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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.1859

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Nr.3
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Viollet-le-Duc, Eugène-Emmanuel: Requète adressée aux parisiens par un étranger
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https://doi.org/10.11588/diglit.16987#0165

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REQUÊTE ADRESSÉE AUX PARISIENS

PAR UN ÉTRANGER

Je suis Parisien et j'avoue que j'aime Paris. Paris est une ville bien plantée,
acile à comprendre, facile à parcourir ; le moindre rayon de soleil lui donne
la vie, la jeunesse, la gaieté. À Paris les brouillards d'automne me plaisent,
lorsqu'ils laissent voir les grandes lignes des quais à travers leurs ondes.
Il y a quelques années, après avoir été passer un mois en Angleterre, je
rentrais à Paris par un brillant soleil de juin. Paris me fit alors l'effet que
j'éprouvai en arrivant à Palerme il y a vingt ans. Je lui trouvai l'air d'une
jolie ville méridionale toute éclatante de lumière, coquette, adroite; ses
maisons me semblaient des palais, ses cafés de délicieux réduits, abrités,
frais et luisants de propreté. Sa poussière était embaumée ; ses habitants
plus empressés de jouir du soleil que de s'occuper de leurs affaires. Je
trouvais aux monuments des tons ravissants ; leurs ombres étaient bleues,
leurs lumières dorées. Ce jour-là, je compris pourquoi les Anglais affluent
à Paris pendant la saison d'été; je compris cette réponse d'un de mes
amis, chanoine de Tolède. Il était venu passer six mois à Paris ; la veille
de son départ, il entre chez moi, pâle, l'air consterné, « Eh! qu'avez-vous
ce matin? lui dis-je. — Je pars, mon cher, je retourne à Tolède... ; il le
faut, je n'ai plus que juste la somme nécessaire pour faire le voyage. —
Mais il n'y a pas là de quoi prendre une figure si lugubre ! Seriez-vous
amoureux? Quelque Parisienne... — Hélas! oui, mon ami, je suis amou-
reux, et je ne saurais décider ma maîtresse à me suivre en Espagne ; je suis
amoureux de Paris, j'aime ses boulevards le soir, ses quais le matin,
j'aime sa rivière si douce (il est des ponts que je parcours dix fois de
suite); son murmure perpétuel est la plus délicieuse harmonie pour moi,
les cris de ses marchands sont des mélodies dont le souvenir me pour-
suivra partout. Je pars avec la certitude qu'à Tolède j'aurai le mal de
Paris. » Mon ami le chanoine disait vrai : de retour en Espagne, il m'é-
crivit des lettres pleines de la plus vive tendresse... pour Paris. Depuis
lors, tous les ans, il prétexte un voyage de santé aux eaux des Pyrénées,
 
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