ORNEMENTS PEINTS ET SCULPTÉS.
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de monuments profanes qui nous restent de notre époque préférée, nous n'aurions jamais su
nous faire une juste idée de ses éléments de succès dans la décoration, si la peinture sur verre
ne nous l'avait montré sous un aspect nouveau, que la sculpture, la ciselure et les tissus, la pein-
ture en émail, la peinture murale etcelle des miniatures ne nous permettaient que d'entrevoir.
Il est aisé de se figurer, en étudiant les vitraux peints antiques, gloire privilégiée de notre sol,
ce que l'art ogival eût pu introduire de splendeur et de goût distingué dans l'ameublement,
si, comme fart classique des Grecs, ou notre art moderne, il avait eu pour but d embellir la vie
humaine plutôt que d'exalter le sentiment divin. Le premier architecte delà Sainte-Chapelle
de Paris, M. Duban, de l'Institut, demandait un jour à une femme d'esprit quelle avait été son
impression en entrant dans le sanctuaire de saint Louis. '< J'ai cru voir, lui dit-elle , un im-
mense cachemirejeté du ciel sur les épaules delà Vierge. " L'image étaitflatteuse et vraie Les
verrières de Bourges et de Chartres, celles de Sens et de Cantorbéry semblent de loin des tissus
de pierreries suspendus sur les murs, et de près l'on dirait des parterres de fleurs fraîchement
écloses.
A mesure que l'onétudiedavantage, au milieu des ornements, les scènes renfermées dans les
médaillons, l'œil parvient à s'en rendre compte et se familiarise avec ce que la simplicité des
procédés primitifs a de trop rude pour des yeux habitués aux effets de la peinture avancée. On
sait que le système exclusivement adopté aux xiietxnf siècles était celui des teintes plates re-
levées par de simples traits noirs et encadrées dans des résilles de plomb , soutenues par une
ossature en fer à compartiments variés. Ce système ne répondait pas seulement à une écono-
mie nécessaire, il satisfaisait pleinement au point de vue de l'effet général. Toute peinture ar-
chitecturale qui reste dans son rôle subalterne, au lieu de devenir son propre but, doit être
sobre de réalité et s exprimer par des profils plutôt que par un modelé visantà l'illusion. Ainsi
1 entendait l'art classique des anciens, et leur tact se montra en ceci aussi exquis qu'en tout le
reste. Quand le goût public demande autre chose, c'est qu il s'est affaibli en se raffinant, et que
l'amour des détails absorbe l'attention due à l'ensemble. Cependant, tout en reconnaissant la
parfaite convenance du système à teintes plates des vitraux peints du xtif siècle et le bonheur
d'un bon nombre de compositions, nous ne dissimulerons pas que les scènes des médaillons
laissent souvent à désirer un dessin plus correct, des mouvements plus naturels et une vérité
plus sensible. Dans l'ornementation , au contraire, à peine la critique la plus sévère pourrait-
elle trouver prise. C'est surtout quand on s'est procuré, comme je l'ai fait, le plaisir de recueil-
lir une à une les charmantes compositions des mosaïques, des fleurons, des roses ou des bor-
dures, et de classer dans ses cartons , comme le naturaliste dans son herbier , les variétés de
cette flore éblouissante, que I on comprend l'inépuisable fécondité des grands artistes auteurs
de nos verrières. Pour ma part, lorsque avec une facile persévérance j eus réuni toutes ces fa-
milles et ces genres de fleurs écloses sous le souffle du génie dans la cathédrale de Bourges , je
IY. 12
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de monuments profanes qui nous restent de notre époque préférée, nous n'aurions jamais su
nous faire une juste idée de ses éléments de succès dans la décoration, si la peinture sur verre
ne nous l'avait montré sous un aspect nouveau, que la sculpture, la ciselure et les tissus, la pein-
ture en émail, la peinture murale etcelle des miniatures ne nous permettaient que d'entrevoir.
Il est aisé de se figurer, en étudiant les vitraux peints antiques, gloire privilégiée de notre sol,
ce que l'art ogival eût pu introduire de splendeur et de goût distingué dans l'ameublement,
si, comme fart classique des Grecs, ou notre art moderne, il avait eu pour but d embellir la vie
humaine plutôt que d'exalter le sentiment divin. Le premier architecte delà Sainte-Chapelle
de Paris, M. Duban, de l'Institut, demandait un jour à une femme d'esprit quelle avait été son
impression en entrant dans le sanctuaire de saint Louis. '< J'ai cru voir, lui dit-elle , un im-
mense cachemirejeté du ciel sur les épaules delà Vierge. " L'image étaitflatteuse et vraie Les
verrières de Bourges et de Chartres, celles de Sens et de Cantorbéry semblent de loin des tissus
de pierreries suspendus sur les murs, et de près l'on dirait des parterres de fleurs fraîchement
écloses.
A mesure que l'onétudiedavantage, au milieu des ornements, les scènes renfermées dans les
médaillons, l'œil parvient à s'en rendre compte et se familiarise avec ce que la simplicité des
procédés primitifs a de trop rude pour des yeux habitués aux effets de la peinture avancée. On
sait que le système exclusivement adopté aux xiietxnf siècles était celui des teintes plates re-
levées par de simples traits noirs et encadrées dans des résilles de plomb , soutenues par une
ossature en fer à compartiments variés. Ce système ne répondait pas seulement à une écono-
mie nécessaire, il satisfaisait pleinement au point de vue de l'effet général. Toute peinture ar-
chitecturale qui reste dans son rôle subalterne, au lieu de devenir son propre but, doit être
sobre de réalité et s exprimer par des profils plutôt que par un modelé visantà l'illusion. Ainsi
1 entendait l'art classique des anciens, et leur tact se montra en ceci aussi exquis qu'en tout le
reste. Quand le goût public demande autre chose, c'est qu il s'est affaibli en se raffinant, et que
l'amour des détails absorbe l'attention due à l'ensemble. Cependant, tout en reconnaissant la
parfaite convenance du système à teintes plates des vitraux peints du xtif siècle et le bonheur
d'un bon nombre de compositions, nous ne dissimulerons pas que les scènes des médaillons
laissent souvent à désirer un dessin plus correct, des mouvements plus naturels et une vérité
plus sensible. Dans l'ornementation , au contraire, à peine la critique la plus sévère pourrait-
elle trouver prise. C'est surtout quand on s'est procuré, comme je l'ai fait, le plaisir de recueil-
lir une à une les charmantes compositions des mosaïques, des fleurons, des roses ou des bor-
dures, et de classer dans ses cartons , comme le naturaliste dans son herbier , les variétés de
cette flore éblouissante, que I on comprend l'inépuisable fécondité des grands artistes auteurs
de nos verrières. Pour ma part, lorsque avec une facile persévérance j eus réuni toutes ces fa-
milles et ces genres de fleurs écloses sous le souffle du génie dans la cathédrale de Bourges , je
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