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La chronique des arts et de la curiosité — 1866

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Nr. 162 (9 décembre)
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LA CHRONIQUE DES ARTS

faire graver ce merveilleux Miroir du xvie siè-
cle, propriété de M. le comte de Montbrison, ou
ce Trépied ciselé par Gouthière, qui appartient
à M. le marquis d’Hertford? Cette branche de
l’art qui touche à la haute curiosité demandait
un artiste unique en son genre, comme M. Jules
Jacquemart, un artiste capable de prêter un
charme qu’on ne soupçonnait pointa l’imitation des
riches matières ouvrées par le génie de l’homme,
et qui sût faire sentir avec sa pointe et ses mor-
suresla densité du porphyre, la dure transparence
du cristal, le toucher caressant des laques, le froid
et le fin des porcelaines chinoises avec la délica-
tesse exquise de leurs plates peintures, le feu
des pierres précieuses, les veines et les reflets du
marbre, les surfaces chagrinées, guillochées, on-
dulées, mates ou luisantes, fouillées ou brunies,
de l’argent, de l’or et du bronze.

Si la direction de la Gazette ne nous imposait
pas le devoir d’assister à toutes les manifestations
officielles ou privées de l’art contemporain, les
succès de Salon ne seraient connus hors de Paris
que par les descriptions insuffisantes de la plume,
et nous n’aurions pas à offrir dans cet album la
Vague et la Perle de M. Baudry, le Fauconnier
de M. Fromentin, la Fin de la Journée deM. Jules
Breton, le Lac de M. Corot, si bien traduit par
M. Bracquemond, l’eau-forte originale de M. xMeis-
sonier et celles de MM. Jacque, Roybet et Dau-
bignv. Nous n’aurions pas non plus rencontré
l’occasion de faire graver par M. Rosotle le Romu-
lus de M. Ingres, et par M. Dien l'adorable Jeune
Fille au Chevreau du même maître.

Un recueil qui parle non-seulement de pein-
tures et de statues anciennes et modernes, mais
d’architecture, de céramique, d’orfèvrerie, de mé-
dailles, de monnaies, de nielles, d’ivoires, déter-
res cuites et de dessins originaux; un recueil qui
publie des notices biographiques et des portraits,
devait employer et former une légion de graveurs
qui peut-être eussent abandonné les voies natu-
relles de leurs talents variés pour satisfaire aux
exigences plus uniformes des éditeurs les plus re-
nommés. On peut dire même sans paradoxe que
l’urgence du travail a souvent tourné au profit
de l’art, et que telle planche enlevée en vingt-
quatre heures, par M. Flameng, comme Miss
Graham, serait peut être moins bien venue si
l’auteur, laissant refroidir sa verve dans les hési-
tations et les reprises, n’eût pas jeté son feu sur
le cuivre, au premier coup. S’il n’eût pas été
nécessaire à une revue de raconter ou de rappe-
ler à ses lecteurs la grande exhibition de Man-
chester, il est probable que personne en France
n’aurait publié la Vierge de Michel-Ange, si j
bien traduite, dans sa beauté souveraine, par j
M. François, ni la Miss Graham, ni le Elue Boy

de Gainsborough, interprétés avec tant de liberté
et de grâce par M. Flameng.

Si nous n’avions pas formé l’entreprise hardie
de pénétrer dans les galeries Pourtalès, de Morny,
de Luynes, Pereire, Double et Suermondt, dans
les salons de M. le comte Duchâtel, dans le cabi-
net de M. Thiers, dans celui de M. His de La
Salle et de quelques autres amateurs, le public
européen des dilettantes eût été privé de connaître
le Condottiere d’Antonello de Messine, reproduit
par M. Gaillard d’un burin si serré, si ferme,
si incisif; la Source de M. Ingres, maintenant
célèbre comme un chef-d’œuvre du graveur
d’après un chef-d’œuvre du peintre; le fameux
Doreur de Rembrandt ; la première pensée- de
Raphaël pour sa Belle Jardinière ; le Soldat et
la Fillette qui rit, tableau si merveilleusement
gravé par M. Jacquemart; le Marino Faller^
d’Eugène Delacroix; le Portrait d'un Gentil-
homme par AngeloBronzino, peinture rare etfière
qui n’a rien perdu dans l'excellente planche de
M. Deveaux; les Animaux au pâturage de
M. Maxime Lalanne (un maître en eau-forte)
d’après Berghem ; le Gatlamelata que M. Gail-
lard a gravé ou plutôt ciselé au burin d’après
Donatello; enfin, la Halte de M. Meissonier, ce
morceau sans prix qui semble se refléter dans
le cuivre de M. Flameng comme dans un miroir.

Les amateurs d’estampes qui trouveront le pré-
sent album digne d’orner leur collection, comme
renfermant des épreuves à grandes marges et de
premier choix, pourront se convaincre en les
feuilletant que les travaux de la Gazette des
Beaux-Arts représentent toutes les écoles, toutes
les époques, tous les styles, tous les genres ;
qu’aucun esprit de prévention ou d’exclusion n’a
présidé à la formation et au développement de ce
recueil. Et cependant la Gazette a montré assez
clairement que son éclectisme n’était pas de l’in-
différence en matière de beau; que ses prédilec-
tions étaient acquises aux plus grands maîtres,
aux traditions les plus hautes, au style le plus
pur ; qu’elle avait autant de foi dans les principes
que de goût pour la liberté des talents et la vérité
des physionomies. En publiant dans un journal
d’art, sous le nom de Grammaire des arts du
dessin, le traité d’esthétique le plus savant, le
plus remarquable par l’élévation des idées et le
plus attrayant par le charme du style, notre colla-
borateur M. Charles Blanc a donné un exemple
sans précédents; il a innové par une exception
que nous croyons unique dans l’histoire du jour-
nalisme. Ce sera pour nous une de nos joies les
plus vives que d’avoir pu aider à la publication
d’un livre qui, en fixant la langue des arts et en
déterminant les lois éternelles de l’architecture,
de la sculpture et de la peinture, est appelé à
 
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