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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.1859

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Nr.3
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Mantz, Paul: Salon de 1859, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16987#0130

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130 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

cher, le plaisir qu'elles ne lui donnent pas toujours. Les artistes ne se
croient point obligés de produire plus vite qu'ils ne doivent le faire,
puisque, jamais dans l'histoire de l'École française, on n'a vu éclore des
œuvres plus cherchées et plus amoureusement finies; enfin, si l'art n'est
pas toujours de bon aloi, si la grandeur et le style manquent aux créations
modernes, la faute ne saurait équitablement en être reprochée aux
expositions, innocentes d'une situation qu'elles n'ont pas faite, mais dont
le danger, d'ailleurs trop réel, a déjà été signalé tant de fois.

Lorsqu'un médecin mandé dans une maison inquiète, s'approche du
lit du patient, l'interroge, et s'en va en hochant tristement la tète, ce
n'est pas au médecin qu'il faut en vouloir. L'Ecole française, dont l'état
préoccupe avec raison tant de bons esprits, est pareille à ce malade. Les
expositions constatent le péril ; elles ne le créent pas. Qui oserait dire que
le mal avoué ne vaut pas mieux que la plaie secrète? Tous les deux ans,
l'art que nous aimons se montre à tous dans la vérité de sa situation ; il
appelle à lui les experts et ceux qui ne le sont pas, les amateurs et le
public, et les critiques eux-mêmes, pauvres empiriques qui n'ont jamais
guéri personne. Chacun alors donne son avis : les contradictions abondent,
les banalités se multiplient; mais parmi tant de conseils, si généreuse-
ment offerts, pourquoi une bonne parole ne serait-elle pas dite, un
remède salutaire indiqué, et qui sait? de tel mot jeté au hasard par un
passant l'art saura peut-être faire son profit!

Une nation qui a quelque souci de sa gloire doit d'ailleurs quelque
chose, que dis-je? elle doit beaucoup à ses artistes. Lorsque, par une
combinaison savante de lignes ou de couleurs, le peintre est parvenu à
traduire une impression morale, lorsque, à force de travail et d'adresse,
le sculpteur a pu assouplir le marbre au point de lui faire exprimer une
idée, leur premier rêve à l'un et à l'autre et peut-être leur premier droit,
c'est d'appeler la foule à contempler l'ouvrage achevé, parfois pour
recevoir d'elle un conseil, souvent pour lui donner un enseignement
sévère, ou seulement une distraction et un spectacle. Quoi de plus juste
(pie l'artisan d'un chef-d'œuvre reçoive pour prix de sa peine aujour-
d'hui un commencement cle renommée, et demain, s'il en est jugé digne,
le laurier définitif qui sied aux fronts victorieux. Or, à ces lutteurs
ardents à l'éloge, à ces naïfs travailleurs qui croient encore à la gloire,
quel moyen de publicité pouvez-vous offrir qui soit meilleur que ces expo-
sitions solennelles, nobles concours où les prix se disputent sous une
impartiale lumière, et qui ont pour spectateurs et pour juges, au premier
rang les rivaux, les amis, la grande critique française, et, plus loin, l'Eu-
rope inquiète et attentive?
 
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