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L'ART \S1 VTIQUE ANCIEN. 79
si, d'autre part, nous considérons les œuvres de l'art hellénique à partir
du moment où il devient lai-môme, nous convenons qu'un abîme les
sépare de tout ce que nous avons pu admirer à Persépolis. Malheureuse-
ment pour l'art persépolitain, nous tombons nécessairement, lorsque nous
cherchons parmi les antiquités grecques quelque chose qu'on puisse lui
comparer directement, sur le chef-d'œuvre par excellence, sur ces frises
du Parthénon qui représentent des processions solennelles et le déploie-
ment d'une pompe tranquille. Il est certain qu'entre ces deux spécimens
empruntés l'un à la Grèce, l'autre à l'Asie, et présentant une réelle ana-
logie de dimension, de sujet, de disposition, sinon de développement, il
n'y a pas de comparaison possible, parce que les principes inspirateurs,
les bases psychologiques sur lesquelles reposent les deux œuvres, n'ont
entre elles rien de commun.
Au siècle de Périclès, le génie grec s'est élevé, pour la première fois,
à la notion nette, à la conception réfléchie du beau, qu'il n'avait entre-
vue jusqu'alors que d'une manière plus ou moins instinctive, plus ou
moins confuse. La faculté de définir et de dégager cet élément particulier
de la conscience humaine se trouvait sans doute en germe dans la mys-
térieuse essence de cette race privilégiée, et il est probable que nous
pourrions en suivre les développements progressifs, si le temps nous avait
conservé une série chronologique et complète des œuvres grecques à
partir de la plus haute antiquité. Ce qui paraît incontestable, c'est que
l'épanouissement de cette haute aptitude n'a été complet qu'au commen-
cement du ve siècle. Dès lors, toutes les conditions auxquelles l'art avait
pu obéir, règles hiératiques, puissance mnémonique et historique, repré-
sentations conventionnelles des personnalités, symboles consacrés, vérité
même et reproduction géométrique de la nature, tout dut s'effacer devant
une condition suprême, le beau, mot indéfinissable et mystérieux, mais
qui n'a pris place dans le langage que du jour où une notion nouvelle est
venue enrichir le trésor de la conscience humaine. Avec la tradition
grecque, cette notion s'est ravivée lors de la Renaissance, après un som-
meil de plusieurs siècles, pendant lesquels les éléments secondaires et
en quelque sorte matériels de l'art ont repris tout leur empire. De nos
jours, la recherche incessante, la préoccupation exclusive du beau, de
l'idéal, du caractère, de ce je ne sais quoi qui constitue la partie imma-
térielle et impondérable de l'art, sont devenues l'idée fixe, la prétention,
la torture, quelquefois la gloire du monde artistique. 11 est vrai que cette
spéculation, moitié philosophique et scientifique, moitié poétique, ne
parait pas susceptible de produire des résultats pratiques proportionnés
à ses développements théoriques. Le sentiment esthétique, arrivé dans
L'ART \S1 VTIQUE ANCIEN. 79
si, d'autre part, nous considérons les œuvres de l'art hellénique à partir
du moment où il devient lai-môme, nous convenons qu'un abîme les
sépare de tout ce que nous avons pu admirer à Persépolis. Malheureuse-
ment pour l'art persépolitain, nous tombons nécessairement, lorsque nous
cherchons parmi les antiquités grecques quelque chose qu'on puisse lui
comparer directement, sur le chef-d'œuvre par excellence, sur ces frises
du Parthénon qui représentent des processions solennelles et le déploie-
ment d'une pompe tranquille. Il est certain qu'entre ces deux spécimens
empruntés l'un à la Grèce, l'autre à l'Asie, et présentant une réelle ana-
logie de dimension, de sujet, de disposition, sinon de développement, il
n'y a pas de comparaison possible, parce que les principes inspirateurs,
les bases psychologiques sur lesquelles reposent les deux œuvres, n'ont
entre elles rien de commun.
Au siècle de Périclès, le génie grec s'est élevé, pour la première fois,
à la notion nette, à la conception réfléchie du beau, qu'il n'avait entre-
vue jusqu'alors que d'une manière plus ou moins instinctive, plus ou
moins confuse. La faculté de définir et de dégager cet élément particulier
de la conscience humaine se trouvait sans doute en germe dans la mys-
térieuse essence de cette race privilégiée, et il est probable que nous
pourrions en suivre les développements progressifs, si le temps nous avait
conservé une série chronologique et complète des œuvres grecques à
partir de la plus haute antiquité. Ce qui paraît incontestable, c'est que
l'épanouissement de cette haute aptitude n'a été complet qu'au commen-
cement du ve siècle. Dès lors, toutes les conditions auxquelles l'art avait
pu obéir, règles hiératiques, puissance mnémonique et historique, repré-
sentations conventionnelles des personnalités, symboles consacrés, vérité
même et reproduction géométrique de la nature, tout dut s'effacer devant
une condition suprême, le beau, mot indéfinissable et mystérieux, mais
qui n'a pris place dans le langage que du jour où une notion nouvelle est
venue enrichir le trésor de la conscience humaine. Avec la tradition
grecque, cette notion s'est ravivée lors de la Renaissance, après un som-
meil de plusieurs siècles, pendant lesquels les éléments secondaires et
en quelque sorte matériels de l'art ont repris tout leur empire. De nos
jours, la recherche incessante, la préoccupation exclusive du beau, de
l'idéal, du caractère, de ce je ne sais quoi qui constitue la partie imma-
térielle et impondérable de l'art, sont devenues l'idée fixe, la prétention,
la torture, quelquefois la gloire du monde artistique. 11 est vrai que cette
spéculation, moitié philosophique et scientifique, moitié poétique, ne
parait pas susceptible de produire des résultats pratiques proportionnés
à ses développements théoriques. Le sentiment esthétique, arrivé dans