Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (6.1860)

PLOMBS HISTORIÉS

TROUVÉS DANS LA SEINE

Ceux que conduit à travers Paris une intel-
ligente flânerie se sont arrêtés, sans aucun
doute, sur le quai des Orfèvres, devant une
étroite boutique dont l'aspect un peu terne
contraste avec celui des brillants magasins où
l'or et l'argent s'étalent dans tout l'éclat de la
nouveauté. Une porte fort exiguë, placée entre
un pilastre vitré et une petite montre, en com-
posent toute la devanture, où l'éponge n'efface
point chaque matin les éclaboussures de la veille. Derrière les vitres du
pilastre et de la porte sont accrochées quelques épreuves de sceaux du
moyen âge, moulées ou photographiées, qu'accompagnent parfois des
gravures on des tableaux de très-modeste valeur. Derrière la montre s'en-
chevêtre, dans un réjouissant pêle-mêle, toute la bohème du bric-à-brac,
sous cette inscription explicative : Objets trouvés dans la Seine.

Comment décrire cet amas et ce désordre de choses ternes, rouillées,
faussées ou rompues, encore embarrassées du conglomérat cle cailloux
qu'y a attaché le fer en s'oxydant des couvertes d'une patine grise de
timbre incrusté? Lames ou poignées d'épées tordues et brisées, éperons
sans molettes, vases en métal bosselés ou aplatis, poids et monnaies,
menus objets sans forme, énigmes posées à la sagacité des OEdipes de
l'archéologie, se trouvent là confondus. Tout ce que les ruisseaux et les
égouts d'une grande ville ont jeté d'objets sans prix dans les vases de la
Seine, tout ce que la drague en a apporté au jour pendant les travaux de
construction des ponts et des quais de Paris, est entré dans cette bou-
tique pour en faire un musée.

<( Tout y est entré, se dit-on, mais certes n'en a pu sortir. » Car on
pense que s'il se trouve un maniaque pour recueillir toutes ces épaves