( i8o
Doit-on faire abstraction de la longue période qui sépare la chute de Troie de l'ins-
tallation définitive de'|la puissance romaine en Asie, et croire que les Lélèges et les
iEoliens, qui ont succédé aux Troyens, dans ces contrées, n'ont laissé aucun monument
sépulcral en forme de tertre?
C'est ce que la plupart des auteurs modernes qui ont écrit sur la Troade paraissent
disposés à penser. La minorité se divise en deux camps : l'un partage la question , et
l'autre rejette entièrement l'idée que ces tombeaux remontent jusqu'à l'époque troyenne.
Les résultats des fouilles entreprises par les ordres du comte de Choiseul ont même été
contestés, et l'on a été jusqu'à supposer que l'israélite chargé d'y présider avait pu,
pour leur donner plus d'importance, y introduire des objets complètement étrangers au
monument.
Ma première préoccupation, en débarquant dans la Troade au commencement d'avril
i833, était donc d'éclaircir tout d'abord celte question, en opérant des fouilles dans
quelques-uns des tumulus les plus voisins de la cote.
J'arrivais dans les conditions les plus favorables pour cette opération, et qui ne se
sont jamais représentées depuis douze ou treize années. Une flotte française, commandée
par M. l'amiral Hugon, était stationnée au mouillage de Ténédos. Trois vaisseaux, trois
frégates et plusieurs bricks pouvaient me fournir, sur les ordres de l'amiral, un contingent
de travailleurs plus que suffisant pour reconnaître en peu de jours les constructions
intérieures de la plupart de ces tombeaux, et recueillir les objets d'art qu'ils auraient pu
contenir, s'ils n'ont pas tous été violés et dévastés à l'époque romaine. Les lettres du
ministre de la marine, M. l'amiral de Rigny, invitaient M. l'amiral à me donner en ce
genre tout l'appui nécessaire, comme je l'ai trouvé plus tard chez l'amiral Massieu de
Glerval pour étudier les ruines de Sipylus.
Malgré les appréhensions contraires qu'on avait manifestées à Paris, au moment de
mon départ, j'arrivais en Orient avec la persuasion que je n'éprouverais de la part des
Turcs aucune difficulté réelle pour me livrer à mes observations. Mais je n'avais pas à in-
voquer l'autorité de l'expérience, et je trouvai chez M. l'amiral peu de dispositions à secon-
der une impatience qui lui paraissait dangereuse. 11 craignait, en me donnant des mate-
lots pour opérer des fouilles, qu'il ne s'élevât entre les habitants et les Français quelque
conflit dont les conséquences eussent pu compromettre les résultats de ma mission; et tout
en m'offrant avec la plus grande obligeance les moyens nécessaires pour l'accomplir, il
croyait que le moment n'était pas venu d'opérer des fouilles en Troade, sans avoir au moins
l'assentiment du gouvernement turc. Je savais que quelques présents distribués à propos
aplanissaient plus facilement les difficultés que les ordres les plus positifs de la Porte;
mais que pouvait faire ma conviction contre les récits des voyageurs qui m'avaient pré-
cédé en Turquie, et qui se plaisaient à s'étendre sur les dangers que l'on courait en par-
courant cette contrée?
Plus tard, lorsqu'il me fut possible d'avoir du gouvernement de la Porte toutes les au-
torisations nécessaires, la flotte était partie; et je débutai en Asie par le regret de ne
pouvoir ajouter aucun fait nouveau à ce que mes prédécesseurs ont écrit sur la Troade.
L'investigation des tombeaux troyens donnerait pourtant le dernier mot de toutes ces
discussions sur l'origine et la destination des tertres, si souvent controversées. Il en est qui
certainement sont des sépultures des premiers temps helléniques; mais il en est d'au-
tres, tels que les tertres du Pergama, ceux auxquels on a donné le nom de Tombeaux
de Myrina et d'vEsyetès, qui auraient besoin d'une analyse plus complète pour être
classés définitivement comme époque et comme usage. N'a-t-on pas été jusqu'à dire que
Doit-on faire abstraction de la longue période qui sépare la chute de Troie de l'ins-
tallation définitive de'|la puissance romaine en Asie, et croire que les Lélèges et les
iEoliens, qui ont succédé aux Troyens, dans ces contrées, n'ont laissé aucun monument
sépulcral en forme de tertre?
