Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (6.1860)

CORRESPONDANCE D'AN VERS.

Comme je l'ai dit plus haut, ce dernier met peu d'importance au choix du sujet, qui
n'est pour lui qu'un prétexte à donner carrière à l'exubérance de sa palette. Jusqu'à
présent le public s'était montré satisfait de cette manière de comprendre l'art, mais ce
môme public devient plus exigeant, et il veut maintenant qu'on plaise à son cœur autant
qu'à ses yeux. De là, une certaine révolution dans notre école, elle rentre en elle-même,
elle s'étudie, elle cherche et elle trouvera; mais c'est l'œuvre de toute une génération
que cette mystérieuse besogne, et nos enfants en recueilleront les fruits.

Pour satisfaire aux légitimes prétentions du public, qui veut qu'on l'émeuve, les
artistes anversois ont donc cherché à mettre du sentiment dans leurs compositions. Cette
recherche venant d'une nécessité quasi mercantile et non d'un besoin du cœur, il
arrive, pour le moment, que ces artistes se rapprochent tout simplement, et sans le
savoir des maîtres étrangers ou nationaux qui leur plaisent le plus. C'est ainsi que les
peintres religieux se nourrissent des traditions de l'École allemande, les peintres d'his-
toire étudient l'École française, ceux qu'on appelle ici les genristes étudient M. Leys;
seuls, nos peu nombreux paysagistes sont originaux, à cause sans doute de l'admirable
modèle qu'il ont toujours sous les yeux et qui les dispense d'aimer d'autres maîtres.

Voilà quelle est la situation de l'école d'Anvers. Je l'ai dépeinte avec simplicité,
mais avec vérité. Ma prochaine correspondance prendra nos artistes un à un et les mon-
trera dans leur plus complète personnalité. Aujourd'hui, j'ai posé le fait, les preuves
viendront plus tard. Les artistes flamands sont peu connus en France; il appartient à
une revue telle que la Gazette des Beaux-Arts de les y rendre populaires.

ADOLPHE S IRE T.

I

vi. 31