A PROPOS D'UN BAS-RELIEF COPTE DU MUSÉE DU CAIRE
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ginaires pour la circonstance, on remarque la même particularité dans les quadriges
des monnaies romaines consulaires du IVe siècle de notre ère ou de la fin du IIIe : les
deux chevaux extérieurs regardent vers le dehors, les deux autres vers le conducteur,
et il ne viendra à l'idée de personne de voir dans cette disposition une réminiscence
de l'égyptien antique.
Une dernière remarque. M. Strzygowski a noté à plusieurs reprises un prétendu
goût des Coptes pour les représentations obscènes, et il déclare qu'ils l'auraient hérité
de leurs ancêtres païens. La question est obscure en soi, et, sur le fait même de l'in-
tention obscène, il est assez difficile de se prononcer, mais il semble qu'en plusieurs
cas cette accusation soit exagérée, et, de toute manière, le fait pour les Coptes d'avoir
sculpté des figures nues ou demi-nues, même maladroitement exécutées, ne suffit pas à
la justifier. En quelques endroits, pourtant, l'intention est plus frappante, ainsi pour
ces groupes de Léda et du cygne, actuellement dispersés entre les musées du Caire,
d'Alexandrie et de Berlin1. Mais il faut rappeler qu'aucun d'eux n'est le fruit d'une
fouille méthodique, qu'ils ont tous été, ou achetés à des marchands, ou apportés par
des chercheurs de sebakh. Il est donc difficile d'affirmer qu'ils proviennent bien réelle-
ment d'églises, celle d'Ahnâs surtout, comme on l'a dit, et non de quelques temples
païens des derniers temps de l'époque romaine ; auquel cas ils ne prouveraient plus
grand'chose au sujet de l'esprit égyptien, qui aurait persisté chez les Coptes. Car, enfin,
l'histoire de Léda est une légende grecque, il était difficile d'en faire un sujet de ta-
bleau édifiant, et, si ces œuvres étaient placées dans un temple, elles ne différaient des
œuvres similaires de la Grèce que par la gaucherie et une incontestable laideur.
Ces réserves faites, M. Strzygowski devra avouer que les manifestations de cette
prétendue tendance obscène ne sont pas fréquentes en Égypte. Si nous possédions, de
la Syrie, de l'Asie Mineure, autant de monuments figurés appartenant aux Ve-VIIe siè-
cles que l'Égypte nous en a fourni, peut-être y trouverions-nous des faits analogues
en aussi grand nombre. En effet, même en joignant les peintures aux sculptures, je
ne remarque à Bâouit ou à Saint-Jérémie de Saqqarah aucune propension réelle à
traiter des sujets risqués; on pourrait même, peut-être, y distinguer une tendance con-
traire. Ainsi, le type de la Vierge allaitant apparaît trois fois à Saint-Jérémie et à
Bâouit une fois, mais, partout où on le rencontre, on constate, semble-t-il, un effort
pour atténuer le côté matérialiste de la scène et pour ne laisser subsister que l'idée
abstraite. L'exemple de Bâouit est le meilleur, parce que le style en est très supérieur
à celui des tableaux de Saqqarah. Le corps de la Vierge y est assez bien proportionné;
la tête est d'un dessin très correct et réellement artistique, mais le sein est dessiné si
sommairement que, dans une œuvre par ailleurs honorable, cette défectuosité ne peut
être que voulue. L'artiste aura entendu ainsi éviter toute représentation réaliste.
Je n'insiste pas sur ces considérations, qui sont hypothétiques. Mais, là où le juge-
1. Ainsi, M. Strzygowski (Bull., p. 83) parle d'une obscône mânnliche Tonjlgur, trouvée dans le tombeau
d'une jeune fille chrétienne, à Antinoé. Le Catalogue du Musée de Berlin, où elle se trouve actuellement
(p. 397, n° 13730), la décrit ainsi : « figure peinte sur stuc, d'un garçon à genoux, priant (?), sans vêtements;
» une amulette au cou ». Qui pourra jamais reconnaître là une intention réelle d'obscénité ?