C'est ce que la plupart des auteurs modernes qui ont écrit sur la Troade paraissent
disposés à penser. La minorité se divise en deux camps : l'un partage la question , et
l'autre rejette entièrement l'idée que ces tombeaux remontent jusqu'à l'époque troyenne.
Les résultats des fouilles entreprises par les ordres du comte de Choiseul ont même été
contestés, et l'on a été jusqu'à supposer que l'israélite chargé d'y présider avait pu,
pour leur donner plus d'importance, y introduire des objets complètement étrangers au
monument.
Ma première préoccupation, en débarquant dans la Troade au commencement d'avril
i833, était donc d'éclaircir tout d'abord celte question, en opérant des fouilles dans
quelques-uns des tumulus les plus voisins de la cote.
J'arrivais dans les conditions les plus favorables pour cette opération, et qui ne se
sont jamais représentées depuis douze ou treize années. Une flotte française, commandée
par M. l'amiral Hugon, était stationnée au mouillage de Ténédos. Trois vaisseaux, trois
frégates et plusieurs bricks pouvaient me fournir, sur les ordres de l'amiral, un contingent
de travailleurs plus que suffisant pour reconnaître en peu de jours les constructions
intérieures de la plupart de ces tombeaux, et recueillir les objets d'art qu'ils auraient pu
contenir, s'ils n'ont pas tous été violés et dévastés à l'époque romaine. Les lettres du
ministre de la marine, M. l'amiral de Rigny, invitaient M. l'amiral à me donner en ce
genre tout l'appui nécessaire, comme je l'ai trouvé plus tard chez l'amiral Massieu de
Glerval pour étudier les ruines de Sipylus.
Malgré les appréhensions contraires qu'on avait manifestées à Paris, au moment de
mon départ, j'arrivais en Orient avec la persuasion que je n'éprouverais de la part des
Turcs aucune difficulté réelle pour me livrer à mes observations. Mais je n'avais pas à in-
voquer l'autorité de l'expérience, et je trouvai chez M. l'amiral peu de dispositions à secon-
der une impatience qui lui paraissait dangereuse. 11 craignait, en me donnant des mate-
lots pour opérer des fouilles, qu'il ne s'élevât entre les habitants et les Français quelque
conflit dont les conséquences eussent pu compromettre les résultats de ma mission; et tout
en m'offrant avec la plus grande obligeance les moyens nécessaires pour l'accomplir, il
croyait que le moment n'était pas venu d'opérer des fouilles en Troade, sans avoir au moins
l'assentiment du gouvernement turc. Je savais que quelques présents distribués à propos
aplanissaient plus facilement les difficultés que les ordres les plus positifs de la Porte;
mais que pouvait faire ma conviction contre les récits des voyageurs qui m'avaient pré-
cédé en Turquie, et qui se plaisaient à s'étendre sur les dangers que l'on courait en par-
courant cette contrée?
Plus tard, lorsqu'il me fut possible d'avoir du gouvernement de la Porte toutes les au-
torisations nécessaires, la flotte était partie; et je débutai en Asie par le regret de ne
pouvoir ajouter aucun fait nouveau à ce que mes prédécesseurs ont écrit sur la Troade.
L'investigation des tombeaux troyens donnerait pourtant le dernier mot de toutes ces
discussions sur l'origine et la destination des tertres, si souvent controversées. Il en est qui
certainement sont des sépultures des premiers temps helléniques; mais il en est d'au-
tres, tels que les tertres du Pergama, ceux auxquels on a donné le nom de Tombeaux
de Myrina et d'vEsyetès, qui auraient besoin d'une analyse plus complète pour être
classés définitivement comme époque et comme usage. N'a-t-on pas été jusqu'à dire que