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RECUEIL DES LETTRES
LETTRE
C L I.
A M. T H I R I 0 T.
A Cirey, le r i septembre.
TT
V os lettres me font un plaisir extrême. Je vois que
l’amitié vous donne des sorces. Vous écrivez des dix
pages à votre ami , d’une main tremblante. Vous
me traitez comme le vin de Champagne , dont vous
buvez beaucoup avec un estomac faible.
Puisses-tu , 1er (que le destin ,
Le soir , pour t’éprouver , t’engage
Chez ta maîtresse ou ta catin ,
Trouver en toi-même courage ?
Je vous envoie ma réponse au cardinal Alberonî.
Elle m’avait échappé dernièrement dans mes paquets ;
je lui ai écrit, comme je fais à tout le monde, tout
naturellement ce que je pense. Si celui qui demanda,
tjiiid eft veritas , s’était adressé à moi , je lui aurais
répondu : veritas est ce que saune. Ce style contraint
et fardé , qui règne dans presque tous les livres qu’on
fait depuis cinquante ans, est la marque des esprits
faux, et porte un caractère deservitude que je déteste.
11 y a long-temps que j’ai parcouru ces Mémoires
du jeune tïA>qens. Ce petit drôle-là est libre. C’est
déjà quelque chose , mais malheureusement cette
bonne qualité , quand elle est seule , devient un
RECUEIL DES LETTRES
LETTRE
C L I.
A M. T H I R I 0 T.
A Cirey, le r i septembre.
TT
V os lettres me font un plaisir extrême. Je vois que
l’amitié vous donne des sorces. Vous écrivez des dix
pages à votre ami , d’une main tremblante. Vous
me traitez comme le vin de Champagne , dont vous
buvez beaucoup avec un estomac faible.
Puisses-tu , 1er (que le destin ,
Le soir , pour t’éprouver , t’engage
Chez ta maîtresse ou ta catin ,
Trouver en toi-même courage ?
Je vous envoie ma réponse au cardinal Alberonî.
Elle m’avait échappé dernièrement dans mes paquets ;
je lui ai écrit, comme je fais à tout le monde, tout
naturellement ce que je pense. Si celui qui demanda,
tjiiid eft veritas , s’était adressé à moi , je lui aurais
répondu : veritas est ce que saune. Ce style contraint
et fardé , qui règne dans presque tous les livres qu’on
fait depuis cinquante ans, est la marque des esprits
faux, et porte un caractère deservitude que je déteste.
11 y a long-temps que j’ai parcouru ces Mémoires
du jeune tïA>qens. Ce petit drôle-là est libre. C’est
déjà quelque chose , mais malheureusement cette
bonne qualité , quand elle est seule , devient un