DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Lagrange, Léon: Du rang des femmes dans les arts
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DU RANG DES FEMMES
DANS LES ARTS
u La danse est un art qui s'en va, nous disait-on ces jours-ci; notre
pays ne produit plus de danseuses. Encore un article pour lequel la
France sera tributaire de l'étranger, si le gouvernement n'y met bon
ordre.» — a Eh! que voulez-vous qu'y fasse le gouvernement?)) —
« Ignorez-vous, nous fut-il répondu, qu'il existe en Italie des Conserva-
toires de danse d'où sont sorties la plupart des célébrités applaudies sur
notre scène? L'administration française s'est émue, paraît-il, de la dé-
tresse de notre corps de ballet, et elle songerait à importer chez nous
cette utile institution des Conservatoires de danse, qui aurait pour avan-
tage d'ouvrir aux femmes une carrière nouvelle et lucrative. »
-—Fort bien. Après les Conservatoires de musique, les Conservatoires
de danse. Voilà les femmes bien loties.
Vous chantiez! j'en suis fort aise :
Eli bien, dansez maintenant.
Une dame prit alors la parole : — « À vous entendre, Messieurs, nous
ne serions donc bonnes qu'à chanter et à danser? Si une pauvre fille
montre quelque aptitude aux beaux-arts, vite on la voue au théâtre. Le
gouvernement l'y convie et s'y fait son tuteur. Et, cependant, pour quel-
ques premiers sujets qui de temps en temps sortent des classes, combien
de talents avortés, condamnés pour la vie aux planches malsaines de la
banlieue ou de l'extrême province? Combien cle vocations manquées qui
vont s'éteindre entre la misère et la honte ! La gloire même cle premier
sujet, à quel prix se paie-t-elle? Et cette fortune d'un jour, ne la voyez-
vous pas souvent s'expier par les lentes souffrances d'une vieillesse beso-
gneuse et méprisée? — Nous vous amusons, messieurs ; vous voilà satis-
faits. Les femmes ne peuvent-elles demander davantage? Plus d'une,
engagée dans cette voie du théâtre où le gouvernement la patronne,
s'aperçoit un peu tard qu'elle fait fausse route, et se demande si le senti-
DANS LES ARTS
u La danse est un art qui s'en va, nous disait-on ces jours-ci; notre
pays ne produit plus de danseuses. Encore un article pour lequel la
France sera tributaire de l'étranger, si le gouvernement n'y met bon
ordre.» — a Eh! que voulez-vous qu'y fasse le gouvernement?)) —
« Ignorez-vous, nous fut-il répondu, qu'il existe en Italie des Conserva-
toires de danse d'où sont sorties la plupart des célébrités applaudies sur
notre scène? L'administration française s'est émue, paraît-il, de la dé-
tresse de notre corps de ballet, et elle songerait à importer chez nous
cette utile institution des Conservatoires de danse, qui aurait pour avan-
tage d'ouvrir aux femmes une carrière nouvelle et lucrative. »
-—Fort bien. Après les Conservatoires de musique, les Conservatoires
de danse. Voilà les femmes bien loties.
Vous chantiez! j'en suis fort aise :
Eli bien, dansez maintenant.
Une dame prit alors la parole : — « À vous entendre, Messieurs, nous
ne serions donc bonnes qu'à chanter et à danser? Si une pauvre fille
montre quelque aptitude aux beaux-arts, vite on la voue au théâtre. Le
gouvernement l'y convie et s'y fait son tuteur. Et, cependant, pour quel-
ques premiers sujets qui de temps en temps sortent des classes, combien
de talents avortés, condamnés pour la vie aux planches malsaines de la
banlieue ou de l'extrême province? Combien cle vocations manquées qui
vont s'éteindre entre la misère et la honte ! La gloire même cle premier
sujet, à quel prix se paie-t-elle? Et cette fortune d'un jour, ne la voyez-
vous pas souvent s'expier par les lentes souffrances d'une vieillesse beso-
gneuse et méprisée? — Nous vous amusons, messieurs ; vous voilà satis-
faits. Les femmes ne peuvent-elles demander davantage? Plus d'une,
engagée dans cette voie du théâtre où le gouvernement la patronne,
s'aperçoit un peu tard qu'elle fait fausse route, et se demande si le senti-