DOI Heft:
Nr. 6
DOI Artikel:Jacquemart, Albert: Les dessins d'ornement de Polydore de Caravage
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.17222#0343
LES ORNEMENTS DE POLYDORE DE C ARA VA G E.
o .» •>
pensée : il formule les lois de l'avenir, envisage les nécessités de la
division du travail, et ne se préoccupe pas du passé, car, encore une
fois, son livre est une grammaire et n'est pas une histoire l.
Ouvrons les auteurs grecs et latins, parcourons les comptes rendus de
nos expositions d'œuvres d'art et d'industrie, et nous comprendrons com-
ment la tyrannie des faits a modifié les expressions du langage. Chez les
anciens, l'industrie n'existe pas ; l'art est partout. Si, par de pompeuses
descriptions, nous connaissons les peintures d'Apelles, de Polygnote et de
Zeuxis, et les statues détruites d'Arcésilas, de Phidias et de Scymnus, nous
apprenons aussi que Théophilus2 avait ciselé le casque d'Alexandre; nous
retrouvons les noms d'Hermès et de Pistias d'Athènes3, qui fabriquaient
des armures, de Gritonius Dassus et de Januaris4, les sculpteurs de vases
en bronze ; nous savons encore à quelles mains était confié le précieux
métal de Corinthe, et comment son prix augmentait par le travail d'Aptus,
de Thalamus et de Zoïlus5.
Ces faits, l'auteur de la Grammaire de l'Art est loin de les ignorer et
de les méconnaître ; il les accepte comme acquis et sans les discuter :
« L'art est utile aux sociétés parce qu'il adoucit les mœurs, écrit-il. En
a voyant chaque jour, dit Platon (dans sa République), des chefs-d'œuvre
a de peinture, de sculpture et d'architecture, les génies les moins dispo-
u sés aux grâces, élevés parmi ces ouvrages comme dans un air pur et
« sain, prendront le goût du beau, du décent et du délicat. » Certes,
voilà la plus éloquente démonstration de l'utilité des monuments et des
musées; mais l'action bienfaisante de l'art ne s'exerçait-elle pas plus
immédiatement encore, chez les anciens, par le contact immédiat et per-
pétuel de ces mille choses de la vie usuelle, aujourd'hui déclassées par
notre admiration? Tous les vases grecs n'étaient pas offerts en prix aux
athlètes ; bon nombre nous sont parvenus avec les traces d'un usage qui
n'ôte rien à leur valeur. Dans les vitrines de nos musées, combien de
fragments arrachés aux portes des maisons, aux timons des chars, aux
ustensiles culinaires ! Combien de lanx6 décorées, par euphémisme, du
nom de patènes de sacrifice l Pline ne nous dit-il pas que les inestimables
1. Si le lecteur veut bien se reporter aux premiers chapitres de notre Grammaire,
il verra clairement que nous sommes, au fond, parfaitement d'accord avec notre savant
collaborateur. Ch. B.
ï. Plutarque.
3. Muratori, Xénophon, Athénée,
4. Fabretti, de Witte.
5. Gruter, Marini, Orelli.
0. Assiettes pour recevoir les viandes rôties.
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pensée : il formule les lois de l'avenir, envisage les nécessités de la
division du travail, et ne se préoccupe pas du passé, car, encore une
fois, son livre est une grammaire et n'est pas une histoire l.
Ouvrons les auteurs grecs et latins, parcourons les comptes rendus de
nos expositions d'œuvres d'art et d'industrie, et nous comprendrons com-
ment la tyrannie des faits a modifié les expressions du langage. Chez les
anciens, l'industrie n'existe pas ; l'art est partout. Si, par de pompeuses
descriptions, nous connaissons les peintures d'Apelles, de Polygnote et de
Zeuxis, et les statues détruites d'Arcésilas, de Phidias et de Scymnus, nous
apprenons aussi que Théophilus2 avait ciselé le casque d'Alexandre; nous
retrouvons les noms d'Hermès et de Pistias d'Athènes3, qui fabriquaient
des armures, de Gritonius Dassus et de Januaris4, les sculpteurs de vases
en bronze ; nous savons encore à quelles mains était confié le précieux
métal de Corinthe, et comment son prix augmentait par le travail d'Aptus,
de Thalamus et de Zoïlus5.
Ces faits, l'auteur de la Grammaire de l'Art est loin de les ignorer et
de les méconnaître ; il les accepte comme acquis et sans les discuter :
« L'art est utile aux sociétés parce qu'il adoucit les mœurs, écrit-il. En
a voyant chaque jour, dit Platon (dans sa République), des chefs-d'œuvre
a de peinture, de sculpture et d'architecture, les génies les moins dispo-
u sés aux grâces, élevés parmi ces ouvrages comme dans un air pur et
« sain, prendront le goût du beau, du décent et du délicat. » Certes,
voilà la plus éloquente démonstration de l'utilité des monuments et des
musées; mais l'action bienfaisante de l'art ne s'exerçait-elle pas plus
immédiatement encore, chez les anciens, par le contact immédiat et per-
pétuel de ces mille choses de la vie usuelle, aujourd'hui déclassées par
notre admiration? Tous les vases grecs n'étaient pas offerts en prix aux
athlètes ; bon nombre nous sont parvenus avec les traces d'un usage qui
n'ôte rien à leur valeur. Dans les vitrines de nos musées, combien de
fragments arrachés aux portes des maisons, aux timons des chars, aux
ustensiles culinaires ! Combien de lanx6 décorées, par euphémisme, du
nom de patènes de sacrifice l Pline ne nous dit-il pas que les inestimables
1. Si le lecteur veut bien se reporter aux premiers chapitres de notre Grammaire,
il verra clairement que nous sommes, au fond, parfaitement d'accord avec notre savant
collaborateur. Ch. B.
ï. Plutarque.
3. Muratori, Xénophon, Athénée,
4. Fabretti, de Witte.
5. Gruter, Marini, Orelli.
0. Assiettes pour recevoir les viandes rôties.