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LA CHRONIQUE DES ARTS
<i prix du meilleur tableau représentant ce coui-
« bat.
« Le ministre do la Guerre invite celui de l'Inté-
« rieur à donner tous les ordres nécessaires pour
« que les dispositions de cet arrêté soient rem-
« plies. D'abord, il existe quelques difficultés qui
« s'opposent à son entière exécution. L'article 3
« viulait que l'état-major fit dessiner les costumes
« des différentes troupes et nations orientales qui
« se trouvèrent à ce combat, ce qui n'a pu être
a exécuté, puisqu'il n'y avait aucun artiste qui eût
u suivi l'expédition de Syrie.
ci Par la même raison, on ne pourra rendre
« compte du site et do la chaîne de montagnes du
ce Tabor qu'en consultant les voyageurs qui on ont
« donné la représentation (on croit qu'il on existe
« une vue dans le Dictionnaire de la Bible, par
ce Dom Galmet).
« Au reste, on sait que le citoyen Denon (1)
« communiquera volontiers tout co qu'il a pu des-
« siner de costumes en Ëgypte, mais, comme co
« n'était pas là le but de son ouvrage, les secours
ce qu'on pourra en tirer se réduiront à quelques
« coëiTures et caractères de pliisionomie do Mogrc-
« bins, Mccquins et Arabes et pou ou point de
« costumes en pied ainsi qu'il le faudrait pour un
ce tableau dont les figures doivent être do grandeur
ce naturelle.
ce Ouant aux armes et ustensiles si nécessaires
« dans un tableau do cette proportion, les peintres
« pourront recourir aux officiers do retour d'Égypte
ce qui ont été curieux d'en rapporter. Il en existe
ce assez à Paris pour ne rien laisser désirer à nos
« artistes à ce sujet.
ce Ce même article 3 invite le ministre de l'Inté-
ce rieur à envoyer les copies des costumes de Syrie
« (qui n'ont pas été dessinés, comme on l'a déjà
« dit) aux principaux peintres, non seulement de
« Paris, mais de Milan, Florence, Rome et Naples,
« qui, par conséquent, sont admis au concours du
« tableau demandé.
ii Le premier peintre de Naples est un paysa-
ce triste et incapable d'une si grande entreprise,
ce Appiani, de Milan, est un peintre aimable, mais
„ dont les productions sont jugées froides et sans
« cette énergie nécessaire à représenter un combat
« aussi animé qu'a dû l'être celui de Nazareth. Les
,, distractions de la guerre ont tout à fait éteint le
a crénie de la peinture, déjà si affaibli depuis cin-
ce quante ans à Rome, à Florence, et on ne sache
ce pas qu'il y ait, dans ces deux villes, un peintre
« digne d'être cité. 11 serait donc inutile de les ad-
« mettre au concours, d'autant que la plupart des
« artistes français sont dans l'inaction, malgré leur
« supériorité reconnue sur tous les peintres de
« l'Europe. Il est à craindre cependant quo ceux
ce qui ont le plus do mérite no veuillent pass'expo-
ce ser au hazaul d'un concours, ainsi qu'il vient
« d'arriver à l'occasion du monument à élever à
« Bordeaux, pour lequel plusieurs architectes très
h célèbres n'ont pas voulu présenter de projets.
« Les concours ont donc cet inconvénient do
« n'être souvent composés que d'artistes d'un talent
« inférieur, mais on ne pont éviter celui dont il
« s'agit.
« En conséquence, on propose au ministre 1 ar-
ii rèté suivant, dans lequel on a cherché, autant
(1) Directeur du musée du Louvre, alors Musée
Central des Arts.
« que possible, à applanir les difficultés qui se sont
« présentées. »
Tout ce rapport témoigne d'une confiance très
modérée dans les garanties offertes par de sembla-
bles concours. Non seulement on en qualifie le
résultat do hasardeux, mais encore on prétond en
exclure des peintres étrangers, pour ces deux rai-
sons contradictoires qu'ils sont incapables et quo
les nôtres sont dans l'inaction. L'auteur du rapport
craignait-il donc que les piètres artistes qu'au
rebours de l'usage il classait « hors concours »
ne l'emportassent, s'ils étaient admis à concourir,
sur les peintres français ? Co protectionnisme ma-
ladroit donnerait mal à penser de nos artistes du
commencement du siècle ou du jury qui devait
être appelé à les juger.
11 fut pourtant approuvé, et le ministre de l'In-
térieur prit un arrêté proposant une médaille (on
sait que ce mot ne signiûo pas autre chose quo
somme) do 12.000 fr. pour prix du meilleur tableau
représentant le combat de Nazareth.
