î) È M. DE VOLTAIRE.
gg-i
LETTRE C L X X X L
A M. BERGER»
A Cirey, . . . février»
H/E succès de mes Américains est d’autant plus —
flatteur pour moi, mon cher Monsieur, qu’il justifie
votre amitié pour ma personne, et votre goût pour
mes ouvrages. J’ose vous dire que les sentimens
vertueux qui sont dans cette pièce sont dans mon
cœur; et c’est ce qui fait que je compte beaucoup
plus sur l’amitié d’une personne comme vous dont
je suis connu, que sur les suffrages d’un public tou-
jours inconstant, qui se plaît à élever des idoles pour
les détruire, et qui, depuis long-temps, passe la
moitié de l’année à me louer, et l’autre à me calom- .
nier. Je souhaiterais que l’indulgence avec laquelle
cet ouvrage vient d’être reçu, pût encourager notre
grand musicien Rameau à reprendre en moi quelque
confiance, et à achever son opéra de Samspn sur le
plan queje me suis toujours proposé. J’avais travaillé
uniquement pour lui. Je m’étais écarté de la route
ordinaire dans le poème, parce qu’il s’en écarte dans
la musique. J’ai cru qu’il était temps d’ouvrir une
carrière nouvelle à l’opéra, comme sur la scène tragi-
que. Ces beautés de Quinault et de LuUi sont devenues
des lieux communs. Il y aura peu de gens asfez hardis
pour conseiller à M. Rameau de faire de la musique
pour un opéra dont les deux premiers actes sont sans
gg-i
LETTRE C L X X X L
A M. BERGER»
A Cirey, . . . février»
H/E succès de mes Américains est d’autant plus —
flatteur pour moi, mon cher Monsieur, qu’il justifie
votre amitié pour ma personne, et votre goût pour
mes ouvrages. J’ose vous dire que les sentimens
vertueux qui sont dans cette pièce sont dans mon
cœur; et c’est ce qui fait que je compte beaucoup
plus sur l’amitié d’une personne comme vous dont
je suis connu, que sur les suffrages d’un public tou-
jours inconstant, qui se plaît à élever des idoles pour
les détruire, et qui, depuis long-temps, passe la
moitié de l’année à me louer, et l’autre à me calom- .
nier. Je souhaiterais que l’indulgence avec laquelle
cet ouvrage vient d’être reçu, pût encourager notre
grand musicien Rameau à reprendre en moi quelque
confiance, et à achever son opéra de Samspn sur le
plan queje me suis toujours proposé. J’avais travaillé
uniquement pour lui. Je m’étais écarté de la route
ordinaire dans le poème, parce qu’il s’en écarte dans
la musique. J’ai cru qu’il était temps d’ouvrir une
carrière nouvelle à l’opéra, comme sur la scène tragi-
que. Ces beautés de Quinault et de LuUi sont devenues
des lieux communs. Il y aura peu de gens asfez hardis
pour conseiller à M. Rameau de faire de la musique
pour un opéra dont les deux premiers actes sont sans