10NIE.
Si nous avons eu quelquefois à déplorer, dans le cours de nos pérégrinations, le man-
que absolu de documents originaux pour déterminer l'emplacement des villes et les noms
clés fleuves ou des montagnes, nous n'éprouvons pas la même difficulté pour la géogra-
phie de Flonie. Le texte de Strabon est en ce genre un modèle de précision et d'exacti-
tude; aussi les voyageurs qui, avant nous, ont parcouru l'Ionie, ont déterminé sans peine
les villes et les lieux les plus importants. Il restait une ou deux lacunes : nous avons
tenté de les combler en suivant pas à pas les indications du géographe grec. La première
est relative à la position d'Ortygie, l'autre à remplacement de l'ancienne Smyrne. J'ai
la persuasion que quiconque, connaissant le pays, voudra lire attentivement le texte de
Strabon, se rangera de mon avis. Les travaux de Ghandler et de Chishull ont beaucoup
abrégé les recherches géographiques qui restaient à faire de notre temps; mais comme
ces savants, dont le programme était tracé par la Société des Dilettanti de Londres, af-
fectaient un certain mépris pour les monuments anté-helléniques, il y a encore à recueil-
lir sur ce sujet bien des documents précieux pour l'histoire archaïque.
Avant l'arrivée des Ioniens en Asie, toute cette côte était occupée par trois peuples,
qui ont joué chacun un rôle différent vis à-vis des nouveaux colons. Les Pélasges, sans
être absolument nomades, étaient cependant répandus dans plusieurs parties des conti-
nents d'Asie et d'Europe. Ils avaient eu, dès les temps les plus reculés, des points de con-
tact multipliés avec les Grecs, si même ces deux peuples n'étaient pas d'une origine com-
mune. Us se sont soumis après une faible résistance, et ont été incorporés dans les
nouveaux centres de population. Les Léléges ont résisté également, mais ont fini par
succomber, et ont été anéantis. Aussi leur nom n'est-il prononcé par les historiens grecs
que comme celui de peuples hardis à la guerre, et ennemis de la civilisation. Enfin les
Gariens, qui passaient cependant pour avoir une teinture des lois de Minos, mais qui,
aux yeux des Grecs, n'en avaient pas moins conservé un vernis de barbarie assez pro-
noncé. Leur soumission aux rois de Lydie développa des germes de civilisation, que leur
contact constant avec les États grecs acheva de mûrir; mais il fallait des terres aux nou-
veaux colons, et les anciens possesseurs furent contraints de leur en céder; bien plus,
ils allèrent jusqu'à enlever les femmes de Carie, dont ils avaient fait périr tous les pa-
rents dans la ville de Milet (1).
Il est hors de doute que la puissance des rois de Lydie s'étendait alors jusqu'à la mer,
et que les peuplades que nous venons de nommer vivaient, sinon sous la juridiction
M Hérodote, liv. I, ch. CXLV.
Si nous avons eu quelquefois à déplorer, dans le cours de nos pérégrinations, le man-
que absolu de documents originaux pour déterminer l'emplacement des villes et les noms
clés fleuves ou des montagnes, nous n'éprouvons pas la même difficulté pour la géogra-
phie de Flonie. Le texte de Strabon est en ce genre un modèle de précision et d'exacti-
tude; aussi les voyageurs qui, avant nous, ont parcouru l'Ionie, ont déterminé sans peine
les villes et les lieux les plus importants. Il restait une ou deux lacunes : nous avons
tenté de les combler en suivant pas à pas les indications du géographe grec. La première
est relative à la position d'Ortygie, l'autre à remplacement de l'ancienne Smyrne. J'ai
la persuasion que quiconque, connaissant le pays, voudra lire attentivement le texte de
Strabon, se rangera de mon avis. Les travaux de Ghandler et de Chishull ont beaucoup
abrégé les recherches géographiques qui restaient à faire de notre temps; mais comme
ces savants, dont le programme était tracé par la Société des Dilettanti de Londres, af-
fectaient un certain mépris pour les monuments anté-helléniques, il y a encore à recueil-
lir sur ce sujet bien des documents précieux pour l'histoire archaïque.
Avant l'arrivée des Ioniens en Asie, toute cette côte était occupée par trois peuples,
qui ont joué chacun un rôle différent vis à-vis des nouveaux colons. Les Pélasges, sans
être absolument nomades, étaient cependant répandus dans plusieurs parties des conti-
nents d'Asie et d'Europe. Ils avaient eu, dès les temps les plus reculés, des points de con-
tact multipliés avec les Grecs, si même ces deux peuples n'étaient pas d'une origine com-
mune. Us se sont soumis après une faible résistance, et ont été incorporés dans les
nouveaux centres de population. Les Léléges ont résisté également, mais ont fini par
succomber, et ont été anéantis. Aussi leur nom n'est-il prononcé par les historiens grecs
que comme celui de peuples hardis à la guerre, et ennemis de la civilisation. Enfin les
Gariens, qui passaient cependant pour avoir une teinture des lois de Minos, mais qui,
aux yeux des Grecs, n'en avaient pas moins conservé un vernis de barbarie assez pro-
noncé. Leur soumission aux rois de Lydie développa des germes de civilisation, que leur
contact constant avec les États grecs acheva de mûrir; mais il fallait des terres aux nou-
veaux colons, et les anciens possesseurs furent contraints de leur en céder; bien plus,
ils allèrent jusqu'à enlever les femmes de Carie, dont ils avaient fait périr tous les pa-
rents dans la ville de Milet (1).
Il est hors de doute que la puissance des rois de Lydie s'étendait alors jusqu'à la mer,
et que les peuplades que nous venons de nommer vivaient, sinon sous la juridiction
M Hérodote, liv. I, ch. CXLV.