RECUEIL, XXXVII. — TROISIÈME SÉR., T. V.
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ginaires pour la circonstance, on remarque la même particularité dans les quadriges
des monnaies romaines consulaires du IVe siècle de notre ère ou de la fin du IIIe : les
deux chevaux extérieurs regardent vers le dehors, les deux autres vers le conducteur,
et il ne viendra à l'idée de personne de voir dans cette disposition une réminiscence
de l'égyptien antique.
Une dernière remarque. M. Strzygowski a noté à plusieurs reprises un prétendu
goût des Coptes pour les représentations obscènes, et il déclare qu'ils l'auraient hérité
de leurs ancêtres païens. La question est obscure en soi, et, sur le fait même de l'in-
tention obscène, il est assez difficile de se prononcer, mais il semble qu'en plusieurs
cas cette accusation soit exagérée, et, de toute manière, le fait pour les Coptes d'avoir
sculpté des figures nues ou demi-nues, même maladroitement exécutées, ne suffit pas à
la justifier. En quelques endroits, pourtant, l'intention est plus frappante, ainsi pour
ces groupes de Léda et du cygne, actuellement dispersés entre les musées du Caire,
d'Alexandrie et de Berlin1. Mais il faut rappeler qu'aucun d'eux n'est le fruit d'une
fouille méthodique, qu'ils ont tous été, ou achetés à des marchands, ou apportés par
des chercheurs de sebakh. Il est donc difficile d'affirmer qu'ils proviennent bien réelle-
ment d'églises, celle d'Ahnâs surtout, comme on l'a dit, et non de quelques temples
païens des derniers temps de l'époque romaine ; auquel cas ils ne prouveraient plus
grand'chose au sujet de l'esprit égyptien, qui aurait persisté chez les Coptes. Car, enfin,
l'histoire de Léda est une légende grecque, il était difficile d'en faire un sujet de ta-
bleau édifiant, et, si ces œuvres étaient placées dans un temple, elles ne différaient des
œuvres similaires de la Grèce que par la gaucherie et une incontestable laideur.
Ces réserves faites, M. Strzygowski devra avouer que les manifestations de cette
prétendue tendance obscène ne sont pas fréquentes en Égypte. Si nous possédions, de
la Syrie, de l'Asie Mineure, autant de monuments figurés appartenant aux Ve-VIIe siè-
cles que l'Égypte nous en a fourni, peut-être y trouverions-nous des faits analogues
en aussi grand nombre. En effet, même en joignant les peintures aux sculptures, je
ne remarque à Bâouit ou à Saint-Jérémie de Saqqarah aucune propension réelle à
traiter des sujets risqués; on pourrait même, peut-être, y distinguer une tendance con-
traire. Ainsi, le type de la Vierge allaitant apparaît trois fois à Saint-Jérémie et à
Bâouit une fois, mais, partout où on le rencontre, on constate, semble-t-il, un effort
pour atténuer le côté matérialiste de la scène et pour ne laisser subsister que l'idée
abstraite. L'exemple de Bâouit est le meilleur, parce que le style en est très supérieur
à celui des tableaux de Saqqarah. Le corps de la Vierge y est assez bien proportionné;
la tête est d'un dessin très correct et réellement artistique, mais le sein est dessiné si
sommairement que, dans une œuvre par ailleurs honorable, cette défectuosité ne peut
être que voulue. L'artiste aura entendu ainsi éviter toute représentation réaliste.
Je n'insiste pas sur ces considérations, qui sont hypothétiques. Mais, là où le juge-
1. Ainsi, M. Strzygowski (Bull., p. 83) parle d'une obscône mânnliche Tonjlgur, trouvée dans le tombeau
d'une jeune fille chrétienne, à Antinoé. Le Catalogue du Musée de Berlin, où elle se trouve actuellement
(p. 397, n° 13730), la décrit ainsi : « figure peinte sur stuc, d'un garçon à genoux, priant (?), sans vêtements;
» une amulette au cou ». Qui pourra jamais reconnaître là une intention réelle d'obscénité ?
RECUEIL, XXXVII. — TROISIÈME SÉR., T. V.
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