394 LETTRES DES PRINCES DE PRUSSE, etc.
LETTRE LL
de m. de voltaire,
AU LANDGRAVE DE H ESSE-CASSE L.
24 février.
monseigneur,
TL’aveugle remercie votre Altesse sérénissime
pour les roués et autres martyrs; votre bonne œuvre
pourra être récompensée dans le ciel, mais elle n’y
sera pas plus louée qu’elle l’est sur la terre. On va
juger incessamment le procès que la pauvre famille
Calas intente à leurs juges. 11 est vrai que cette abo-
minable aventure semble être du temps de la Saint-
Barthelemi, ou de celui des Albigeois. La raison a
beau élever son trône parmi nous, le fanatisme dresse
encore ses échafauds ; et il faut bien du temps pour
que la philosophie triomphe entièrement de ce
monstre.
J’ai encore à remercier votre Altesse sérénissime
d’avoir donné la préférence aux acteurs français sur
les châtrés italiens. Je n’ai jamais pu m’accoutumer
à voir les rôles de Cefar et d'Alexandre fredonnés en
fausset par un chapon. Vous avez bien raison de
faire plus de cas de votre cœur et de votre espnt
que de vos oreilles. Que n’ai-je de la santé et de la
jeunesse! j’irais à Cassel, et n’irais pas plus loin.
Agréez le profond rcspect, etc.