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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 8.1860

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Nr. 2
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Thoré, Théophile: Exposition générale des Beaux-Arts à Bruxelles
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https://doi.org/10.11588/diglit.17224#0102

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EXPOSITION DES BEAUX-ARTS A BRUXELLES. 97

le inoins, bourgeois à la rigueur? Et quelle rude exécution a ce Millet,
sans charme et sans idéal! Il faut voir cependant. Peut-être y a-t-il
quelquechose dans cet art, un peu sauvage relativement aux habitudes
du monde exceptionnel, et qui se régénère — peut-être — aux sources
vives de la nature.

Jusqu'ici M. Millet n'avait encore montré que des ligures de propor-
tion réduite, quoique sa manière de peindre se prête aux grandes compo-
sitions. La tondeuse de moutons est de grandeur naturelle, vue à
mi-jambe, de profil à droite, sur un fond sombre. Une de ses mains est
étalée sur la brebis couchée et qu'un vieux paysan dissimulé dans
l'ombre empêche de remuer. Son autre main tient les ciseaux et coupe la
laine sur le poitrail de la brebis. Sa tête hâlée est grave et point dis-
traite. Sous son vêtement grossier on sent la forme, sans aucun escamo-
tage. Ah! que cette femme fait bien ce qu'elle fait! C'est peu de chose
que de tondre un mouton. Mais sur les sublimes bas-reliefs de l'antiquité
grecque, qu'y a-t-il donc le plus souvent? Une femme qui attise du feu
sur un trépied, un homme qui porte la dépouille d'un lion, ou qui conduit
un taureau au sacrifice. N'importe quoi. Tout sujet peut être élevé à la
hauteur solennelle de la poésie par la seule vertu de l'artiste, s'il y met
une conviction irrécusable, je ne sais quel élément universel, par quoi sa
création se rattache à ce qui est beau et vrai. La simple Tondeuse de mou-
tons de M. Millet fait songer aux œuvres les plus admirables de l'anti-
quité, — n'est-ce pas très-singulier et presque incroyable? — en même
temps qu'aux peintures les plus solides et les plus colorées de l'école
vénitienne. L'art grec et Giorgione, ce sont les deux souvenirs qu'évoque
la nouvelle peinture de cet artiste solitaire, qui sera bientôt classé parmi
les maîtres de notre temps, et qui ouvre peut-être une nouvelle époque
à la peinture, si défaillante aujourd'hui.

En entrant à l'Exposition de Bruxelles, des artistes que nous y ren-
contrâmes dirent tout de suite : — Allons voir le Millet qui a fait une
révolution » parmi les peintres de la Belgique!

W. BURGER.

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