous la complétons aujour-
d'hui, par l'extrait ci-joint d'une note que
nous trouvons dans le Bulletin mensuel
de numismatique et darchéologie publié
par M. Raymond Serrure, livr. avril-
juin p. i85.

Le médaillon de Jean Cloet a été publié dans le
Trésor de numismatique et de glyptique. (Choix
de médailles exécutées en Allemagne aux XVIe et
XVIIe siècles, planche XX, fig. 2, et p. 40 du texte)
où il se trouve rangé parmi les œuvres allemandes
du XVIIe siècle; plus tard M. Duplessis en a donné
une reproduction dans le Bulletin de la société des
antiquaires de France, ir trimestre 1872, p. 51 ),
en le revendiquant avec raison comme-une œuvre
toute française.

Voici la description de ce curieux monument :
JEHANNET. CLOVET. PICTOR. FRANC.
REGIS.

Buste de Jean Cloet, de profil, à gauche. Il est
vêtu dune cape rejetée sur l'épaule gauche et coiffé
d'une résille surmontée d'un bérêt posé sur l'oreille
droite ; de sa chevelure on n'aperçoit qu'une lon-
gue mèche, retombant sur la nuque.

Bronze, uniface. — Diam. 42 millimètres.

Littérature.

LAMARTINE ET HUGO.

(Suite).

Mais voici l'Empire qui s'écroule. Hugo rentré
dans Paris qu'on assiège est accueilli avec des
transports de joie par ses amis de la république
radicale. S'il y avait eu dans ce poète un homme
d'État, il pouvait devenir le Lamartine de la
troisième République. Mais, en politique, nul
le prend au sérieux. La France aux abois se
tourne vers trois hommes en qui elle espère :
Thiers, Jules Favre, Gambetta (1). La Commune
promène l'incendie et la mort dans Paris. L'ar-
mée de Versailles fait à son tour le siège de la
capitale aux mains des prussiens de l'intérieur.
Hugo revient à Bruxelles où, malgré le gouverne-
ment qui refuse l'entrée du pays aux communards,
il leur ouvre sa porte de la place des Barri-
cades, parce que lui, Hugo, a pitié de ces bour-
reaux en révolte contre leur pays. Je me trompe,
il ne sait plus où sont les bourreaux, car, à ses
yeux,les victimes sont les vaincus de la Commune.

1) Ceux-là du moins avaient voté contre la guerre.

Il a soi! de cette popularité-là, parce que la Com-
mune, c'est Paris, son idole. Il ose écrire à VIndé-
pendance : «J'ouvre ma porte aux proscrits. Où?
En Belgique.» Le lendemain, nos chambres votent
à la presque unanimité un décret d'expulsion
contre l'homme qui, du droit de son génie, pré-
tendait imposer sa volonté à notre pays, en l'expo-
sant aux justes représailles de la France. Cet abus
de l'hospitalité révolte tous les partis, excepté les
adeptes de la Commune. Avoir du génie, est-ce
une raison pour n'avoir pas le sens commun?

En 1872, paraît l'Année terrible où s'exhale la
haine contre l'Allemagne justicière et contre l'em-
pereur tombé : ce qui n'était ni généreux ni lo-
gique pour celui qui aimait à prendre en main la
cause des vaincus. A Paris même, Hugo n'obtient
pas les honneurs d'une élection à l'Assemblée na-
tionale. Thiers disparaît. Mac-Mahon lui succède
comme président de la République. Les monar-
chistes allaient l'emporter, si Chambord n'eût pré-
féré le drapeau blanc de son ancêtre Henri IV au
drapeau tricolore qui « a fait le tour du monde
avec les libertés et les gloires de la patrie » selon le
mot célèbre de Lamartine. La République triomphe
avec le parti républicain, sous la présidence de
M. Grévy. Victor Hugo atteint alors dans sa ro-
buste vieillesse le comble de sa popularité. Il est
en littérature ce que Gambetta est dans l'éloquence
politique : le favori de la multitude. L'Hugolâtrie
de Paris répond à la Parilâtrie de Hugo. A chaque
nouvelle production conçue et exécutée en général
dans l'île de Guernesey : la suite de la Légende
des siècles, Y Art d'être grand-père, la Pitié su-
prême, Religions et religion, l'Ane, les Quatre
vents de l'esprit, la presse agenouillée épuise toutes
ses cassolettes d'encens. L'œuvre nouvelle est su-
périeure à toutes ses aînées : c'est un degré de
plus dans l'ascension du titan en train d'escalader
le ciel. Le poète flatte la démagogie en s'attaquant
surtout à l'Église, désarmée de toute force maté-
rielle, mais armée de sa force morale où on la sent
indomptable. Hugo sait que cette guerre est une
condition de popularité, et c'est elle qu'il courtise :

«La popularité, cette grande menteuse.»

Pourvu que les coups soient bien assénés, on lui
pardonne son déisme.

Il y a d'autres grands poètes, dit un journal (1)
qui ont cru en Dieu : témoin de Musset! Comme
s'il y avait une poésie sans Dieu, c'est à dire en
dehors de celui qui est la synthèse vivante de tout
ce qui est vrai, de tout ce qui est bon, de tout ce
qui est beau, de tout ce qui est grand.

Mais Hugo sait de quel côté souffle le vent de
la démocratie. Il brûle ce qu'il a adoré et adore ce
qu'il a brûlé. Il appelle cela grandir. Chaque fois
que l'occasion s'en présente, il se pose en défen-
seur des proscrits, des vaincus, des condamnés, en
France et en Europe, dans des lettres aussi rem-
plies- d'antithèses que vides d'idées, mais qui ont
l'attrait de la curiosité et qui font donner au poète
par ses thuriféraires la réputation d'un apôtre de •
paix, de clémence, de pardon, de miséricorde, je
ne sais quel nouveau Messie, aussi fécond en pa-
roles que le premier l'était en actions (2). Deux

(1) L'Evénement de Paris.

(2) On aime à citer un fait qui honore Victor Hugo : son
intervention auprès de Louis-Philippe pour sauver Barbés,
condamné à mort par la Cour des Pairs, en 183g, pour avoir
conspiré contre la monarchie.

On connaît ce beau quatrain :

Par votre ange envolée ainsi qu'une colombe !

Par ce royal enfar.t, doux et frêle roseau !

Grâce encore une fois ! grâce au nom de la tombe !

Grâce au nom du berceau !

Mais Hugo n'a pas contribué seul à cet acte de clémence.
Quelques mois avant la Révolution de Février, Barbès écrivait
de sa prison à Lamartine : « Je vous dois l'existence; après
Dieu, vous êtes mon sauveur. Si je sors jamais de ces murs,
renversés par le triomphe ceitain de la république, ma pre-
mière visite sera pour celui envers qui ma reconnaissance a
 
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