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FRAGMENTS D'UNE STATUE EN MARBRE D’ANCIEN
STYLE ATTIQUE.
un fragment d’une statue placée comme offrande par un particulier, soit dans un sanc-
tuaire, soit sur un tombeau1. Dans le cas présent, l’hypothèse d’une statue-portrait,
destinée à décorer un tombeau, me paraît, je l’avoue, fort séduisante. M. Loeschcke a
réuni tout un ensemble de faits prouvant que l’habitude d'ériger sur les tombeaux des
statues représentant le mort, était très répandue en Attique au vie siècle1 2, il rappelle
que, dans le décret de Solon auquel Cicéron fait allusion dans le De legibus (II, 26), il
est fait mention des columnae, qui sont des <ruï)Aat, et des monumenici, qui sont des
y.vy]pava, c'est-à-dire des statues. Les observations faites sur certaines bases de monu-
ments funéraires attiques prouvent d’ailleurs qu’elles ont supporté des statues et non
des stèles3, et ces remarques ont conduit M. Loeschcke à supposer que telle de ces
statues, comme celle de Xénophantos, avait sans doute le type des figures archaïques
désignées sous le nom d’Apollon. La conjecture de M. Loeschcke emprunte une nouvelle
force aux recherches faites par M. Milchhoefer sur l’emplacement où a été trouvé le soi-
disant Apollon de Ténéa; il parait prouvé que la statue décorait un tombeau4. Est-il
téméraire d’admettre que la statue d'Athènes avait la même destination? S’il en était
ainsi, l’hypothèse du savant archéologue de Dorpat se trouverait justifiée par un monu-
ment dont l’origine attique n’est pas douteuse, et le Louvre posséderait le premier
spécimen connu d'une statue funéraire d’ancien style athénien reproduisant un type très
fréquent dans la Grèce du nord, dans la Grèce centrale et dans les îles.
Ces conclusions ne peuvent être présentées qu’avec réserve. Tout au moins le style des
fragments nous permet d’en déterminer avec plus de confiance la date approximative. Si
la statue de Ténéa, comme on l’admet généralement, doit être placée vers le milieu du
vie siècle, celle d’Athènes ne saurait être de beaucoup postérieure à cette date. On y
retrouve en effet les mêmes contrastes entre le travail encore conventionnel de la tête et
l’exécution très poussée et très étudiée des parties inférieures. D’autre part, la tête du
Louvre semble bien appartenir à la même école que les marbres attiques énumérés plus
haut; elle offre surtout des analogies avec la tète d’athlète de la collection Rampin, que
O. Rayet place entre les années 550 et 520. Sans vouloir préciser outre mesure, c'est à
la même période que nous reporterions volontiers les fragments du Louvre. Personne
n’hésitera à y reconnaître une œuvre de la première école attique, contemporaine de
Pisistrate et de ses fils, et dont l’histoire s’éclaire tous les jours, grâce aux découvertes
de la Société archéologique d’Athènes. Si, comme nous le croyons, le type de la statue
est de ceux que traitent avec prédilection les artistes formés à l’école des maîtres crétois,
il n’y a là rien qui doive nous surpendre. A mesure qu’on la connaît mieux, on constate
que l’école attique du vie siècle s’est formée sous des influences assez complexes; elle
1. Furhvaengler : Collection Sabouroff, pi. ni et iv.
2. Loeschcke, Allatlische Grabslclen-, Millheümgen des
arcli. Insl., 4879, p. 36 et 289.
3. Voir les exemples cites par M. Loeschcke, p. 300.
Base avec la signature ’Aptcmwv p. ’ i~ortaev : Loewy, Inschr.
griech. Bildh., n° 1 1. Autre base avec la signature du même
sculpteur, Aptattwv IIàpi[o? p’s7tdr(a]s : Loewy, op. /.,
u° 12. Stèle de Xénophantos: Kirchhoff, Abhandl. der Berl.
Akademie, 1873; Koumanoudis, ’Eo. ’Apy ., 1874. p. 484.