Les Français devaient être costumés avec l'uni-
forme do la 3' d'infanterie légère et du 14- de dra-
gons. Le général do brigade Junot, les chefs de
brigade Duvivier, du 14" de dragons, et Desnoyers,
de 2° d'infanterie légère, devaient être placés sur
la toile.
« Le citoyen Denon, » disait encore l'arrêté, ci sera
« invité à communiquer aux artistes co qu'il a
« exécuté do costumes pendant son séjour en
« Egypte. »
Le délai laissé aux concurrents était do cinq
mois, du 20 avril au 16 septembre 1801.
A l'expiration do ce délai, le 10 octobre 1801, un
nouveau rapport fut présenté au ministre de l'In-
térieur ot approuvé par lui, en vue de l'adoption,
pour la formation du jury, du modo employé pour
le monument à élever à Bordeaux et pour la res-
tauration des bras du Laocoon, ce mode, disait
l'auteur du rapport, « étant celui qui présente le
« moins d'inconvénients dans un concours où il
« n'y a qu'un prix et où l'amour-propre et l'intérêt
« sout très excités. »
Il consistait dans la nomination d'une commis-
sion do quinze membres, dont un tiers serait
désigné, à la majorité des voix, par les concurrents
ot choisi parmi lej non concurrents, un tiers dési-
gne par l'Institut, et le dernier tiers, y compris le
président, choisi par le ministre, parmi les ofliciers
ayant quelque connaissance du dessin qui s'étaient
trouvés à cette affaire.
Il est intéressant de voir quels artistes ont eu la
faveur des concurrents.
Sur les neuf peintres nui avaient présenté l'es
esquisses et qui furent consultés pour la nomina-
tion des membres de la commission, six seulement
repondirent et une liste a été dressée d'après lours
votes, qui porte en tête les noms suivants :
Vincent, peintre, président do la classe de
Littérature et Beaux-Arts à l'institut... 5 voix
Moitte, sculpteur.............. 4 voix
Chaudet, sculpteur............ ..... 4 Voix
Vicn, sénateur.............. 3 Voix
David, peintre............... ... 3 voix
Gérard, peintre.......................... 3 vojx
Yernet, peintre..................... 3 voix
(Ces quatre derniers noms sont inscrits sur la
liste par ordre d'ancienneté.)
LA CHRONIQUE DES ARTS
<i prix du meilleur tableau représentant ce coui-
« bat.
« Le ministre do la Guerre invite celui de l'Inté-
« rieur à donner tous les ordres nécessaires pour
« que les dispositions de cet arrêté soient rem-
« plies. D'abord, il existe quelques difficultés qui
« s'opposent à son entière exécution. L'article 3
« viulait que l'état-major fit dessiner les costumes
« des différentes troupes et nations orientales qui
« se trouvèrent à ce combat, ce qui n'a pu être
a exécuté, puisqu'il n'y avait aucun artiste qui eût
u suivi l'expédition de Syrie.
ci Par la même raison, on ne pourra rendre
« compte du site et do la chaîne de montagnes du
ce Tabor qu'en consultant les voyageurs qui on ont
« donné la représentation (on croit qu'il on existe
« une vue dans le Dictionnaire de la Bible, par
ce Dom Galmet).
« Au reste, on sait que le citoyen Denon (1)
« communiquera volontiers tout co qu'il a pu des-
« siner de costumes en Ëgypte, mais, comme co
« n'était pas là le but de son ouvrage, les secours
ce qu'on pourra en tirer se réduiront à quelques
« coëiTures et caractères de pliisionomie do Mogrc-
« bins, Mccquins et Arabes et pou ou point de
« costumes en pied ainsi qu'il le faudrait pour un
ce tableau dont les figures doivent être do grandeur
ce naturelle.
ce Ouant aux armes et ustensiles si nécessaires
« dans un tableau do cette proportion, les peintres
« pourront recourir aux officiers do retour d'Égypte
ce qui ont été curieux d'en rapporter. Il en existe
ce assez à Paris pour ne rien laisser désirer à nos
« artistes à ce sujet.
ce Ce même article 3 invite le ministre de l'Inté-
ce rieur à envoyer les copies des costumes de Syrie
« (qui n'ont pas été dessinés, comme on l'a déjà
« dit) aux principaux peintres, non seulement de
« Paris, mais de Milan, Florence, Rome et Naples,
« qui, par conséquent, sont admis au concours du
« tableau demandé.
