Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

La chronique des arts et de la curiosité — 1866

DOI Heft:
Nr. 162 (9 décembre)
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.26565#0292
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
284

LA CHRONIQUE DES ARTS

lumineux paysage de Bonington et un triptyque
flamand, de la fin du xve siècle.

Parmi les curiosités, nous citerons des tapis-
series des Gobelins, des meubles du xviib siècle,
des plats en étain, des porcelaines de la Chine
et du Japon, des grès flamands, et de curieuses
faïences de Delft, de Rouen et de quelques autres
ateliers chers aux amateurs de céramique. —
L’exposition du cabinet de M. P. Hédouin aura
lieu le dimanche 9 décembre, et la vente, qui
sera dirigée par M. Barre, commencera le len-
demain.

Lundi prochain, 10 décembre, Me Delbergue-
Cormont adjugera les dessins de l’École française
et provenant de chez le sculpteur Falconet, ainsi
que nous l’annonçait récemment une lettre du di-
recteur du Musée de Nancy, M. Cournault. Il y
a, entre autres morceaux, une cinquantaine de
dessins ou croquis de Boucher et de Fragonard.

Le même jour, M° Delbergue adjuge un dessin
magistral de feu Varcollier, d’après la suave com-
position de H. Lelnnann, les Anges transportant
dans leurs bras le corps de sainte Catherine.

C’est annoncer chambre pleine. Ph. B.

ÉLOGE DU SCULPTEUR DURE!

PAR M. BEULÉ,

Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts.

(Suite.)

La sculpture décorative offrait à Duret un champ
plus vaste, où l’école française s’est illustrée à toutes
les époques. Le moyen âge a fixé sur nos monuments
un peuple de figures naïves ; la renaissance y a pro-
digué ses créations éblouissantes; le dix-huitième
siècle lui-même, dont le goût s’altérait, a excellé
dans cet art difficile. Duret possédait précisément la
sobriété et le tact qui rassurent un architecte, parce
qu’il sait que son œuvre, loin d’être altérée par les
empiétements du sculpteur, sera comprise, respectée,
rehaussée. S’il est un édifice où les deux arts doivent
s’unir étroitement, c’est celui où des statues se sub-
stituent aux colonnes pour soutenir des entablements
ou des frontons. Duret fut chargé à plusieurs reprises
d’exécuter des Cariatides : il en a fait pour le tom-
beau de l’Empereur, il en a fait pour le Louvre. Celles
du tombeau de l’Empereur sont deux figures viriles,
portant sur un coussin, l’une les attributs de la
puissance civile, l’autre les attributs de la force mi-
litaire. L'artiste s’est souvenu des géants du temple
d’Agrigente et des Télamons des bains de Pompéi; il
s’est inspiré aussi de Michel-Ange, devant un mo-
dèle aux formes athlétiques qui posait dans son
atelier. Cet éclectisme se produit dans les deux colos-
ses des Invalides. On y reconnaît des ajustements

antiques avec des réminiscences florentines et un
sentiment tout moderne de la nature.

Les cariatides du nouveau Louvre sont mieux con-
nues. Qui ne les a contemplées, sur le pavillon cen-
tral, fraternellement confondues avec celles de Simart?
Les deux artistes ont rappelé le style de la renaissance
et imité les statues scupltées, par Sarrazin sur la fa-
çade de Pierre Lescot. Les anciens voulaient que les
cariatides eussent la fermeté des colonnes; ils leur
donnaient une rectitude architecturale et une gravité
religieuse. Les maîtres du seizième siècle cherchent,
au contraire, le mouvement à tout prix; ils ont ima-
giné ces grandes jeunes filles, enlacées deux à deux,
si libres dans leurs attitudes, d’une grâce si aisée
qu’elles semblent jouer sous le fardeau. On dirait
deux sœurs dont l’une s’efface, rentre dans le mur, et
pousse, en avant son aînée, qu’elle exhorte à affronter
les regards. La postérité, pour qui les nuances n’exis-
tent plus, distinguera difficilement l’œuvre de Duret
et celle de Simart, parce qu’ils puisaient aux mêmes
sources et tendaient au môme but. Les figures de
Simart ont des draperies plus graves, des plis abon-
dants; celles de Duret sont plus vivantes, leurs vête-
ments tombent avec une cadence antique, les bords
sont découpés par les lignes les plus savantes.

Duret avait été mieux inspiré encore, lorsqu’il avait
décoré de figures allégoriques la salle des Sept-Che-
minées. On appelle ainsi la salle du Louvre où le
Naufrage de la Méduse fait face à Y Enlèvement des
Sabines. Au sommet règne une frise, composée de
quatorze Victoires, debout, les bras étendus, se re-
liant par les palmes et les couronnes qu’elles déposent
sur de grands médaillons. Les figures sont fines, spi-
rituelles, d’un goût exquis, merveilleusement pliées
à la décoration. Elles épousent la voûte, la caressent
de leurs grandes ailes, se courbent et se redressent
avec un sentiment monumental; légères, sans menace
pour la tôte des spectateurs, elles sont retenues par
leurs draperies qui ondulent et s’appliquent à la cor-
niche commme des flots mourants sur le uvage; elles
ont quelque chose d’aérien qui ajoute à la noblesse de
l’architecture. Semblables par la beauté, ces Victoires
sont d’une variété, d’une élégance, d’un style, qui les
font proclamer un véritable chef-d’œuvre.

Duret excellait dans la décoration; il en raisonnait
les principes ; l’étude des figurines de bronze ou de
terre cuite lui avait appris que, pour donner à la
sculpture un aspect monumental, il faut simplifier
les détails, appuyer sur les lignes essentielles, s’atta-
cher surtout aux masses et aux proportions. On
retrouve ces qualités dans son fronton du Louvre qui
représente la France protégeant ses enfants, dans la
Victoire du Sénat, dans la Loi du Palais de Justice,
dans la Justice de la place de la Bourse, statue em-
preinte d’une gravité allégorique, pleine de fermeté
et de grâces sévères.

Mais ce genre de sculpture ne satisfait l’artiste
qu’à demi ; il accepte un programme, c’est-à-dire des
idées qui ne sont pas les siennes; il se soumet aux
convenances les plus diverses. Aussi, tout en subissant
cette contrainte,aspire-t-il à l’indépendance; son ima-
gination poursuit les formes idéales qui flottent dans
un ciel libre. Duret se délassait dans ce monde de
 
Annotationen