4. Milchhoefer, Arc h. Zeilung, 1881, p. 54.
FRAGMENTS D'UNE STATUE EN MARBRE D’ANCIEN
STYLE ATTIQUE.
un fragment d’une statue placée comme offrande par un particulier, soit dans un sanc-
tuaire, soit sur un tombeau1. Dans le cas présent, l’hypothèse d’une statue-portrait,
destinée à décorer un tombeau, me paraît, je l’avoue, fort séduisante. M. Loeschcke a
réuni tout un ensemble de faits prouvant que l’habitude d'ériger sur les tombeaux des
statues représentant le mort, était très répandue en Attique au vie siècle1 2, il rappelle
que, dans le décret de Solon auquel Cicéron fait allusion dans le De legibus (II, 26), il
est fait mention des columnae, qui sont des <ruï)Aat, et des monumenici, qui sont des
y.vy]pava, c'est-à-dire des statues. Les observations faites sur certaines bases de monu-
ments funéraires attiques prouvent d’ailleurs qu’elles ont supporté des statues et non
des stèles3, et ces remarques ont conduit M. Loeschcke à supposer que telle de ces
statues, comme celle de Xénophantos, avait sans doute le type des figures archaïques
désignées sous le nom d’Apollon. La conjecture de M. Loeschcke emprunte une nouvelle
force aux recherches faites par M. Milchhoefer sur l’emplacement où a été trouvé le soi-
disant Apollon de Ténéa; il parait prouvé que la statue décorait un tombeau4. Est-il
téméraire d’admettre que la statue d'Athènes avait la même destination? S’il en était
ainsi, l’hypothèse du savant archéologue de Dorpat se trouverait justifiée par un monu-
ment dont l’origine attique n’est pas douteuse, et le Louvre posséderait le premier
spécimen connu d'une statue funéraire d’ancien style athénien reproduisant un type très
fréquent dans la Grèce du nord, dans la Grèce centrale et dans les îles.
Ces conclusions ne peuvent être présentées qu’avec réserve. Tout au moins le style des
fragments nous permet d’en déterminer avec plus de confiance la date approximative. Si
la statue de Ténéa, comme on l’admet généralement, doit être placée vers le milieu du
vie siècle, celle d’Athènes ne saurait être de beaucoup postérieure à cette date. On y
retrouve en effet les mêmes contrastes entre le travail encore conventionnel de la tête et
l’exécution très poussée et très étudiée des parties inférieures. D’autre part, la tête du
Louvre semble bien appartenir à la même école que les marbres attiques énumérés plus
haut; elle offre surtout des analogies avec la tète d’athlète de la collection Rampin, que
O. Rayet place entre les années 550 et 520. Sans vouloir préciser outre mesure, c'est à
la même période que nous reporterions volontiers les fragments du Louvre. Personne
n’hésitera à y reconnaître une œuvre de la première école attique, contemporaine de
Pisistrate et de ses fils, et dont l’histoire s’éclaire tous les jours, grâce aux découvertes
de la Société archéologique d’Athènes. Si, comme nous le croyons, le type de la statue
est de ceux que traitent avec prédilection les artistes formés à l’école des maîtres crétois,
il n’y a là rien qui doive nous surpendre. A mesure qu’on la connaît mieux, on constate
que l’école attique du vie siècle s’est formée sous des influences assez complexes; elle
1. Furhvaengler : Collection Sabouroff, pi. ni et iv.
2. Loeschcke, Allatlische Grabslclen-, Millheümgen des
arcli. Insl., 4879, p. 36 et 289.
3. Voir les exemples cites par M. Loeschcke, p. 300.
Base avec la signature ’Aptcmwv p. ’ i~ortaev : Loewy, Inschr.
griech. Bildh., n° 1 1. Autre base avec la signature du même
sculpteur, Aptattwv IIàpi[o? p’s7tdr(a]s : Loewy, op. /.,
u° 12. Stèle de Xénophantos: Kirchhoff, Abhandl. der Berl.
Akademie, 1873; Koumanoudis, ’Eo. ’Apy ., 1874. p. 484.
4. Milchhoefer, Arc h. Zeilung, 1881, p. 54.