ii Le premier peintre de Naples est un paysa-
ce triste et incapable d'une si grande entreprise,
ce Appiani, de Milan, est un peintre aimable, mais
„ dont les productions sont jugées froides et sans
« cette énergie nécessaire à représenter un combat
« aussi animé qu'a dû l'être celui de Nazareth. Les
,, distractions de la guerre ont tout à fait éteint le
a crénie de la peinture, déjà si affaibli depuis cin-
ce quante ans à Rome, à Florence, et on ne sache
ce pas qu'il y ait, dans ces deux villes, un peintre
« digne d'être cité. 11 serait donc inutile de les ad-
« mettre au concours, d'autant que la plupart des
« artistes français sont dans l'inaction, malgré leur
« supériorité reconnue sur tous les peintres de
« l'Europe. Il est à craindre cependant quo ceux
ce qui ont le plus do mérite no veuillent pass'expo-
ce ser au hazaul d'un concours, ainsi qu'il vient
« d'arriver à l'occasion du monument à élever à
« Bordeaux, pour lequel plusieurs architectes très
h célèbres n'ont pas voulu présenter de projets.
« Les concours ont donc cet inconvénient do
« n'être souvent composés que d'artistes d'un talent
« inférieur, mais on ne pont éviter celui dont il
« s'agit.
« En conséquence, on propose au ministre 1 ar-
ii rèté suivant, dans lequel on a cherché, autant
(1) Directeur du musée du Louvre, alors Musée
Central des Arts.
« que possible, à applanir les difficultés qui se sont
« présentées. »
Tout ce rapport témoigne d'une confiance très
modérée dans les garanties offertes par de sembla-
bles concours. Non seulement on en qualifie le
résultat do hasardeux, mais encore on prétond en
exclure des peintres étrangers, pour ces deux rai-
sons contradictoires qu'ils sont incapables et quo
les nôtres sont dans l'inaction. L'auteur du rapport
craignait-il donc que les piètres artistes qu'au
rebours de l'usage il classait « hors concours »
ne l'emportassent, s'ils étaient admis à concourir,
sur les peintres français ? Co protectionnisme ma-
ladroit donnerait mal à penser de nos artistes du
commencement du siècle ou du jury qui devait
être appelé à les juger.
11 fut pourtant approuvé, et le ministre de l'In-
térieur prit un arrêté proposant une médaille (on
sait que ce mot ne signiûo pas autre chose quo
somme) do 12.000 fr. pour prix du meilleur tableau
représentant le combat de Nazareth.
Les Français devaient être costumés avec l'uni-
forme do la 3' d'infanterie légère et du 14- de dra-
gons. Le général do brigade Junot, les chefs de
brigade Duvivier, du 14" de dragons, et Desnoyers,
de 2° d'infanterie légère, devaient être placés sur
la toile.
« Le citoyen Denon, » disait encore l'arrêté, ci sera
« invité à communiquer aux artistes co qu'il a
« exécuté do costumes pendant son séjour en
« Egypte. »
Le délai laissé aux concurrents était do cinq
mois, du 20 avril au 16 septembre 1801.
A l'expiration do ce délai, le 10 octobre 1801, un
nouveau rapport fut présenté au ministre de l'In-
térieur ot approuvé par lui, en vue de l'adoption,
pour la formation du jury, du modo employé pour
le monument à élever à Bordeaux et pour la res-
tauration des bras du Laocoon, ce mode, disait
l'auteur du rapport, « étant celui qui présente le
« moins d'inconvénients dans un concours où il
« n'y a qu'un prix et où l'amour-propre et l'intérêt
« sout très excités. »
Il consistait dans la nomination d'une commis-
sion do quinze membres, dont un tiers serait
désigné, à la majorité des voix, par les concurrents
ot choisi parmi lej non concurrents, un tiers dési-
gne par l'Institut, et le dernier tiers, y compris le
président, choisi par le ministre, parmi les ofliciers
ayant quelque connaissance du dessin qui s'étaient
trouvés à cette affaire.
Il est intéressant de voir quels artistes ont eu la
faveur des concurrents.
Sur les neuf peintres nui avaient présenté l'es
esquisses et qui furent consultés pour la nomina-
tion des membres de la commission, six seulement
repondirent et une liste a été dressée d'après lours
votes, qui porte en tête les noms suivants :
Vincent, peintre, président do la classe de
Littérature et Beaux-Arts à l'institut... 5 voix
Moitte, sculpteur.............. 4 voix
Chaudet, sculpteur............ ..... 4 Voix
Vicn, sénateur.............. 3 Voix
David, peintre............... ... 3 voix
Gérard, peintre.......................... 3 vojx
Yernet, peintre..................... 3 voix
(Ces quatre derniers noms sont inscrits sur la
liste par ordre d'ancienneté.)