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La chronique des arts et de la curiosité — 1906

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Nr. 6 (10 Février)
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https://doi.org/10.11588/diglit.19761#0053
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ET DE LA CURIOSITE

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craindre qu'un jour vienne où il se trouvera
moins d'amateurs que d'exhibitions. Celles
qu'organisent les cercles n'ont pas à redouter
la tristesse d'un pareil destin ; leur succès de-
meure, pour longtemps encore, hors d'atteinte;
elles ont leur public assidu et enthousiaste ;
elles satisfont à la loi de convenance et s'adap-
tent d'exacte façon au goût de leurs visiteurs
attitrés ; les artistes et leurs juges partici-
pent d'un état d'àme commun ; il y a, de côté
et d'autre, le même souci de correction, la
même convoitise d'élégance châtiée.

(On pourrait rechercher dans quelles me-
sures nos doctrines pédagogiques, basées sur
les sciences exactes, préparent les artistes à
cette correction distinguée, et il n'est pas sans
profit d'opposer aux résultats de ce système
les avantages de la méthode de dessin in-
tuitif, si bien démontrés par les dessins des
élèves de M. Ouenioux, présentement réunis
à l'Ecole pratique d'enseignement mutuel des
Arts.)

Selon la coutume, les portraits forment le
principal du contingent des peintures assem-
blées rue Boissy-d'An glas : effigies d'apparat,
pour la plupart paraphées de signatures
illustres. Chez M. Humbert et chez M. Fran-
çois Flameng l'intention persiste de ressusci-
ter les grâces d'arrangement familières au
temps jadis, ens'aidant des leçons des Gains-
borough et des Lawrence; sans nier le béné-
fice des exemples d'outre-Manche, M. Jacques
Blanche s'attache davantage à surprendre le
naturel de ses modèles, et de là vient qu'en
ce milieu plutôt compassé ses ouvrages dé-
tonnent quelque peu par la liberté osée de
l'attitude ou du geste ; une image de jeune
tille clans un jardin a inspiré fort à souhait
M. Maxence et je note, au passage, que, parmi
les portraits féminins de M. Léon Bonnat, il
n'en est guère de préférable à celui de la
Comtesse du Laur, où la mâle robustesse
du peintre s'est, en quelque sorte, attendrie ;
patiemment, M. Gabriel Ferrier continue le
vieux Dernier, durant que d'autres propo-
sent, comme lin à leur savoir, la poursuite
d'une tradition plus récente et plus française :
M. Dagnan-Bôuveret s'affilie, pour l'instant,
à Gabanel et à M. Hébert, et l'honneur n'est
pas mince pour M. Aimé Morot, j'imagine, de
prolonger parmi nous la survivance d'Elie
Delaunay, grâce à un Portrait du pasteur
Gensoul, de classique et vraiment fière allure.
Cet inventaire dressé, toute latitude est lais-
sée de priser à loisir tels tableaux deMM.Roll,
Lagarde, Doigneau, Pierre Bracquemond, et
d'un nouveau venu, M. Pedro Gil, où l'effort
est moins tendu, l'autorité de la science moins
humiliante, où l'on goûte bonnement la joie
de peindre et l'émotion de l'artiste en com-
munion directe avec la nature.

Par ce temps de froid et de brume, le Salon
de l'Ecole française, exilé aux Champs-
Elysées, offre l'aspect morne d'un désert,
d'un steppe. Sur un total de neuf cents ou-
vrages, combien peu se recommandent d'un
réel intérêt! Hormis quelques peintures de
MM. H.-A. Thomas, Huet, Boudot-Lamotte,
Cassard, il n'est guère que les estampes et les
créations de l'art appliqué pour contenir en

soi des éléments d'un peu durable séduction ;
encore le commerce avec MM. Lecouteux,
Habert Dys, Feuillàtre, Hestaux, demeure-t-il,
sinon sans agrément, du moins sans nou-
veauté. L'ensemble laisse le souvenir d'une
réunion inutile et composite, car la seule
volonté d'étaler ne saurait établir de lien suf-
fisant enlre des œuvres souverainement dis-
parates. Si le Salon de l'Ecole française veut
survivre et légitimer son titre, qu'il révèle
les talents provinciaux ignorés à Paris et
méconnus dans leurs pays d'origine dès qu'ils
s'autorisent des plus élémentaires libertés.
Songez qu'il a fallu attendre la dernière Expo-
sition centennale pour que Paris fût initié à la
gloire de Ravier, de Vernay et de Carrand !

Du moins, aux Arts réunis, la tenue de
l'ensemble ne laissait-elle pas d'être homo-
gène; les talents dignes d'estime s'y assortis-
saient à souhait; on discerne sans peine
quelles affinités conseillent à MM. Henri
Royer, Triquet, Guinier, Riedel, et à MM.
Maillaud, Toussaint, Dambeza et Remond de
demeurer fidèles à ce périodique rendez-vous.
Les Arts réunis ont leur aquarelliste : M. Lé-
chât; leurs statuaires : MM. Boverie, Michel
Cazin, Ségoffin (très vivant Buste de M. Har-
pignies); leur graveur: notre collaborateur
M. Mayeur; leurs poètes de la matière fas-
tueuse ou humble : MM. Maurice Dufrêne,
Feuillàtre, Haron ; leur humoriste, M. De-
vambez, dont la fantaisie divertit délicieu-
sement; enfin, pour président ils se sont
donnés un peintre de fleurs qui touche cette
fois à la maîtrise, M. Gaston Lecreux.

Un Salon de la miniature avait précédé,
chez Georges Petit, cette troisième exposition
des Arts réunis. Le regain de faveur dont
jouit la miniature est un signe évident de la
réaction contre le photographisme à outrance.
C'est affaire aux artistes de justifier leur
revendication par une interprétation de la
réalité expressive, personnelle et libre. Mmo
Debillemont-Chardon, Mmo Matrod-Desmurs,
Mmc Rossert, Mmc Gallet-Lévadé concilient la
volonté de caractérisation avec le respect des
règles spéciales à leur art. Ce n'est pas à
faire œuvre de portraitiste que tend Mme
Leone Georges ; elle s'inspire de la Comédie
italienne et des mascarades chères à Longhi ;
elle suit le caprice et la fantaisie de l'ima-
gination; elle sourit, elle badine, elle 1 aille,
et l'amusement qu'elle procure garde tou-
jours le charme précieux des grâces les plus
subtiles.

Des souvenirs d'Artois et de Flandre ; la
campagne embrumée et prête au sommeil, à
l'heure du crépuscule ; la petite ville du Nord
avec ses rues calmes où passent, comme des
ombres, les sœurs noires et blanches ; les
communiantes s'oifrant au baiser de la supé-
rieure, et toutes graves sous leur clair voile
de mousseline; des enfants qui se jouent
parmi les blés et les coquelicots; le logis
ancestral, avec ses contrevents verts et ses
vieux lauriers d'un rose pâli ; des visages
amis, aimés; d'humbles fleurs, dont l'éclat
s'atténue dans la pénombre du foyer : tels
 
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