( *9* )
frayées. En partant de Tehangli, je commençai à monter au milieu d'une forêt composée
de chênes verts et d'arbres entrelacés, qui rendaient la route excessivement pénible.
Partis à trois heures, nous n'arrivâmes qu'à sept heures et demie au couvent, pour être
témoin du plus beau coucher du soleil qu'il fût possible de voir, car de Là la vue s'étend
sur les îles de Samos, Nicaria, Gliio, et se termine au nord par les montagnes élevées
du golfe de Smyrne. Scala-Nova paraît au loin comme une carte de géographie tracée
sur un fond bleu.
Nous trouvâmes sur le plateau les ruines de plusieurs petites églises byzantines,qui at-
testent qu'anciennement cet endroit était un lieu de pèlerinage. Aujourd'hui tout cela est
abandonné; mais l'église principale a été restaurée depuis peu, et l'évêque de Scala-
Nova, de qui elle dépend , y a installé un caloyer, qui vit avec deux autres familles
grecques. Suivant l'usage invariable, l'église est composée d'un pendentif porté sur quatre
colonnes. Le narthex était décoré de peintures qui sont aujourd'hui presque effacées.
C'est là que le caloyer m'étendit des nattes pour passer la nuit. Une source abondante
qui sort du rocher est regardée comme sainte par les Grecs : c'est ce qu'ils appellent
Agiasma.
Toute cette partie du Mycale est couverte de belles forêts, et, malgré l'incurie des Turcs,
qui n'ont pas la moindre idée de l'aménagement des bois, cette contrée offrirait encore
d'immenses ressources à une administration tant soit peu régulière. Ces propriétés pu-
bliques sont laissées à la merci des paysans, qui pour une très-faible rétribution peu-
vent abattre les grands arbres. Les nomades ne payent pas davantage pour avoir le droit
de pacage, qui est aussi ruineux pour les forêts que la dévastation de la hache. On voit
quelquefois les tribus de Yourouk campées sur un plateau, incendiant les arbres, lais-
sant leurs chèvres errer dans les taillis, et détruire toutes les jeunes pousses. L'année sui-
vante, les traces de ces ravages sont bien visibles, car tout est desséché autour du
campement.
Pendant mon séjour à Ortygie, le bruit s'était répandu qu'un léopard (kaplan) avait
cherché sa retraite dans le bois voisin du couvent. Ces animaux ne sont autres que de
grands chats sauvages assez inoffensifs pour l'homme. On cerna le lieu où Ton croyait la
bêle fauve retirée, on mit le feu au bois, et l'incendie dura plusieurs jours. Les nomades
croient aussi que l'incendie des broussailles excite la végétation de l'herbe. Il est pos-
sible que cela soit; mais il est certain que les terrains ainsi incendiés restent plusieurs
années sans rien produire.
Je n'étais pas arrivé au but de ma course. 11 s'agissait de visiter les ruines de ce château
de Fondoukli dont on m'avait parlé.
Le 3 septembre, au lever du soleil, à cinq heures du matin, Méhémel, qui se pro-
menait la lunette à la main sur l'esplanade du couvent, vint m éveiller en signalant la
corvette qui faisait route vers Scala-Nova. Nous montâmes à cheval, et je partis pour le
château. Après avoir erré plusieurs heures dans des défilés impénétrables, qui étaient
toujours dominés par ce château, je m'en approchai assez pour me convaincre que ce n e-
tait qu'un ouvrage byzantin qui ne méritait pas une pareille perte de temps. Je retour-
nai à Scala-Nova, et le lendemain 4, on commença à débarquer le matériel pour l'expédi-
tion de Magnésie.
lOMÏ 11. — /
74
frayées. En partant de Tehangli, je commençai à monter au milieu d'une forêt composée
de chênes verts et d'arbres entrelacés, qui rendaient la route excessivement pénible.
Partis à trois heures, nous n'arrivâmes qu'à sept heures et demie au couvent, pour être
témoin du plus beau coucher du soleil qu'il fût possible de voir, car de Là la vue s'étend
sur les îles de Samos, Nicaria, Gliio, et se termine au nord par les montagnes élevées
du golfe de Smyrne. Scala-Nova paraît au loin comme une carte de géographie tracée
sur un fond bleu.
Nous trouvâmes sur le plateau les ruines de plusieurs petites églises byzantines,qui at-
testent qu'anciennement cet endroit était un lieu de pèlerinage. Aujourd'hui tout cela est
abandonné; mais l'église principale a été restaurée depuis peu, et l'évêque de Scala-
Nova, de qui elle dépend , y a installé un caloyer, qui vit avec deux autres familles
grecques. Suivant l'usage invariable, l'église est composée d'un pendentif porté sur quatre
colonnes. Le narthex était décoré de peintures qui sont aujourd'hui presque effacées.
C'est là que le caloyer m'étendit des nattes pour passer la nuit. Une source abondante
qui sort du rocher est regardée comme sainte par les Grecs : c'est ce qu'ils appellent
Agiasma.
Toute cette partie du Mycale est couverte de belles forêts, et, malgré l'incurie des Turcs,
qui n'ont pas la moindre idée de l'aménagement des bois, cette contrée offrirait encore
d'immenses ressources à une administration tant soit peu régulière. Ces propriétés pu-
bliques sont laissées à la merci des paysans, qui pour une très-faible rétribution peu-
vent abattre les grands arbres. Les nomades ne payent pas davantage pour avoir le droit
de pacage, qui est aussi ruineux pour les forêts que la dévastation de la hache. On voit
quelquefois les tribus de Yourouk campées sur un plateau, incendiant les arbres, lais-
sant leurs chèvres errer dans les taillis, et détruire toutes les jeunes pousses. L'année sui-
vante, les traces de ces ravages sont bien visibles, car tout est desséché autour du
campement.
Pendant mon séjour à Ortygie, le bruit s'était répandu qu'un léopard (kaplan) avait
cherché sa retraite dans le bois voisin du couvent. Ces animaux ne sont autres que de
grands chats sauvages assez inoffensifs pour l'homme. On cerna le lieu où Ton croyait la
bêle fauve retirée, on mit le feu au bois, et l'incendie dura plusieurs jours. Les nomades
croient aussi que l'incendie des broussailles excite la végétation de l'herbe. Il est pos-
sible que cela soit; mais il est certain que les terrains ainsi incendiés restent plusieurs
années sans rien produire.
Je n'étais pas arrivé au but de ma course. 11 s'agissait de visiter les ruines de ce château
de Fondoukli dont on m'avait parlé.
Le 3 septembre, au lever du soleil, à cinq heures du matin, Méhémel, qui se pro-
menait la lunette à la main sur l'esplanade du couvent, vint m éveiller en signalant la
corvette qui faisait route vers Scala-Nova. Nous montâmes à cheval, et je partis pour le
château. Après avoir erré plusieurs heures dans des défilés impénétrables, qui étaient
toujours dominés par ce château, je m'en approchai assez pour me convaincre que ce n e-
tait qu'un ouvrage byzantin qui ne méritait pas une pareille perte de temps. Je retour-
nai à Scala-Nova, et le lendemain 4, on commença à débarquer le matériel pour l'expédi-
tion de Magnésie.
lOMÏ 11. — /
74